La réforme des retraites prévoit une refonte des pensions de réversion, dont la nouvelle formule doit répondre à "un objectif de solidarité". Mais dans les faits, elle pénalisera de nombreux ménages modestes en favorisant les plus aisés. Les conditions d’accès seront aussi durcies, avec une suppression en cas de remariage du conjoint survivant.
Une refonte totale
La réforme des retraites du gouvernement prévoit de bouleverser les règles de la réversion, qui permet aux veufs de toucher une partie de la pension de leur conjoint décédé. Les règles de calcul seront ainsi remaniées pour les assurés nés après 1975 : le montant versé garantira au conjoint survivant un revenu égal à 70 % des retraites totales du couple. De quoi mieux préserver son niveau de vie et répondre à « un objectif de solidarité », selon le gouvernement. Mais dans les faits, cette nouvelle formule sera moins favorable pour de nombreux retraités modestes, et profitera à l’inverse aux ménages aisés. L’exécutif prévoit aussi de durcir les conditions d’accès à la réversion, qui sera notamment coupée en cas de remariage du conjoint survivant.
La pension de réversion représente un enjeu majeur pour de nombreux retraités. Ils étaient 4,4 millions à en toucher une fin 2017 selon la Drees, dont 88 % de femmes. De quoi augmenter leur pension de 630 euros bruts par mois en moyenne. Ce bonus répond à un double objectif : « [permettre] aux veuves de conserver un niveau de vie satisfaisant » et « [compenser], en partie, les différences de niveau de retraite entre les femmes et les hommes », expliquait dans un article publié en février 2019 Henri Sterdyniak, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). La réversion doit ainsi éviter que les revenus de la conjointe survivante chutent trop brutalement après la mort de son époux. Ce filet de sécurité est d’autant plus nécessaire que la retraite des femmes est très souvent inférieure à celle de leur mari, leur carrière étant plus affectée par le mariage (à travers un temps partiel pour s’occuper des enfants par exemple).
Cette garantie d’un niveau de vie stable serait renforcée par les nouvelles règles, selon le gouvernement. La réforme prévoit que la réversion portera le revenu de la veuve à une part des retraites totales que recevaient les époux, fixée à 70 % dans l’étude d’impact. Prenons l’exemple d’un couple de retraités « standard », où l’homme touche 1.740 euros bruts par mois et son épouse 1.070 euros. Leur total de pensions est alors de 2.810 euros par mois. Après le décès du mari, la réversion garantira à la veuve 70 % de cette somme, soit 1.970 euros par mois. Elle sera ainsi égale à la différence entre ce montant et la pension de la retraitée, soit 900 euros bruts par mois. De quoi « assurer au conjoint survivant le même niveau de vie qu’avant le décès de son conjoint », défend Henri Sterdyniak. Ces règles s’appliqueront à l’ensemble des retraités, alors qu’elles diffèrent aujourd’hui selon les régimes.
Redistribution à l’envers
Mais à y regarder de plus près, les conséquences concrètes de la réforme s’éloignent de « l’objectif de solidarité » brandi par le gouvernement. Dans la pratique, le taux à 70 % prévu sera moins favorable que les règles actuelles pour de nombreux retraités modestes. Pour ceux du régime général, la réversion est aujourd’hui égale à 54 % de la pension du conjoint décédé, auxquels s’ajoutent 60 % de sa complémentaire. Dans notre exemple d’un mari à 1.740 euros par mois, sa conjointe touche ainsi 960 euros de réversion par mois au moment de son décès. Soit 60 euros de plus que ce qu’elle recevrait dans le nouveau système, une différence notable.
Le nouveau mode de calcul sera d’autant plus pénalisant que les pensions des conjoints étaient proches. Prenons le cas d’un couple de retraités du régime général, où les deux époux touchent tous les deux 1.250 euros par mois. Dans l’ancien système, le survivant aurait reçu une réversion de 700 euros bruts par mois. Après la réforme, elle ne sera plus que de 500 euros bruts : la perte est de 200 euros par mois, un gouffre. Des retraités mariés ne reçoivent aujourd’hui une pension aussi proche que dans peu de cas, celle de l’épouse étant le plus souvent inférieure. Mais de plus en plus de ménages seront dans cette situation à l’avenir, alors que les revenus des femmes et des hommes se rapprochent au fil des générations.
À l’inverse, les nouvelles règles seront favorables pour les veuves dont la retraite était largement inférieure à celle de leur mari. Dans un exemple où l’épouse n’avait aucune pension propre, elle touchera 70 % de celle de son conjoint décédé, puisque cette dernière représentait l’ensemble des revenus du couple. Elle sera donc gagnante par rapport à l’ancien système, où elle aurait perçu un peu plus de la moitié de la retraite de son conjoint. Dans le détail, « la veuve d’un salarié y gagne si sa pension était inférieure à 47 % de celle de son mari », calcule l’économiste Henri Sterdyniak. Mais seule une petite minorité d’épouses seront dans cette situation. « À l’heure actuelle, environ 35 % des veuves ont une pension inférieure à la moitié de celle de leur mari », estime Henri Sterdyniak. Et cette proportion promet de diminuer encore d’ici l’entrée en vigueur des nouvelles règles, les écarts de revenus étant plus faibles dans les couples nés après 1975.
Une deuxième catégorie sera gagnante : les retraités avec un niveau de vie au-dessus de la moyenne. La réversion est aujourd’hui soumise à un plafond de ressources dans le régime général de base, fixé à 1.760 euros par mois. Elle est ainsi réduite si les revenus du conjoint survivant dépassent ce montant. C’est le cas dans l’exemple d’un couple où l’épouse touche 1.230 euros de pension par mois, et son époux 2.000 euros. Après le décès de son conjoint, la veuve ne touchera que 845 euros par mois (contre 1.100 euros s’il n’y avait pas de plafond). Cette contrainte sera supprimée par la réforme : une retraitée dans la même situation touchera alors 1.030 euros de réversion par mois. Le gain est considérable, à 185 euros bruts par mois.
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Les Échos ont décrit les subtilités de cette réforme :
Le quotidien L’Opinion expliquait le changement de procédure en août 2019. On appréciera les exemples de revenus du couple avant décès d’un des conjoints à 4000 et 7000 euros...