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La CIA, l’Afghanistan et la "propagande mal fondée"

Ce qu’il y a de plus intéressant dans l’histoire impliquant les espions de la CIA au sein du gouvernement afghan c’est la façon brusque et complète dont cette histoire a disparu des médias. Un petit plop et puis plus rien. Alors que dans une situation plus normale elle aurait dû provoquer un esclandre monumental dont les retentissements se seraient traduits par un mois de débats au sein de l’administration américaine et sur l’échiquier international.

Bien sûr, l’Afghanistan n’est pas actuellement dans la ligne de mire de l’administration des Etats-Unis. Le week-end dernier, dans le centre-ville de Washington, les conservateurs américains ont organisé une manifestation sans précédent dirigée contre Barack Obama. Le président américain, quant à lui, a passé ces derniers jours à préparer un discours tonitruant évoquant les principes de la politique étrangère des Etats-Unis et concernant la fin de l’occupation américaine de l’Irak. Et ainsi de suite. Tout cela est largement suffisant pour étouffer gentiment l’histoire impliquant la CIA.

Or, cette histoire a débuté à la fin de la semaine dernière par l’accusation… non, par une simple mention faite dans The New York Times et stipulant que Mohammed Zia Salehi, chef de l’administration du Conseil national de sécurité afghan, avait été à la solde de la CIA pendant de longues années. En d’autres termes, il aurait été un espion d’un service de renseignement étranger. Ensuite, comme on pouvait s’y attendre, les médias américains ont publié une multitude de faits similaires faisant comprendre que le cas Salehi était loin d’être exceptionnel.

Un document tout à fait surprenant est finalement parvenu de Kaboul à la fin de la semaine dernière dont le style faisait songer à celui des documents soviétiques de la période brejnevienne. Le document se résume comme ceci : aucun – strictement aucun – membre du gouvernement afghan n’est à la solde de la CIA. Par ailleurs, “ le gouvernement afghan estime que cette propagande mal fondée ne sert pas à renforcer l’Alliance antiterroriste “ et il “ condamne résolument ce genre d’accusations mensongères entachant la réputation des fonctionnaires de l’Etat afghan “. Telle est la formulation émise par le service de presse présidentiel. Plusieurs collaborateurs très importants du président Hamid Karzai se sont également prononcés dans le même sens.

L’histoire en question a deux aspects. Le premier a trait à la politique intérieure de l’Afghanistan, le second a une valeur plus générale.

Quant à la situation interne en Afghanistan, Mohammed Zia Salehi a été arrêté le mois dernier par l’équipe mixte d’enquêteurs américano-britannique qui l’ont accusé de corruption. Or, le président Karzai est intervenu et Salehi a été relâché. C’est à ce moment-là que l’information sur son implication avec la CIA a bizarrement fait surface.

A première vue, il n’y a pas de quoi faire un scandale. Rappelons que depuis l’hiver 2001-2002 les Etats-Unis et leurs alliés font la guerre en Afghanistan. Le gouvernement du président Hamid Karzai a été créé par les Américains et cela aurait été très bizarre que les membres du gouvernement afghan n’aient pas de rapport avec la CIA et les autres services spéciaux des Etats-Unis. Ce sont, de fait, des autorités d’occupation américano-afghane. C’est ainsi qu’elles sont perçues dans le monde entier et par les Afghans également. Et comme les objectifs globaux de la guerre, à savoir la répression de l’extrémisme et du terrorisme, sont partagés par de nombreux pays, y compris la Russie, cela ne représente donc aucun problème.

Ces considérations ont été évoquées dans les médias américains par des personnes compétentes affirmant que la CIA avait travaillé en Afghanistan pendant des décennies et qu’elle avait des dizaines d’agents au sein de l’administration afghane. Pourtant ces évocations ont subitement cessé.

Or, le vrai problème est que le gouvernement afghan n’a pas du tout envie d’avoir cette image-là. Et il oeuvre obstinément pour se débarrasser de cette réputation et pour tourner la page et commencer une vie nouvelle, quoique avec les mêmes effectifs. Voilà ce qui explique la diatribe du service de presse du président afghan. En plus, Mohammad Omar Daudzai, le directeur de cabinet du président afghan, invisible mais très influent, a accordé une interview pour déclarer que les Afghans devaient croire qu’ils vivent dans un Etat souverain où les décisions finales sont prises par le président Hamid Karzai. D’ailleurs, depuis plus d’un an, ce dernier tente de trouver de nouveaux amis dans le monde, en Chine et ailleurs, en dépit de la présence militaire des Etats-Unis.

C’est là précisément que surgit un autre aspect de cette histoire cocasse et qui déborde du cadre strictement afghan. Le fait est que la mention des rapports des fonctionnaires d’Etat avec les services secrets d’un autre pays, même amical et allié dans une guerre, provoque une réaction absolument violente des autorités de l’Etat concerné. C’est que la population n’apprécierait pas cela. Souvenons-nous à ce propos des années 1990 lorsque les idées s’étaient mises à circuler dans le monde affirmant que le terme de souveraineté avait changé de signification, que le monde était devenu global et que la législation d’un Etat (des Etats-Unis, bien sûr, et de l’Union Européenne, à l’extrême rigueur) pouvait être applicable à l’étranger. Mais si le monde change à ce point, pourquoi devrait-on récuser des ministres travaillant pour la CIA ? Ou est le mal s’ils ont une autre nationalité (celle des Etats-Unis, bien évidemment) ?

Des cas semblables, ceux de la double nationalité, avaient lieu en Russie dans les années 1990 et personne ne les a appréciés. Ensuite, dans les années 2000 une autre bonne tradition a apparu qui voulait que les présidents de certains pays, notamment de l’Ukraine et de la Géorgie, aient des épouses étrangères.

Est également digne de mention l’histoire arrivée à la ministre géorgienne de l’Economie, Veronika Kobalia âgée de 28 ans, qui s’est produite sur la scène d’une boîte de strip-tease. Elle n’a pourtant rien fait de répréhensible sur cette scène, c’est une autre question qui paraît plus intéressante et qui est de savoir comment une géorgienne d’origine canadienne avait accédé au poste de ministre.

Il semblerait que toute idée nouvelle n’est pas nécessairement bonne et que le moment est venu de se montrer plus respectueux des notions traditionnelles du pouvoir, de la nationalité et des intérêts nationaux.