Les mots ont jailli comme un flot. Quinze ans après la mort subite de sa mère, Lisa Boussinot n’a rien oublié de cette nuit du 8 mars 2004. « Je vais vous raconter ce qu’il s’est passé, parce que j’étais là et parce que ma mère est morte dans mes bras », a-t-elle lancé à la cour ce jeudi, trois mois après l’ouverture du procès du Mediator.
Avec son père Frédéric et son frère Guillaume, cette avocate de 36 ans est à l’origine de la première plainte déposée pour « homicide involontaire » dans ce scandale visant les laboratoires Servier. Leur mère et compagne, Pascale Saroléa, est décédée à 51 ans d’une rupture des cordages des valves cardiaques après deux années de prise régulière de Mediator. Tour à tour ce jeudi, ils sont venus dire leur « colère » à l’égard des laboratoires Servier et leurs attentes, après dix ans de combat judiciaire.
« Je vais mourir »
Les débats techniques menés depuis plusieurs mois devant le tribunal correctionnel de Paris ont laissé place ce jeudi au récit implacable, presque insoutenable, des dernières minutes de Pascale Saroléa. « Je suis dans ma chambre et j’entends, vers 1h du matin, des bruits inhabituels. Je monte, je retrouve mes parents debout. Ma mère est très agitée, complètement affolée, elle crie, elle se plaint de ne plus pouvoir respirer », relate Lisa Boussinot. Jusqu’à l’arrivée des pompiers appelés par son père, la jeune fille, âgée à l’époque de 21 ans, tente de rassurer sa mère.
« J’essaie de l’apaiser, je savais pas qu’elle était en train de mourir en fait. Elle n’arrivait pas à reprendre son souffle et de la mousse blanche et rosée sortait en abondance de sa bouche et de son nez », poursuit la fille de la victime. « Au moment où les pompiers arrivent, ma mère me regarde et me dit " je vais mourir ". Et j’ai senti son dernier souffle ».
Dans la salle, le public est pétrifié. Au premier rang, la pneumologue de Brest à l’origine de l’affaire, Irène Frachon, peine à cacher son émotion.
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Mise en relation avec l’avocat Charles-Joseph Oudin, la famille est la première à porter plainte pour homicide involontaire dans ce dossier. Un statut qui va entraîner, de la part des Laboratoire Servier, une contre-attaque violemment vécue par Lisa Boussinot. « Jacques Servier a tenu des propos très violents à l’égard de la victime que je suis. Il avait qualifié les trois personnes décédées dans ce dossier, dont ma mère, d’incident bruyant et de chiffres marketing », se souvient-elle. Qualifiant la gouvernance de l’entreprise de « mafieuse », elle a tenu à dénoncer à la barre le « système Servier » :
« Dans ce système, les vies abîmées, on s’en fout. On crie au complot, à une instruction à charge. Ça veut dire quoi ? Que moi, la fille d’une victime, je fais aussi partie d’un clan qui a comploté contre Servier ? ».
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