Secrétaire général de l’Élysée, conseiller de l’ombre d’Emmanuel Macron depuis plusieurs années, Alexis Kohler est soupçonné de conflit d’intérêts dans une longue enquête publiée par Mediapart vendredi. Le haut fonctionnaire possède en effet des liens familiaux avec l’armateur italo-suisse MSC, numéro deux mondial du transport maritime : Rafaela Aponte, cofondatrice de la compagnie avec son mari Gianluigi, est la cousine germaine de la mère d’Alexis Kohler. En juillet dernier, Kohler avait concédé un lien familial avec la compagnie, lâchant qu’« un lointain cousin est actionnaire de MSC », dans une interview à L’Express.
Kohler a souvent croisé la route de MSC dans les dossiers qu’il a eu à traiter. La première fois, c’est en 2010 : membre de l’agence des participations de l’État (APE), il est nommé représentant de l’État au conseil d’administration de STX France, les chantiers navals de Saint-Nazaire. « Le dossier MSC est sur la table de STX, écrit Mediapart. Il occupe même toutes les journées des responsables du chantier naval de Saint-Nazaire, qui n’a pratiquement alors que la commande de l’armateur italo-suisse pour se maintenir en activité. » Kohler a assuré à Mediapart avoir averti sa hiérarchie de ses liens familiaux avec MSC à l’époque. « Si tel est le cas, les règles de la haute administration sont bien élastiques », commente le site.
En 2012, Alexis Kohler, nommé directeur adjoint du cabinet de Pierre Moscovici au ministère de l’Économie et des Finances, « retrouve le dossier STX et le problème du financement des bateaux de croisière construits pour MSC ». Mediapart s’interroge : « A-t-il seulement œuvré pour aider STX ou a-t-il veillé aussi aux intérêts de MSC ? Car dans l’affaire, toutes ces aides pour soutenir Saint-Nazaire reviennent dans les faits à faire payer par l’État les bateaux exploités par l’armateur. »
Nommé directeur financier de MSC en 2016
Les liens entre MSC et Kohler ne s’arrêtent pas là : le collaborateur d’Emmanuel Macron a tenté par deux fois de rejoindre l’entreprise familiale lors de passages à vides dans sa carrière politique. Quand Pierre Moscovici quitte Bercy en avril 2014, Alexis Kohler lui emboîte le pas et demande à rejoindre l’armateur. « Même la commission de déontologie, qui ignore tout de ses relations familiales avec le groupe MSC, considère qu’il y a un problème… […] Sa position, rendue le 10 juillet 2014, est sans appel : avis défavorable », écrit Mediapart.
Emmanuel Macron, nommé fin août 2014 au ministère de l’Économie, fait revenir Alexis Kohler comme directeur de cabinet. Il est de nouveau en charge du dossier STX pendant deux années à Bercy. Après la démission de Macron qui décide de se lancer dans la campagne présidentielle, Alexis Kohler tente encore de rejoindre MSC en tant que directeur financier. La commission de déontologie rend cette fois un avis favorable : elle se fie à la caution apportée par le ministre. Emmanuel Macron s’est ainsi porté garant « qu’Alexis Kohler n’avait jamais traité du dossier lorsqu’il était son directeur de cabinet et même avant comme directeur de cabinet adjoint de Pierre Moscovici », indique Mediapart. Qui s’interroge : « Qui peut le croire ? »