Depuis les années 1990, nous vivons une transformation sociale sans précédente. Le glissement progressif vers le modèle libéral mondialisé a transformé les structures de l’économie et les équilibres sociaux. Cela a eu une répercussion directe sur l’environnement syndical ; la baisse régulière des effectifs des grandes centrales et de la participation aux élections professionnelles donne une idée du naufrage.
Avec un des taux de syndicalisation les plus bas d’Europe (à peine 11 % des employés sont syndiqués selon les sources officielles), les syndicats ne représentent plus une large majorité de travailleurs précaires et en voie « d’uberisation ». À peine 1 % des intérimaires et 2 % des CDD sont syndiqués, alors que 20 % des fonctionnaires le sont (cette forte représentativité est largement due aux enseignants qui utilisent les syndicats de manière très pratique dans leur évolution de carrière). Le gros des bataillons se regroupant dans le public ou les grandes entreprises, on ne les retrouve pas forcément sur les terrains sociaux chauds.
Les directions syndicales ont compris cette faiblesse et cherchent désormais à maintenir leur rôle de « partenaires sociaux représentatifs ». Le repli sur la cogestion des organismes de la protection sociale garantie par le système paritaire (État, patronats et syndicats étant représentés dans la direction des principales administrations de l’aide sociale) est pour eux le moyen de conserver cette armada de « permanents » et de « détachés » qui offrent des troupes mobilisables alors que les effectifs décroissent. Ce rôle de partenaire s’incarne dans le renforcement des négociations collectives au niveau de l’entreprise voulu dans le cadre de la réforme du Code du Travail. On demande d’avantage l’avis des syndicats, même si on a bien l’intention de ne surtout pas le suivre. Cette démocratie dans l’entreprise est clairement aux mains du patronat qui s’en sert juste pour valider au niveau de la forme ses pires plans sociaux.
La « base » des principaux syndicats doit faire face à une situation paradoxale dans la plupart des récents conflits. Alors que la combativité des travailleurs est forte, elle doit convaincre les directions de la suivre et de la soutenir. Jamais la rupture n’a été aussi profonde entre le sommet des syndicats et la masse des syndicalistes du quotidien. On constate même que les conflits se durcissent quand la présence syndicale est la moins forte. Les syndicats bureaucratiques mettent l’accent sur le maintien des acquis sociaux et non pas sur la conquête de nouveaux droits mais surtout ne proposent pas de sortir du système économique actuel. Ils ont eu d’ailleurs des positions défaitistes voire ont totalement capitulé dans de nombreux conflits. ArcelorMittal ou Whirlpool à Amiens sont des cas d’école : leurs incapacité à résister a conduit à leur échec dans la mobilisation.
« Touchez pas au grisbi » !
Cela est triste à dire, mais les directions des principaux syndicats sont devenues des partenaires de la restructuration capitaliste dans sa phase mondialiste. Quand le mouvement des Gilets jaunes apparaît, il est tout immédiatement considéré comme un trouble-fête dans le subtil jeu de donnant-donnant entre les partenaires du « gâteau social ». Même ceux qui ne ramassent que les miettes veulent les garder à tous prix. « Touchez pas au grisbi » est le cri du cœur des dirigeants syndicaux aux Gilets jaunes !
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À voir : « Syndicats : soumission ou révolution ? », une conférence de Louis Alexandre, rédacteur en chef de la revue Rébellion, à l’Université Réelle de Montpellier