Cette année, pour la première fois, un manuel scolaire offre un schéma de l’appareil reproducteur féminin scientifiquement correct. En question la représentation du clitoris. Tollé général chez les féministes, le patriarcat est en train de tomber ! Néanmoins, cette révélation anatomique n’est pas nouvelle : les premières représentations correctes datent du XVIe siècle. Mais alors, où était passé le clitoris ?
Les femmes excisées par la modernité
Les courants d’histoire influencés par la Gauche nous ont conditionnés à croire que l’histoire est une grande marche vers le progrès, renforcée par la pédagogie à base des fameuses frises chronologiques. C’est évidemment faux : l’histoire est sinusoïdale. Le rapport au corps, et notamment celui des femmes, ne déroge pas à la règle. Car c’est là que se pose le problème qui nous intéresse : comment et pourquoi a-t’on pu « invisibiliser » un organe aussi longtemps ?
Un retour en arrière s’impose, pour nous projeter au temps de la Révolution. On nous la vend comme une période d’acquisition de droits, de progrès, de libération… mais en parler en ces termes concernant la condition féminine, est-ce bien raisonnable ? En vérité, on voit s’opérer un recul considérable des acquis de l’Ancien Régime, juridiques d’abord, mais qui impacteront durablement les mentalités. La redécouverte du droit romain, l’idéologie portée par les Lumières ont contribué a remettre la femme au placard. Elle est peu à peu exclue de la vie publique, évincée du monde politique. On revient au paradigme antique : l’homme vit à l’extérieur, la femme à l’intérieur, transposition sociale de l’anatomie des deux sexes, alors qu’auparavant, les femmes se montraient, et la littérature libertine nous donne un aperçu imagé des connaissances anatomiques d’alors. Le XIXème siècle lui, devient un cache-sexe.
Le puritanisme des modernes
Ce rétropédalage a eu impact considérable sur la représentation mentale du sexe féminin, et de fait, la pudeur induite a torpillé les sciences. Le clitoris, organe du plaisir est peu à peu oublié, recouvert par un voile de puritanisme. D’organe reconnu comme celui du plaisir, soupçonné d’avoir un rôle dans la procréation (l’orgasme a longtemps été considéré comme le déclencheur de l’ovulation), il devient un pousse-au-crime chantre de l’onanisme. Son utilité n’est toutefois pas complètement oubliée, et l’une des consultations médicales les plus fréquentes au XIXe siècle est sa stimulation à des fins thérapeutiques contre la neurasthénie et l’hystérie. Mais ce glissement plaisir-médicalisation rajoute au malaise entourant le sexe féminin. Il faut néanmoins attendre la fin du XIXe siècle pour que cette invisibilisation soit quasi-totale, avec la découverte des cycles menstruels, et donc la confirmation que le clitoris n’a aucun rôle dans la procréation.
Au tournant du XXème siècle, l’orgasme féminin devient tabou, lié aux maladies mentales. La psychanalyse de Freud contribue grandement à cette régression : pour lui la femme adulte ne doit éprouver du plaisir que vaginalement pour avoir une sexualité « socialement organisée ». L’influence de Freud impacta tout le XXème siècle médical, qui effaça presque entièrement de ses enseignement la réalité de l’anatomie féminine. La libération sexuelle à partir des années 1960 n’a pas fait basculer les choses : jouir sans entrave d’accord, mais le mal était fait et la connaissance du corps féminin perdue dans la documentation avait réduit la femme à un trou.
Une « excision mentale »
La philosophie humaniste à la Renaissance puis les Lumières ont mis en péril la vision traditionnelle chrétienne de la femme, égale à l’homme devant Dieu, complémentaire à lui dans le siècle. En renouant avec l’Antiquité, ils ont créé de nouveaux gynécées dans les classes dominantes, les fameux salons. Puis suite à la Révolution, les femmes, écartées de la citoyenneté comme à l’Antiquité encore, sont devenues un sexe invisible, un ornement pour l’homme. La révolution industrielle, en libéralisant le travail, les a précarisées, déféminisées pour une partie, et a préservé les autres enfermées dans leurs corsets. La femme est devenue intérieure, cachée. Les représentations de nus n’ont jamais été aussi lisses qu’au XIXeme siècle, rien ne doit dépasser. Le clitoris, organe inutile était donc de trop. Si des cas d’excisions médicales ont pu exister, on a assisté, pour reprendre les mots du docteur Pierre Foldès à une « excision mentale ».
Bien que la racine du problème soit antérieure, la Révolution et la propagation de son idéologie ont fait entrer la relation au corps féminin dans une nouvelle ère, permis le puritanisme. Le plaisir féminin n’était apparemment pas assez important pour l’intérêt général d’un classe bourgeoise, masculine. Le retour de l’information sur l’anatomie réelle des femmes sur les bancs des collèges lui pourrait, dans ce domaine, œuvrer au Bien Commun, et, en dehors de toute revendication féministe, rétablir, sur le plan de la sexualité une complémentarité sensuelle traditionnelle.