Toute l’Europe a désormais entendu parler de la vaudevillesque affaire Szájer. Membre fondateur du Fidesz, le libéral-conservateur József Szájer est un grand juriste, qui fut un des principaux rédacteurs de la nouvelle constitution hongroise introduite en 2012, peu après le retour aux affaires de Viktor Orbán en 2010.
Le vendredi 27 novembre, à Bruxelles, l’eurodéputé se rend à une partie fine homosexuelle, privée, où se retrouvent environ 25 personnes. Accompagnant d’un invité, il prend part à cette « fête maison », comme il l’a décrite plus tard. Mais la police pénètre dans les lieux peu après, et pour cause : la Belgique aussi a pris des dispositions liberticides de couvre-feu et de limitation à 10 personnes des réunions privées, rendant l’événement illégal – mesure que M. Szájer n’a, bien que juriste, pas contesté publiquement, ne serait-ce qu’en Hongrie où des mesures identiques ont été mises en place. L’eurodéputé tente alors de s’extraire du lieu en sortant par la fenêtre et glissant sur la gouttière, s’ouvrant la main. Nu mais ayant pris son sac à dos – qui contenait de la drogue – il est arrêté, et emmené par la police à l’adresse qu’il indique pour pouvoir présenter ses papiers. Dimanche, il démissionne de son mandat d’eurodéputé. L’affaire sort mardi 1er décembre.
À mon sens, il est toujours regrettable que les affaires de mœurs prennent une telle ampleur et polluent ainsi la politique. Si l’affaire est cocasse et peut prêter à sourire pour certains, elle peut certes aussi en choquer d’autres, mais il n’y a là rien de grave : on parle d’une soirée privée entre adultes consentants. Bien sûr, la présence de drogues illicites est déjà plus grave, surtout que M. Szájer a été arrêté en possession d’un sac à dos qui contenait des psychotropes – s’il reconnaît sa participation à la soirée, il nie en revanche l’utilisation et la possession de ces cachets. Bien entendu, l’appartenance de M. Szájer au Fidesz, grotesquement décrit par la presse libérale occidentale comme un parti « ultraconservateur », rend la chose plus piquante : aucun des médias occidentaux ne se préoccupe du fait que M. Szájer a toujours été un libéral-conservateur, et jamais un « ultraconservateur chrétien », et n’a jamais été un père-la-morale. Avec toujours autant de mauvaise foi, la presse progressiste fait mine de s’étonner qu’un homosexuel fréquentant des orgies libertines homosexuelles puisse être pour la défense de valeurs traditionnelles pour la société, comme si un homosexuel se devait d’être militant LGBT. Ce sophisme par association semble être toutefois un outil efficace pour jeter l’anathème sur l’intégralité du parti de Viktor Orbán, amalgame qu’aucune bonne âme ne s’empresse cette fois de condamner.
En Hongrie, l’opposition libérale a tout de suite dénoncé ainsi l’hypocrisie des conservateurs chrétiens, assimilés en bloc à un pervers sexuel dont les pratiques sont pourtant vivement encouragées par cette même opposition au travers de son soutien au mouvement LGBT, revendiquant et promouvant ce genre d’activité. Seul le petit parti nationaliste Mi Hazánk, qui tente de s’imposer comme troisième voie dans un régime politique dérivant de plus en plus vers un dualisme à l’américaine (Républicains [Fidesz] contre Démocrates [Coalition anti-Orbán]), a dénoncé en plus de l’hypocrisie morale l’hypocrisie quant aux mesures pseudo-sanitaires. Le parti nationaliste est en effet le seul à être critique des mesures anti-Covid, et a ainsi souligné avec force le non respect de mesures liberticides que pourtant M. Szájer et son parti ont également introduites en Hongrie.
Le camp pro-Orbán a évidemment été secoué et les réactions des partisans du Fidesz ont été variées et contradictoires. Certains s’enferment dans un fantasme de coup monté, érigeant le malheureux eurodéputé en héros : Szájer aurait assumé des accusations mensongères afin de ne pas être l’objet d’un chantage le poussant à trahir son pays. Mais cette théorie pour le moins grotesque, surtout après tout un tas d’aveux et de témoignages, à commencer par ceux de Szájer lui-même, ne prend pas. Au sein du Fidesz, l’affaire ravive le souvenir des élections de l’automne 2019, dont la campagne avait été marquée par la vidéo du maire de Győr, en pleine action sur un yacht avec des filles de joie, portant un premier coup au couplet « démocrate-chrétien défenseur de la famille ». La réplique avait été de sortir également des dossiers sur des personnalités de gauche. Malgré la cocaïne et les prostituées, le contre-feu a fait un flop. C’est la presse progressiste qui donne encore et toujours le la, et décide ce qui est vraiment un sujet médiatique… cette fois-ci aussi, le Fidesz a tenté d’allumer un contre-feu à dimension nationale, en sous-entendant qu’un journaliste de l’opposition serait, lui, pédophile. Mais là encore, flop. La presse étrangère n’est pas intéressée, les preuves manquent et la presse libérale n’en parle pas.
Alors, au sein du camp Fidesz, la plupart sont en colère contre l’eurodéputé et la direction et appellent à un nettoyage en interne du parti, risquant de le pousser ainsi dans une direction plus moralisatrice, plus puritaine, plus intolérante et suspicieuse quant à la vie privée de ses membres, un comble lorsqu’on constate que l’affaire est montée en épingle par la presse libérale progressiste. Et on est tenté de dire que ce serait un virage contre-nature dans ce pays qui est tout autant attaché à « la culture chrétienne » qu’il est libertin et tolérant à l’égard des mœurs sexuelles.
L’affaire aurait pu s’arrêter là, malgré le forçage de la presse libérale, Telex et 444 en tête, qui se délectent de l’histoire et publient sans relâche sur le sujet comme s’il s’agissait d’une affaire d’État, sans parler de leurs collègues occidentaux qui en ont fait leurs choux gras quelques jours. Sauf que très vite, même des grands titres de la presse, y compris militante anti-Orbán comme HVG ou militante anti-PiS comme Onet, ont commencé à parler d’éléments étranges. La thèse d’un complot, ou plutôt, d’une barbouzerie, semble s’imposer.
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