Alain Mimoun, légende de l’athlétisme français, est décédé jeudi soir à l’âge de 92 ans, a-t-on appris vendredi auprès de la Fédération française d’athlétisme.
Mimoun a marqué l’histoire de son sport grâce à sa victoire au marathon des jeux Olympiques de Melbourne en 1956, où il avait notamment dominé le Tchèque Emil Zatopek.
Né le 1er janvier 1921 à El Telagh, en Algérie, Ali Mimoun Ould Kacha avait découvert la course à pied lors de son service militaire effectué chez les tirailleurs algériens.
Sous le feu des canons allemands en 1944 à Monte Cassino (Italie), sa jambe gauche martyrisée par plusieurs éclats d’obus fut sauvée par un chirurgien inspiré. Pour le soldat Mimoun, c’était déjà un signe de Dieu.
La paix revenue, l’aspirant-athlète se lève tôt pour s’entraîner et se couche tard pour travailler au bar du Racing Club de France, club dont il porte le maillot.
Derrière la locomotive
En 1947, à 26 ans, il remporte le premier de ses 29 titres nationaux. Un an plus tard, aux jeux de Londres, il se classe deuxième du 10 000 m derrière la locomotive tchèque Emil Zatopek. En 1952, aux JO de Helsinki, le petit Français doit encore se contenter de médailles d’argent, sur 5 000 et 10 000 m.
Alain a 35 ans quand arrivent les jeux de Melbourne, les premiers organisés dans les Antipodes. Et toujours ce rêve de voir « enfin monter le drapeau au mât du milieu ». En Australie, quand il termine seulement 12e du 10 000 m, loin du Soviétique Vladimir Kuts, prototype de l’homme nouveau, on croit que tout est fini.
Mais l’athlète d’origine algérienne a bien caché son jeu. En fait, il s’est préparé pour le marathon, quasiment incognito. « Il s’entraînait trois fois par jour (pour un total quotidien de 35 km) et ce n’était sûrement pas pour le 10 000 m. Même s’il m’avait dit qu’il ne disputerait pas le marathon », avait expliqué en 2006, lors d’un entretien avec l’AFP, son épouse Germaine, Corrézienne de Tulle.
« Avant de partir pour Melbourne, j’avais effectué ma dernière préparation à Bugeat, une région magnifique où on trouve les mêmes essences que dans mon village natal du Tellag, dans le sud-Oranais », s’était souvenu le quadruple médaillé olympique.
Sous les signes
En Australie, les signes ne trompent pas, une fois de plus. « Tu penses, pour mon premier marathon, j’ai le dossard 13. Et puis, ma fille qui est née la veille de la course, le dernier pèlerinage à Lisieux. D’ailleurs, je suis un miraculé. J’avais pris 7 kilos. Mais il me semblait qu’il y avait encore une petite flamme intérieure. Et un bienfaiteur de l’athlétisme m’avait dit : “T’es pas fini.” Il m’avait emmené à Lisieux. Là, devant les reliques de sainte Thérèse, j’avais été pris de tremblements. »
Le jour de la course, un soleil implacable a repris possession de Melbourne jusqu’alors grelottante. Mimoun est à son aise dans la touffeur. Zatopek s’y consume. Le Français se retrouve seul en tête à mi-course. Il lui reste 20 kilomètres comme chemin de croix et d’exaltation.
« Le coup de marteau, ça a été autour du trentième kilomètre. Les cinq minutes les plus dures, plus difficiles que tout le marathon. Je m’insultais : “Fainéant, tu ne vas pas lâcher maintenant !” Je pensais à ma mère, à ma femme, à ma fille qui venait de naître », se racontait Alain.
Mimoun avait le chic de faire participer son interlocuteur à son histoire. À l’Histoire. Il vous donnait du « mon fils » et c’était une marque d’amitié.
Alain Mimoun, décédé jeudi soir à l’âge de 92 ans, en bref :
Nom : Mimoun, Mimoun Ould Kacha
Prénom : Ali, Alain
Date de naissance : 1er janvier 1921
Lieu de naissance : Maïder, arrondissement d’El Telagh (Algérie)
Nationalité : française
Taille : 1,70 m
Poids : 56 kg
Sport/discipline : Athlétisme/5 000 m, 10000 m, marathon, cross-country
Sélections : 85
Palmarès :
Champion olympique du marathon en 1956, à Melbourne
Vice-champion olympique du 10.000 m en 1948 et 1952, du 5000 m en 1952
Vice-champion d’Europe sur 5000 m et 10.000 m (1950)
4 victoires en individuel au Cross des nations (1949, 1952, 1954, 1956), 6 par équipes (1946, 1947, 1949, 1950, 1952, 1956)
Champion d’Afrique du nord de cross-country (1942)
4 victoires aux Jeux méditerranéens (5000 m et 10.000 m en 1951 et 1955)
29 titres de champion de France (8 sur 5 000 m en 1947, 1949, 1951, 1952, 1953, 1954, 1955, 1956 ; 9 sur 10 000 m en 1947, 1949, 1950, 1951, 1952, 1953, 1954, 1955, 1956 ; 6 sur marathon en 1958, 1959, 1960, 1964, 1965, 1966 ; 6 en cross-country en 1950, 1951, 1952, 1954, 1956, 1959)
Distinctions :
Chevalier de la Légion d’honneur (1956)
Officier de la Légion d’honneur (1972)
Commandeur de la Légion d’honneur (1999)
Grand Officier de la Légion d’honneur (2008)