Al-Qaïda en Syrie et ses associés mènent actuellement une attaque de grande envergure au sud-ouest de la ville d’Alep. Leur objectif est d’ouvrir un corridor entre les zones rurales d’Idlib/Alep qu’ils occupent et les zones encore contrôlées par Al-Qaïda qui sont assiégées à l’est d’Alep. Entre 5 000 et 10 000 combattants d’Al-Qaïda, qui utilisent des équipements fournis par les Américains, prennent part à la bataille. Sur le papier, certains de ces combattants sont des « modérés », mais en réalité, tous ces groupes se sont maintenant engagés à appliquer la charia et donc à bannir toutes les minorités. Ils ont fait quelques progrès contre les forces gouvernementales, mais les forces aériennes syriennes et russes les bombardent férocement.
L’état-major général russe sait et dit depuis le mois d’avril qu’al-Qaïda en Syrie (aka Jabhat al-Nusra aka Fateh al Sham) et les différents groupes djihadistes planifient une attaque de grande envergure contre Alep. Un commandant d’Al-Qaïda a, en effet, confirmé que l’attaque était planifiée depuis longtemps dans une harangue à ses combattants avant l’assaut actuel.
Cela jette une nouvelle lumière sur les négociations interminables que le secrétaire d’État Kerry a imposées, pendant des mois, à son collègue russe. Les États-Unis tentaient de protéger al-Qaïda contre les attaques russes et syriennes alors même que les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies demandaient l’éradication d’al-Qaïda et d’ISIS. Ensuite, les États-Unis ont « offert » à la Russie de se battre collectivement contre al-Qaïda, sous commandement étasunien. Nous avons qualifié cette offre d’insensée et de fourbe. Tous ces bavardages, on le voit maintenant, ne servaient qu’à gagner du temps pour permettre à al-Qaïda de préparer l’attaque qu’ils viennent de lancer.
Une autre tentative pour gagner du temps, qui a échoué celle-là, a été de changer le nom de Jabhat al-Nusra en Fateh al-Sham. Certains médias « occidentaux » ont dit que le groupe s’était séparé d’al-Qaïda, mais il s’agissait, au contraire, de la fusion d’al-Qaïda central et de Nosra/al-Qaïda en Syrie sous un nouveau nom. Les sponsors qataris d’Al-Qaïda avaient exigé ce changement de nom pour pouvoir convaincre, au grand jour, les gouvernements « occidentaux » et leur opinion publique qu’Al-Qaïda en Syrie était composé de « rebelles modérés ». Mais l’imposture a échoué. Le stratagème était trop visible pour être pris au sérieux. Le soutien « occidental » d’al-Qaïda va devoir se poursuivre secrètement et modérément.
En Syrie, le régime allié à Moscou repousse les rebelles près d'Alep #AFP https://t.co/vXbk0JRVWg
— Agence France-Presse (@afpfr) 4 août 2016
L’attaque actuelle sur Alep est sérieuse. L’armée syrienne manque des forces terrestres. L’Iran avait promis d’envoyer d’importantes forces terrestres mais elles ne sont jamais arrivées. L’Iran rêvait encore d’un accord avec les Etats-Unis et a donc préféré surseoir à l’envoi de troupes. Les bataillons de fermiers afghans recrutés par l’Iran ne remplacent pas des troupes professionnelles. Se défendre contre un ennemi qui envoie de nombreux véhicules-suicide chargés d’explosifs sur les fortifications et des djihadistes-suicidaires contre les positions sur le terrain est difficile. Cela exige une préparation intensive, un excellent commandement et un parfait contrôle.
Si cette attaque était repoussée, les énormes pertes qu’al-Qaïda subirait pourraient le faire renoncer à l’option de la guerre ouverte de style militaire. Si Al-Qaïda réussit à vaincre l’armée syrienne, cette dernière aura besoin d’importants renforts de forces terrestres pour reprendre l’initiative.
Mais les États-Unis ont compris que leur projet de changement de régime allait échouer quelle que soit l’issue de la bataille. Ils proposent maintenant de diviser la Syrie. La Syrie et tous ses voisins sont contre. Cela n’arrivera pas, mais Washington peut causer d’énormes dégâts avant de se rendre à l’évidence. La Russie peut et doit empêcher d’aussi importantes manœuvres américaines d’ingénierie sociale.