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Marseille : un enseignant se suicide, mettant en cause dans une lettre l’évolution du métier

Un professeur d’électronique d’un lycée marseillais a mis fin à ses jours dimanche, un geste qu’il a expliqué dans une lettre par son "incompréhension face à l’évolution du métier", a-t-on appris lundi de sources concordantes.

Agé de 55 ans, cet enseignant en série STI2D (Sciences et technologies industrielles et du développement durable) du lycée Antonin Artaud (13e) s’est donné la mort à son domicile, "à la veille de la pré-rentrée", relève le Snes-FSU dans un communiqué.

Avant de se suicider, "il a diffusé une lettre d’explication à toute la communauté éducative, faisant un lien évident entre son acte et son incompréhension face à l’évolution du métier", a affirmé à l’AFP son collègue Alain Barlatier, par ailleurs militant syndical.

"Il dit qu’il ne fera pas la rentrée et que quand on lira ce courrier, il sera mort. Nous l’avons reçu hier (dimanche, NDLR) en fin d’après-midi et le temps de chercher à le joindre, c’était trop tard", a-t-il relaté.

Il n’était "pas spécialement dépressif", mais se montrait "extrêmement critique, comme nombre de ses collègues", à la fois sur la formation STI2D et sur le métier en général, selon le syndicaliste.

Dans sa lettre, ajoute M. Barlatier, il déplore le fait que "le métier d’enseignant évolue vers un métier d’exécution, alors que lui avait été recruté pour un métier de conception où il était maître de son travail".

Une cellule de soutien psychologique a été mise en place au sein du lycée, a indiqué le rectorat de l’académie d’Aix-Marseille, précisant que ce professeur "ne rencontrait pas de problèmes particuliers".

Les enseignants de l’établissement, qui ont fait part de leur "très grande consternation et émotion", ont demandé l’organisation d’une "journée banalisée", sans cours. "On ne veut pas reprendre le travail comme si de rien n’était", souligne M. Barlatier.

Sur l’Éducation nationale, chez Kontre Kulture :

 






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44 Commentaires

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  • Professeur remplaçant, quand j’arrivais dans un établissement je demandais toujours à mes collègues à quel administratif il fallait s’adresser en cas de grabuge : dans certains établissement ils ne pouvaient pas me répondre, ils étaient tous nuls . Néanmoins en général je trouvais LA personne compétente dans l’établissement, parfois le patron, parfois l’adjoint, ou un simple CPE ou même une fois un ... Pion ! la seule personne de l’établissement qui eut de l’autorité sur les élèves, et pourtant il portait son long manteau en cuir noir et il était blond .

     

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  • Comme la plupart d’entre vous, je pense que son choix de manifester à travers sa mort n’était pas le bon choix...mais c’était son choix.

    Vous admettrez qu’il est difficile aujourd’hui de savoir quoi faire pour nous sauver sachant que ce qui nous arrive ( guerres, crises économiques, crises sociales, perte de valeurs, etc...) a été savamment calculé il y’ a des centaines d’années et que malgré les preuves de trahison de nos dirigeants, la masse continue de ramer vers la chute.

    Paix à son âme...

     

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  • #514399
    Le 4 septembre 2013 à 13:22 par les je sont faits
    Marseille : un enseignant se suicide, mettant en cause dans une lettre (...)

    "Je ne pouvais détacher mon regard de tendresse
    Des gouttes de chagrins qui suivaient le chemin
    Des rides que la vie avait creusées avec largesse
    .............................

    Il ne regardait rien, juste devant lui
    Mais que voyait-il sur cet invisible horizon,
    Pleurait-il un amour, pleurait-il un ami
    Car pour qu’un homme pleure, il faut une raison."

    C. TEISSEDRE

     

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  • #515930

    Cet homme devait peut être dans une souffrance et je ne peux qu’avoir de la compassion pour lui .......paix à son âme......
    Selon les cultures, le suicide n’a pas la même signification ....
    Ce n’est pas à moi de la juger il a emporté avec lui les multiples raisons de son geste .....
    "Il n’était pas spécialement dépressif" ....... quand savons-nous ? Nous ne sommes pas médecins et quand bien même ? faut-il -t-il être dépressif pour se suicider ? C’est un mot que l’on met à toutes les sauces......Il a fait ce choix, laissons lui cette liberté......

     

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  • #519142

    Quand on est pas content de l’Education Nationale, on part, c’est tout. Le suicide n’est pas une solution, les gens mécontents doivent justement ouvrir les yeux aux autres collègues et au personnel en général.
    J’ai bien fait de ne jamais entrer dans l’Education Nationale et d’avoir un statut d’indépendante, personne ne me dicte comment je dois enseigner les langues que je connais à des étrangers et avec quels thèmes (féminisme, homosexualité etc...).
    Pourtant on me l’a proposé à maintes reprises, mais j’ai dit non, parce que je sais que c’est malheureusement un système pourri, je ne gagne pas beaucoup, je ne travaille pas toujours, mais quand on a la foi en Dieu, ça aide ! Faut avoir le cran de ne pas se laisser marcher dessus et de se laisser lobotomiser par eux.
    Paix à son âme quand même.

     

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  • #526275

    VOICI LA LETTRE ÉCRITE AVANT LE SUICIDE
    A ma famille, à mes proches et à tous ceux que mon témoignage intéressera.

    Objet : Evolution du métier d’enseignant.

    Je vous fais part de ma décision de ne pas faire la rentrée scolaire 2013. En effet le métier tel qu’il est devenu au moins dans ma spécialité ne m’est plus acceptable en conscience. Pour éclairer ma décision je vous décris succinctement mon parcours personnel. Je suis devenu ingénieur en électronique en 1982 à l’âge de 24 ans. Ma formation initiale et surtout mon parcours professionnel m’ont amené à exercer dans la double compétence "hard" et "soft". Le métier prenant et difficile m’a toujours convenu tant que j’avais le sentiment de faire œuvre utile et d’être légitime dans mon travail. Passé la quarantaine la sollicitation de plus en plus pressente d’évoluer vers des tâches d’encadrement et le sort réservé à mes ainés dans mon entreprise m’ont incité à changer d’activité. En 1999 j’ai passé le concours du Capet externe de Génie électrique et j’ai enseigné en section SSI et STI électronique. Le choc pour moi fut brutal de constater la baisse de niveau des sections techniques en 18 ans passé dans l’industrie notamment pour la spécialité agent technique (niveau BTS ou DUT suivant les cas). Même si le niveau enseigné était bien bas de mon point de vue, ma compétence était au service des élèves et je me sentais à ma place. Une difficulté était quand même le référentiel applicable (le programme) datant des années 80, ambitieux pour l’époque et en total décalage avec le niveau réel des élèves des années 2000. Une réforme semblait souhaitable pour officialiser des objectifs réalistes et orientés en fonction des besoins du marché du travail.

    SUITE DE LA LETTRE DANS UN PROCHAIN MESSAGE

     

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  • #526276

    LETTRE ECRITE AVANT LE SUICIDE 2° PARTIE
    Puis vint la réforme de 2010 mise en place par Luc Chatel et applicable à la rentrée 2011. Pour le coup, le terme réforme est faible pour décrire tous les changements mis en place dans une précipitation totale. L’enseignement des métiers est réduit à peu de choses dans le référentiel de 4 spécialités seulement qui constitue des "teintures" sur un tronc commun généraliste d’une section unique appelée STI2D qui rentre bizarrement en concurrence avec la section SSI. L’électronique disparait purement et simplement. En lieu et place il apparait la spécialité "Systèmes Informatiques et Numériques" (SIN). Cela ne me pose pas de problème personnel, je maitrise bien le domaine et je l’enseigne même plus volontiers que les classiques problèmes de courant de diode ou de montages amplificateurs.

    Je me pose quand même la question de la compétitivité de notre pays dans le domaine industriel avec un pareil abandon de compétence. La mise en place de la réforme est faite à la hussarde dans un état d’affolement que l’inspection a du mal à dissimuler. Entre temps le gouvernement a changé sans que les objectifs soient infléchis le moins du monde ou qu’un moratoire soit décidé, ne serait-ce qu’à cause du coût astronomique de cette réforme. En effet il aura fallu réorganiser l’implantation de tous les ateliers de tous les lycées techniques de France, abattre des cloisons, en remonter d’autres à coté, refaire tous les faux plafonds, les peintures et renouveler les mobiliers. Ceci est fait à l’échelle du pays sans que la réforme ait été testée préalablement dans une académie pilote.

    Début 2011, l’inspection nous convoque en séminaire pour nous expliquer le sens et les modalités de la réforme  ; il apparait la volonté de supprimer toute activité de type cours ce qui est la radicalisation d’une tendance déjà bien marquée. On nous assène en insistant bien que l’élève est acteur de son propre savoir, qu’il en est le moteur. Pour les spécialités, donc la mienne SIN entre autre, cela signifie qu’une partie conséquente de l’activité sera de type projet. A l’époque les chiffres restent vagues, il est question de 50% du temps au moins. La nature des projets, la façon de les conduire, la façon de les évaluer ne sont pas évoquées et les questions que posent les enseignants à ce sujet restent sans réponses, nous serons mis au courant après la rentrée de septembre.

     

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  • #526277

    LETTRE ECRITE AVANT LE SUICIDE 3° PARTIE

    En attendant l’inspection nous fait entièrement confiance pour continuer comme d’habitude. Je fais remarquer qu’il ne faudra pas tarder car nous préparons les élèves au bac en deux ans et que la connaissance des modalités d’examens est incontournable rapidement après la rentrée pour un travail efficace, c’est-à-dire sans perte de temps. Lors de la réunion suivante, après la rentrée 2011, l’inspecteur répond un peu agacé à la même question «  que notre travail c’est d’enseigner et que l’évaluation verra après  » (sic). En attendant le travail devant élève est commencé et moi et mes collègues travaillons à l’estime. Le manque de matériel se fait cruellement sentir dans mon lycée, les travaux nécessaires ne seront faits qu’à l’été 2012. Lors d’une réunion aux alentours de février il nous est demandé pour la prochaine réunion d’exposer l’état d’avancement de la réforme et si possible les projets envisagés ou mieux déjà mis en œuvre.

    A ce moment je viens juste de recevoir un premier lot de matériel et je ne dispose du logiciel correspondant que depuis novembre. La pression amicale mais réelle pour commencer les projets va aller augmentant. J’ai un groupe de 16 élèves et un autre de 15 dans une salle qui est déjà trop étroite pour recevoir proprement 14 élèves en travaux pratiques et avec un matériel réduit qui ne me permet qu’un choix très restreint de sujets. La phase passée en projet sera cauchemardesque pour l’enseignant et la fraction d’élèves sérieux. Le dernier mois de cette année de première sera passé en activités plus classiques. A la rentrée 2012 les élèves sont maintenant en terminale, j’ai les tables de travail prévues dans une salle provisoire de 80 m2 au lieu des 140 m2 prévus. Il est difficile de bouger, le travail en travaux pratiques reste possible et je couvre ainsi la partie communication réseau de référentiel au moyen d’un logiciel de simulation. Je ne dispose pas du matériel support. On me bricole une salle de 150 m2 à partir de deux salles de cours séparées par un couloir et j’attaque les projets dans ces conditions. Le couloir sera abattu aux vacances de février.

     

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  • #526279

    LETTRE ECRITE AVANT LE SUICIDE 4° PARTIE

    Pendant ce temps nous avons appris que la note du bac porterait uniquement sur le projet final est que la note serait constituée de deux parties égales, une attribuée par un jury en fin d’année suite à une soutenance orale avec support informatique, l’autre attribuée par l’enseignant de l’année au vu du travail fourni par les élèves. Les critères d’évaluation portent principalement sur la gestion de projet et la démarche de développement durable. Il est explicitement exclu de juger les élèves sur les performances et la réussite du projet. Ceci appelle deux remarques. La première est que les critères sont inadaptés, les élèves sont incapables de concevoir et même de gérer un projet par eux-mêmes. De plus la démarche de développement durable est une plaisanterie en spécialité SIN où l’obsolescence programmée est la règle.

    Comment note-t-on alors les élèves ? A l’estime, en fonction de critères autres, l’inspection le sait mais ne veut surtout pas que la chose soit dite. Du coup cette note relève "du grand n’importe quoi" et ne respecte aucune règle d’équité. Elle est attribuée par un enseignant seul qui connait ses élèves depuis au moins un an et compte coefficient 6 ce qui écrase les autres matières. Cela viole l’esprit du baccalauréat dans les grandes largeurs. Je considère que ceci est une infamie et je me refuse à recommencer. L’ensemble du corps inspectoral est criminel ou lâche ou les deux d’avoir laissé faire une chose pareille. Cette mécanique est conçue dans une idée de concurrence entre les enseignants mais aussi entre les établissements pour créer une dynamique de très bonnes notes à l’examen y compris et surtout si elles n’ont aucun sens. Vous avez l’explication des excellents résultats du millésime 2013 du baccalauréat au moins pour la filière technologique. Cela fait plus d’un an que je me plains à mon syndicat de cet état de fait. Pas un seul compte-rendu ni localement sur Marseille ni à un plus haut niveau n’en fait mention. Je suis tout seul à avoir des problèmes de conscience. Ou alors le syndicat est activement complice de l’état de fait, le responsable local me dis : «  Mais non Pierre tu n’es pas tout seul  ». En attendant je ne vois aucune réaction et ce chez aucun syndicat.

     

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  • #526280

    LETTRE ECRITE AVANT LE SUICIDE 5° ET DERNIERE PARTIE

    Que penser ? Soit nous sommes muselés, soit je suis le dernier idiot dans son coin. De toute façon je n’accepte pas cette situation. Je pense au niveau toujours plus problématique des élèves, autrefois on savait parler et écrire un français très convenable après 5 ans d’étude primaire. Aujourd’hui les élèves bacheliers maitrisent mal la langue ne savent plus estimer des chiffres après 12 ans d’études. Cherchez l’erreur. La réponse de l’institution est  : «  Oui mais les élèves savent faire d’autres choses  ». Je suis bien placé dans ma spécialité pour savoir que cela n’est pas vrai ! Les élèves ne maitrisent rien ou presque des techniques numériques d’aujourd’hui. Tout ce qu’ils savent faire est jouer et surfer sur internet. Cela ne fait pas une compétence professionnelle.

    Les médias nous rabattent les oreilles sur la perte de compétitivité du pays en laissant entendre que le coût du travail est trop élevé. Cette présentation pèche par une omission grave. La réalité est que le travail en France est trop cher pour ce que les travailleurs sont capables de faire véritablement. Et là la responsabilité de l’Education nationale est écrasante. Qui osera le dire ? J’essaye mais je me sens bien petit. J’essaye de créer un maximum d’émoi sur la question.

    J’aurais pu m’immoler par le feu au milieu de la cour le jour de la rentrée des élèves, cela aurait eu plus d’allure mais je ne suis pas assez vertueux pour cela. Quand vous lirez ce texte je serai déjà mort.

    Pierre Jacque
    Enseignant du lycée Antonin Artaud à Marseille

     

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