Le divorce entre l’élite politique et la population que l’on constate à chaque élection est un fait massif depuis ces dernières années. Il se révèle dans le taux d’abstention, qui a considérablement progressé et ce pour l’ensemble des élections depuis les années 1980.
Ce divorce alimente un procès en « populisme » contre des forces, de gauche comme de droite, qui conteste l’offre politique aujourd’hui rejeté par environ un tiers à la moitié des électeurs français. Pourtant, on peut penser que si tant le parti ex-gaulliste que le parti dit socialiste exprimait de véritables alternatives, ce taux d’abstention ne serait pas aussi élevé. Ce divorce trouve son fondement dans le délitement de la souveraineté nationale qui est ressenti par la population. Les Français ont le sentiment, de plus en plus justifié, que leur gouvernement, qu’il soit de l’UMP ou du PS, écoute bien plus ce qui se dit à Bruxelles que ce que veulent les électeurs.
Ce délitement marche de concert avec le délitement de la démocratie. Certes, des élections se tiennent régulièrement en France. Mais, ont elles encore un pouvoir de changer la politique, voire de changer l’élite dirigeante ? On peut en douter. Par ailleurs, les choix des électeurs ont été bafoués de manière ouverte et explicite lors du référendum sur le projet de traité constitutionnel de 2005. De là date la crise ouverte de la démocratie en France. Les suites de ce référendum constituent un événement marquant, l’équivalent d’un acte fondateur, qui nous a fait entrer dans une nouvelle époque. Cela en dit long sur la notion de la démocratie qui est professée par les principaux responsables européens, et en particulier de M. Jean-Claude Juncker (un multirécidiviste sur ce point qui avait déclaré à la suite de cette élection du 25 janvier « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens » [1]) ou M. Moscovici. Ajoutons que les récentes déclarations de M. Schäuble [2] vont parfaitement dans ce sens. On mesure que le mot « démocratie » n’est qu’un slogan sans contenu pour les dirigeants de l’Union européenne.
Il convient alors d’analyser ce discours anti-démocratique, et ses fondements économiques pour tenter de trouver une solution à la crise de la démocratie que l’on observe en France. Au-delà, ce divorce entre le peuple et les élites peut avoir comme solution la séparation radicale entre le peuple et une certaine élite. Après tout, Thomas Bottomore n’écrivait-il pas [3], il y a de cela près de cinquante ans, que l’histoire est un cimetière d’élites ?