Révélation : j’ai rencontré des Russes. J’en ai trouvé une ce matin même sur mon chemin. Elle m’a apporté le café. Il se passe des choses tellement dingues, tellement dangereuses, à Moscou. J’ai bien peur que la CIA et la NSA en aient eu vent, et qu’ils puissent se servir de cette rencontre, même contre vous, cher lecteur. Vous avez pris connaissance d’un article d’Israël Shamir. Saviez-vous qu’il a des contacts russes ?
Je ne suis plus tout jeune, mais c’est la première fois que j’assiste à une telle chasse aux sorcières. En Russie, il y a beaucoup d’étrangers, Européens, Américains, et les Russes se mêlent à eux librement, sans peur. Ils n’ont pas peur, les Russes, de rencontrer l’ambassadeur US, ils en seraient plutôt fiers, quand ils en ont l’occasion. Quand il organise une fête ou une réception, tout le gratin de Moscou accourt à Spaso-House, la résidence de l’ambassadeur.
Même au temps de Staline, les Russes allaient à ces réceptions, et Mikhaïl Boulgakov en a décrit une comme le bal de Satan, dans Le Maître et Marguerite. Ces dernières années, toutes les personnalités de l’opposition russe ont rendu visite à l’ambassadeur US, et ont eu des conversations chaleureuses avec lui.
Et pas seulement en Russie. Les câbles du Département d’État publiés par Wikileaks font état de centaines de rencontres entre ambassadeurs US et ténors de l’opposition dans le monde entier. Et nulle part on n’a considéré ces rencontres comme une atteinte à la sécurité nationale et une charge rédhibitoire contre un dirigeant de l’opposition.
Peut-être qu’à la lumière de la grande peur des Russes, les nations devraient promulguer des lois pour interdire à toute personne ayant rencontré un ambassadeur US de briguer la moindre responsabilité publique ou candidature électorale. Elles pourraient appeler la chose Loi de Flynn, par esprit de réciprocité. C’est la classe politique US qui s’est attirée cette menace. Si toute personne ayant rencontré un ambassadeur russe ou un ministre du gouvernement russe, ou encore le président russe (ce qu’à Dieu ne plaise) est impropre à la gouvernance, c’est toute la strate supérieure des politiciens US qui devrait être disqualifiée. L’année dernière, même Jill Stein, la super-woman kacher de la politique US, candidate du Parti Vert à la présidence, avait visité Moscou et avait partagé la table de Poutine, avant de reprendre son vol pour aller réclamer le recomptage des votes dans le Wisconsin.
Les Russes observent la nouvelle chasse aux sorcières transatlantique avec une certaine surprise. Ils ne savaient pas qu’ils étaient si redoutables, si effrayants. Moi non plus, d’ailleurs. Je peux faire la liste des fautes graves de la Russie à partir d’aujourd’hui jusqu’à Noël prochain : bureaucratie atroce, législation impossible, police fastidieuse, grands écarts dans le niveau de vie, climat infect et mauvaises routes ; mais je ne vois aucune raison de considérer la Russie comme une menace pour qui que ce soit. Les Russes sont d’accord pour respecter les lois internationales, ils croient à la souveraineté nationale, ils préfèrent ne pas dire aux autres pays comment ils devraient gérer leur vie civique ou faire des affaires. Et ils ne se mêlent pas des affaires des autres États, ce qui serait pourtant bienvenu.