C’est un procès hors norme qui débute, lundi 23 septembre, à Paris : celui des laboratoires pharmaceutiques, Servier en tête, et des professionnels de santé qui ont permis la commercialisation d’un produit suspecté de provoquer de très graves maladies cardiaques et pulmonaires. Compte tenu du nombre de victimes et de la complexité de l’affaire, six mois de débats sont prévus. À la veille de la première audience, Irène Frachon, pneumologue au centre hospitalier de Brest qui a lancé l’alerte sur le Mediator, livre au Point ses quatre vérités.
Le benfluorex, plus connu sous le nom de Mediator, est à l’origine d’un immense scandale sanitaire. Combien de personnes ont été victimes de ce produit toxique ?
Entre 1976 et en 2009, près de 5 millions de personnes se sont vu prescrire du Mediator. En croisant plusieurs bases de données de l’Assurance maladie, on a pu calculer la surmortalité induite par les pathologies provoquées par cette molécule et estimer le nombre total de décès dus au Mediator, pendant toute la durée de commercialisation et au-delà, à environ 2 000 morts.
Pourquoi cette mortalité ?
Parce que ce prétendu médicament est, en réalité, un poison. Si l’on résume à grands traits, ce produit se dégrade en une molécule toxique : la norfenfluramine. Cette molécule, de la famille des amphétamines, provoque des problèmes de santé gravissimes : des valvulopathies cardiaques et de l’hypertension artérielle pulmonaire.
Au début des années 1990, la toxicité d’autres médicaments du laboratoire Servier (l’Isoméride et le Pondéral) avait été établie, ce qui avait d’ailleurs conduit au retrait de ces produits. Comment le Mediator, dont le principe actif est de même nature, a-t-il pu rester en vente ?
C’est ce qu’établira le procès qui commence.
Vous avez joué un rôle majeur dans la révélation des dangers du Mediator. Comment avez-vous découvert l’ampleur du problème ?
J’ai plongé dans cette affaire à partir de 2007. Cette année-là, en prenant en charge une femme en surpoids souffrant d’une maladie rare, j’ai réalisé que son médecin lui avait prescrit du Mediator pour traiter son diabète. Cela m’a intriguée. Plus tôt dans ma carrière, j’avais vu des patientes atteintes de la même pathologie après avoir recouru à un coupe-faim de chez Servier. J’ai enquêté et j’ai découvert que le Mediator était une forme de « repackaging » de ce produit connu sous le nom d’Isoméride.
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Les agences étrangères, elles, n’ont pas attendu 2009 pour réagir…
Oui. Les Belges n’ont jamais donné l’autorisation de mise sur le marché au Mediator. En Suisse, les autorités ont demandé à trois reprises au laboratoire Servier en quoi la molécule du Mediator différait de ses coupe-faim toxiques. Faute de réponse, elles s’apprêtaient à sévir lorsque la direction du laboratoire a décidé de retirer de la vente ce produit. Officiellement parce qu’il ne s’en vendait pas assez en Suisse. Ce qui a empêché un signalement de pharmacovigilance.
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Avez-vous eu des pressions de la part de Servier ?
Mon livre a été censuré sur un référé de Servier. Nous avons gagné en appel, ensuite, c’étaient des droits de réponse longs comme le bras à chaque interview… Mais ils n’ont plus osé m’attaquer frontalement !
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Irène Frachon dénonce le déni de la chaîne de responsabilité :
Une victime du Mediator parmi tant d’autres :
Pour information, 117 millions d’euros ont déjà été versés aux victimes... survivantes.