Le conflit syrien attire moins les regards occidentaux depuis la fin de la bataille d’Alep. Pourtant, les bombardements continuent sur la ville libérée, tandis que des ONG controversées comme les Casques Blancs maintiennent leur présence et leur influence dans le pays.
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Français, âgé de 28 ans, Pierre Le Corf est parti à Alep et fondé une petite ONG. Pris dans la tourmente de cette guerre civile, il a été de surcroît violemment critiqué par les médias. Il était de passage en France. L’occasion pour nous d’aborder la réalité de la situation humanitaire, inextricablement liée aux circonstances géopolitiques.
« Ça a été une année et demie très sulfureuse. Principalement, distribuer du matériel de premier soin le long de la ligne de front, des garrots pour les hémorragies, etc. Quand une roquette tombe, les gens ne savent pas trop comment réagir. Ils ont peur mais ont envie d’aider. Le problème, c’est que c’est de la médecine de guerre. J’ai voulu créer ce programme pour aider les gens à agir et éventuellement sauver des vies. »
Une ville menacée ?
« Je travaillais avec des familles qui s’échappaient d’Alep Est. Aucun média n’avait parlé d’Alep ouest. Alep Est représentait 130 000 personnes, Alep Ouest c’est 1,3 millions de personnes, entièrement effacées de la carte. (…) À Alep, il y avait environ 30 factions armées : elles s’appelaient toues “Al-Nosra”’ ou “Al-Jinki”, la lumière de la foi. Au début, il y avait des rebelles mais à cette heure, il n’y a que des djihadistes. (…) Les terroristes étaient à 500 mètres de chez moi, je les entendais crier “Allah Ouakbar” avant de tirer au mortier. Aujourd’hui, ils sont à 3 km. Ils ne sont plus dans le centre-ville, ils sont à l’entrée de la ville. Nous sommes toujours à portée de tir sur une bonne partie de la ville, nous continuons à recevoir des roquettes tous les jours. »
« Je suis Français, je n’ai rien à gagner à dire ça… vous pouvez demander à Alep à n’importe quelle personne : s’il n’y avait pas eu les Russes, l’aviation russe, Alep serait tombée. Tous les jours, mon sac était prêt. On dormait habillé parce qu’on ne savait pas si on allait être pris, si la ville allait tomber. On ne peut pas contester les bombardements, beaucoup de gens sont morts. Mais je travaille tous les jours avec les gens d’Alep Est : ils ont le sentiment qu’on leur a sauvé la vie. J’invite n’importe qui à venir à Alep. (…) Beaucoup ont essayé de faire tourner le vent jusqu’à la dernière minute : c’est à la libération que j’ai été le plus attaqué personnellement, parce que j’ai dit que c’était une libération et non une chute. »
« Vous pouvez demander à Alep à n’importe quelle personne : s’il n’y avait pas eu les Russes, Alep serait tombée ».
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Bashar El-Assad, un tyran ?
« Je ne fais pas de politique, mais quand on me pose une question, j’y réponds. Beaucoup de gens voient dans le gouvernement des choses qui ne fonctionnent pas. Ils veulent des réformes. Mais c’est la grande majorité du pays qui soutient Bashar El-Assad. J’ai été très surpris : quand je suis parti pour Noël distribuer des cadeaux à la libération d’Alep Est, quand j’ai rencontré les familles, les gens voyaient Bashar El-Assad comme celui qui les avait sauvés. Si les gens n’étaient pas derrière lui, il serait tombé depuis longtemps. Les gens se sont battus pour maintenir leur pays. Je sais que beaucoup de gens ne comprendront pas ça. Les médias préfèrent vendre un train qui arrive en retard que les trains qui arrivent à l’heure. »
Quel regard sur la France ?
« Les Syriens aiment les Français mais ils ont regard sur les pays qui ont détruit ce qu’ils avaient. Aujourd’hui, la France fait partie des pays qui maintiennent les sanctions, et étouffent la Syrie. Elles n’étouffent pas la Syrie, elles étouffent les gens. C’est un mécanisme de guerre encore plus puissant que les roquettes car ils poussent les gens à partir : pas à cause de la guerre, des bombes ou du gouvernement, mais parce qu’il n’y a plus d’avenir. Il n’y a plus d’importation, le pays est fermé, la plupart des usines ont été démontées en Turquie. »