Daech vient de diffuser une vidéo montrant l’exécution, par un enfant habillé en treillis, d’un Arabe israélien accusé d’espionnage. Vrai ou faux ? Vrai/faux ? Peu importe, l’essentiel est ailleurs. La vérité, ici, se situe moins dans les faits que dans le sens : dans l’impact que suscite ce genre d’information, dans le choc psychologique que les auteurs de telles images désirent créer dans l’opinion.
Il y a 20 ans, 10 ans, 5 ans, l’islam était perçu, dans le monde, en particulier du côté des persécutés, comme une alternative révolutionnaire crédible à l’américano-sionisme, une force de résistance au mondialisme, un pôle vivant de spiritualité se dressant face à la décadence générale des consciences et au matérialisme triomphant. Il fallait que cela cesse, le danger était trop grand. L’innocence de la juste révolte devait être pervertie.
Depuis l’entreprise de Daech, l’islam est désormais regardé comme un vecteur de barbarie et de nihilisme pire que le système auquel il fait obstacle. Ce que les salafistes, les wahhabites dans leurs excès, et Al-Qaïda, n’avaient pas réussi à réaliser, Daech l’a accompli en quelques mois. La communication bien huilée de l’État islamique, réhabilitant de manière très opportune l’idée du Califat tout en l’associant à des méchants stéréotypés dignes de ceux que les séries télé nous ont habitués à détester, est telle que c’est l’islam tout entier qui en est devenu prisonnier.
L’épouvantable image de Daech a déteint sur le message du Prophète. Pour la majorité des populations non-musulmanes, frappées de stupeur, la confusion se fait lentement mais sûrement – et d’ailleurs Daech ne dit-il pas qu’il représente l’islam authentique, celui des origines ? Les médias en rajoutent, mais ils ne sont qu’une courroie de transmission.
Toutes les puissances, laïques, chrétiennes, musulmanes et juives, qui ont soutenu à ses débuts cette organisation de fanatiques en lui envoyant des armes et en lui accordant une légitimité politique, sont les responsables de la situation actuelle. Dans la plupart des cas, ces sinistres circonstances arrangent leurs affaires à merveille : la démonstration de la cruauté, la bestialité filmée avec délectation, les atrocités revendiquées, sont un exceptionnel facteur de division au sein de la Résistance et permettent aux dirigeants des pays impérialistes et à leurs laquais de mener des campagnes sécuritaires et d’union nationale auxquelles le peuple est par nature sensible. Ceux qui suivent aujourd’hui ces âmes perdues (plus nombreuses qu’on le suppose), non seulement se suicident eux-mêmes, non seulement se rendent complices de ceux qui ont pour mission de conspuer l’islam jour et nuit, mais participent de facto à la décadence de leur religion qu’ils pourrissent de l’intérieur, moralement et spirituellement. Sans comprendre que le but du jeu est de tuer la contestation, de rendre le Système inévitable, de le faire tourner en boucle, d’empêcher toute évasion et remise en cause radicale.
Daech est la « divine surprise » de l’Empire. Israël se frotte les mains.