Lorsqu’elle a été désignée co-candidate de l’AfD en avril 2017, Alice Weidel était une inconnue en Allemagne. Parachutée à la tête du parti d’extrême droite aux côtés d’un vieux routard de la politique, Alexander Gauland, transfuge de la CDU et cofondateur de l’AfD, cette jeune économiste de 38 ans faisait presque tache, avec son élégant tailleur pantalon, ses grandes lunettes de première de la classe et son ton docte, dans un parti dont les ténors sont connus en Allemagne pour leurs égarements vestimentaires et leurs éructations xénophobes.
Mais Alice Weidel a pris de la graine sur ce dernier point au cours des derniers mois. Pas un de ses discours ne s’achève désormais sans sa traditionnelle diatribe anti-Merkel, qu’elle surnomme « la chancelière de l’extrémisme » en serinant qu’elle devrait répondre de ses actes face à un tribunal. Ce qui lui permet d’enchaîner sur les deux sujets dont elle a fait ses chevaux de bataille : les réfugiés, trop nombreux, pas assez qualifiés et dangereux selon elle, et l’islam, cette « culture archaïque » qui à ses yeux n’a pas sa place en Allemagne.
En mai 2016, déjà, elle s’était attaquée publiquement et à plusieurs reprises au président du Conseil central des musulmans d’Allemagne, Aiman Mazyek, l’accusant d’être le défenseur d’une « charia de l’âge de pierre » et déclinant froidement son invitation à une rencontre de réconciliation.
[...]
Mais Alice Weidel fait partie depuis 2015 du bureau fédéral de l’AfD. Ce qui signifie notamment qu’elle a donné son aval au programme électoral du parti, qui prône entre autres le retour au Deutsche Mark, l’usage obligatoire de l’allemand dans les mosquées, l’ouverture de centres de détention à l’étranger – pour ne pas avoir à garder les criminels étrangers sur le sol allemand – et l’interdiction de « l’idéologie du genre » à l’école... Des propositions qui collent mal avec l’image d’économiste libérale qu’Alice Weidel a d’abord donné d’elle avant d’effectuer un virage à droite. Selon les recherches de l’hebdomadaire Die Zeit, elle aurait ainsi autrefois donné sa voix aux Verts allemands et aux libéraux du FDP.
Erreur de casting
[...]
Alice Weidel est née dans une famille de la classe moyenne aisée, a grandi en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, est titulaire d’un doctorat en économie, est passée par la Goldman Sachs et Allianz Global Investors, a vécu aux États-Unis et en Chine – elle parle le mandarin couramment – avant de devenir consultante auprès d’entreprises internationales telles que l’incubateur allemand de start-ups Rocket Internet, où elle a notamment aidé à mettre sur pied l’entreprise de livraison de repas Foodora.
[...]
Alice Weidel ne ressemble pas à ses électeurs, qui sont majoritairement des actifs masculins issus des classes populaires. Et sa vie privée fait d’elle un paradoxe vivant : Alice Weidel est lesbienne et est pacsée avec une réalisatrice suisse d’origine sri-lankaise, avec qui elle élève deux enfants en bas âge. Sa présence à la tête de l’AfD semble être une erreur de casting, dans un parti farouchement opposé au mariage homosexuel et à l’adoption d’enfants par des couples de même sexe, et ouvertement xénophobe.