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Bouleversement des intérêts états-uniens au Levant

Alors que la guerre contre la Syrie avait été décidée en 2001 pour briser « l’Axe de la Résistance », pour faire main basse sur ses réserves de gaz, et remodeler le « Moyen-Orient élargi », les priorités de Washington ont été bouleversées. Le nouvel objectif est de stopper la contagion terroriste que tous les États impliqués alimentent et qu’aucun ne parvient plus à contrôler. Le complexe militaro-industriel, les notables de Washington et de grands médias espèrent désormais la victoire de la Syrie de Bachar el-Assad.

La situation au Levant est susceptible d’évoluer rapidement d’une part en raison de la crise d’autorité à Washington et d’autre part à cause de l’accession du prince Salman au trône saoudien. Cette évolution pourrait être facilitée par une alternance politique en Israël.

En premier lieu, la crise d’autorité qui paralyse les États-Unis continue à mobiliser la classe dirigeante. Après l’appel du président honoraire du Council on Foreign Relations (CFR) pour que le président Obama s’entoure de personnalités expérimentées des deux camps [1], le New York Times a consacré un éditorial [2] à un rapport publié en octobre par la Rand Corporation [3].

Le principal think tank dédié aux questions militaires a opéré un retournement à 180° en un an. Selon lui, la victoire de la République arabe syrienne est désormais « l’option la plus souhaitable » pour les États-Unis, tandis que sa chute serait « la pire des issues ». Les groupes armés ont perdu tout soutien au sein de la population urbaine, les défections se sont interrompues depuis plus d’un an, et l’armée syrienne poursuit sa libération du pays. Au demeurant, poursuit la Rand, la victoire syrienne ne profitera pas à l’Iran tant que Daesh restera présent en Irak. L’institut pronostique que les États qui ont jusqu’à présent alimenté les jihadistes vont cesser de le faire. En effet, ils ne peuvent plus espérer vaincre la Syrie de cette manière et craignent désormais que les jihadistes ne se retournent contre eux. Par conséquent, conclue la Rand, il n’y aura pas de solution négociée avec les États sponsors, mais une claire victoire du « régime » à laquelle les États-Unis devraient être associés.

On observera le changement radical de position du complexe militaro-industriel. Il y a un an, la Rand préconisait de bombarder la Syrie comme la Libye, et de mener une action limitée au sol en créant des zones protégées, administrées par les « révolutionnaires ». Aujourd’hui, elle admet implicitement qu’il n’y a jamais eu de révolution en Syrie et, qu’après un long moment d’hésitation sur son avenir, la majorité sunnite soutient à nouveau la République laïque.

L’ambiance aujourd’hui à Washington ressemble à celle du début 2006, lorsque l’armée de Terre était enlisée en Afghanistan et en Irak et que Donald Rumsfeld tentait de cacher la défaite. À l’époque, le Congrès créa la Commission Baker-Hamilton. Celle-ci, à l’issue de huit mois de travaux conclut que les Forces US ne parviendraient pas à stabiliser les pays qu’elles occupaient sans l’aide de l’Iran et de la Syrie. Le tableau de la situation militaire qu’elle dressa était si effrayant que les États-uniens sanctionnèrent George W. Bush aux élections de mi-mandat. Le président sacrifia alors Rumsfeld et le remplaça par un membre de la Commission, Robert Gates. Le nouveau secrétaire à la Défense conclut des accords de terrain avec Téhéran et Damas, acheta les principaux groupes de la Résistance irakienne (la carotte) et augmenta le nombre de troupes sur place (le bâton) jusqu’à stabiliser la situation.

Deuxièmement, en Arabie, le nouveau roi Salman a d’abord tenté de limoger tous les anciens partisans de son prédécesseur, allant même jusqu’à congédier le prince Miteb et le secrétaire général du palais deux heures après la mort du roi Abdallah. Puis, il est revenu sur ses décisions après avoir reçu les condoléances de son suzerain états-unien. En définitive, Miteb sera le seul survivant de l’ère précédente, tandis que le prince Bandar a été renvoyé. Or, Bandar entretenait Daesh, avec l’aide de la CIA, de manière à faire pression sur le roi Abdallah dans l’intérêt du clan des Sudeiris.

Son éviction, exigée par le président Obama, marque probablement la fin de la prédominance saoudienne sur le terrorisme international. Cette fois — la quatrième— devrait être la bonne :

- en 2010, le prince avait été banni pour avoir tenté d’organiser un coup d’État, mais il était revenu à la faveur de la guerre contre la Syrie ;
- en 2012, il avait été victime d’un attentat en rétorsion de l’assassinat des membres du Conseil syrien de sécurité nationale, mais il était revenu aux affaires un an plus tard, affaibli et obsessionnel ;
- en 2014, John Kerry exigeait à nouveau son renvoi, mais il revenait sur le devant de la scène à la faveur de la crise égyptienne ;
- il vient d’être sacrifié par son propre clan ce qui ne lui laisse pas de perspective de retour à court ou moyen terme.

Troisièmement, l’attaque du Hezbollah par Israël suivie de la riposte du Hezbollah contre Israël met paradoxalement en évidence la faiblesse de Benjamin Netanyahu en pleine période électorale. Le Premier ministre sortant espérait que la Résistance libanaise serait incapable de riposter à son agression et qu’il sortirait auréolé de cet affrontement. Son erreur de calcul pourrait lui coûter son poste, pour la plus grande joie de la Maison-Blanche qui ne masquait plus depuis longtemps son exaspération devant son fanatisme.

Des évolutions à Washington, à Riyad et peut-être bientôt à Tel-Aviv, on peut raisonnablement conclure que dans les mois à venir, les États-Unis vont concentrer leurs efforts pour exclure Daesh du Levant et le projeter, hors de leur zone d’influence, contre la Russie et la Chine. De son côté, l’Arabie saoudite devrait essayer à la fois de sauver son autorité chez ses voisins, au Bahrein et au Yémen, tout en apportant son aide au grand perdant de la guerre contre la Syrie, le président Recep Tayyip Erdoğan, que les États-Unis ont décidé de faire chuter. Cette évolution sera plus ou moins longue selon les résultats électoraux à Tel-Aviv. Bien que les jihadistes soient devenus une menace pour la stabilité de tous les États du Levant, y compris Israël, M. Netanyahu pourrait continuer à mettre son aviation et ses hôpitaux à leur service. Mais on imagine mal qu’il persiste lorsque tous les autres États de la région les combattront. Au contraire, dans le cas où le Premier ministre perdrait les élections, son successeur prêterait immédiatement main forte aux États-Unis contre les jihadistes.

Une fois encore, Damas, la plus vieille ville habitée au monde, aura survécu aux barbares qui voulaient la détruire.

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11 Commentaires

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  • #1110585
    Le 3 février 2015 à 23:09 par yoichi
    Bouleversement des intérêts états-uniens au Levant

    conclusion : devant une débâcle annoncé chacun essai de tirer la couverture vers lui (USA, E.A.U, Israel ) pendant que Bachard doit s’en taper le cul par terre. Les prochaines têtes à tomber vont être légions (Erdogan pour son jeu à deux bandes ( voir 3 ) Obama pour son incompétence notoire en matière de politique étrangère ( qui est aussi en passe de se faire éjecter d’Afrique voir comment Boko Haram recule petit à petit), Bibi tata you lélé pour son fanatisme, Hollande qui découvrira qu’il est tout seul une fois la tempête passée)

     

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  • #1110592
    Le 3 février 2015 à 23:15 par fred89
    Bouleversement des intérêts états-uniens au Levant

    Si l’Occident décide d’arrêter son aide aux Islamistes, c’est là qu’on va pouvoir s’attendre à de véritables attentats terroristes contre les populations civiles d’Europe en guise de représailles.

     

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  • #1110690
    Le 4 février 2015 à 04:21 par jalal
    Bouleversement des intérêts états-uniens au Levant

    Je n’y crois pas une seule seconde. Tout sera fait pour faire chuter Assad et l’EI doit jouer son rôle jusqu’au bout ; c’est-à-dire s’étendre géographiquement le plus possible et Israël criera au monde qu’il faut nous défendre face aux dangereux barbares barbus (d’où annexion des territoires de l’EI et création du Grand Israël) et à ce moment là et seulement là, l’EI sera détruit, pas avant.

     

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    • #1110755
      Le Février 2015 à 08:15 par le corbeau
      Bouleversement des intérêts états-uniens au Levant

      Je pense ainsi mais l’analyse de Thierry Meyssan est possible au moins temporairement sur une période plus ou moins courte en attendant qu’ils réorganisent leurs cannibales enragés .

       
    • #1110758
      Le Février 2015 à 08:32 par De passage
      Bouleversement des intérêts états-uniens au Levant

      Non, Israël n’est pas tentée par le grand Israël parce qu’elle n’a pas de quoi le peupler. Elle a seulement besoin d’être entourée d’amis sous sa coupe, quitte à les maintenir sous des tiraillements internes sans issue jusqu’à ce qu’ils abdiquent complètement et deviennent de véritables amis gentilles et reconnaissants. Mais ce n’est pas sûr qu’elle puisse réussir, car son jeu devient clair pour beaucoup de protagonistes de la région. Certes, cela ne se fera pas sans douleur et beaucoup d’effusion de sang encore. L’issue du conflit ukrainien jouera beaucoup dans la balance, dépendamment qu’il soit au profit de la Russie ou de ses adversaires. C’est un chantage morbide que la Russie doit contrer sans baisser sa garde sur d’autres fronts.

       
    • #1110765
      Le Février 2015 à 08:54 par Yarrick
      Bouleversement des intérêts états-uniens au Levant

      Ce que vous dites est juste mais est infirmé par le fait que L’EI soit, pour l’heure, sur la défensive. Pour s’étendre, il devrait, entre autres, anéantir les kurdes à Kobane ce qui ne serait pas acceptable pour les occidentaux car cela ferait un protagoniste à manipuler en moins.

       
  • #1110778
    Le 4 février 2015 à 09:45 par bleuez
    Bouleversement des intérêts états-uniens au Levant

    changement de stratégie ? non, c est toujours la meme depuis longtemps ; on seme le vent , on recolte la tempete qu on viendra eteindre le moment venu ( ou faire eteindre) et le pays sera a reconstruire..... au nom de " l aide l internationale " face a des " erreurs stratégiques" plus ou moins avouées , on pretera ( via le fmi ) ce qu il faut au pays pour qu il soit pieds et poings liés, avec surtout des entreprises occidentales ( ou moyen oriento-alignées). on pourra meme lui a ccorder une rallonge dans quelques années ( lorsqu il sera etranglé) a condition qu il accepte de legaliser l homosexualité, la GPA, PMA, par ex , comme le fmi a tenté le coup dans certains pays africains.
    la stratégie du chaos n a pas changée : semer la division, l alimenter (fabius) et l entretenir , faisant ainsi du " controle demographique " gratis,( ni vu ni connu ), puis venir jouer les pompiers a la fin quand tout le monde est faitgué , pret a accepter n importe quel prix pour la paix( meme l esclavage de la dette) ; puis semer le "progressisme" liberal libertarien. en arrivant 2 fois en force a la fin de la bataille , les US a pris plusieurs longueurs d avance( finance , domination militaire...). l occident a compris l astuce ; dans cette guerre des races , culture et civilisations qui ne dit pas son n.o.m. (nouvel ordre mondial ) pour les adherents ER du 06 : Conférence Chrétiens d’Orients avec Jean-Claude Antakli Jeudi 5 Février 20 h30 à Sophia Antipolis.

     

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  • #1110780
    Le 4 février 2015 à 09:46 par dolf
    Bouleversement des intérêts états-uniens au Levant

    Sceptique !
    On voudrait bien y croire

     

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  • #1111119
    Le 4 février 2015 à 18:40 par Erdoval
    Bouleversement des intérêts états-uniens au Levant

    Le Pt Assad sait sur qui il a pu compter pour faire barrage à l’agression orchestrée par les Etats Unis, la Turquie et Israel contre la Syrie : ses meilleurs alliés qui ne lui ont jamais fait défaut sont la Russie, la Chine, l’Iran et le Hezbollah. Il sait aussi quels ont été les ennemis de son pays rangés derrière les USA et Israel, et parmi lesquels la France s’est montrée parfois la plus véhémente, la plus intransigeante sous le prétexte hypocrite de la défense des droits de l’homme alors qu’elle a financé le massacre du peuple et d’une partie irremplaçable de son patrimoine historique et économique . La crise syrienne est un échec pour les agresseurs. Cette défaite doit avoir des conséquences politiques dans chacun des pays concernés : un renouvellement complet des représentants de ces pays est indispensable pour que dialogue et la coopération avec la Syrie (notamment puisqu’avec la Russie le problème est le même) puissent être rétablis sur de nouvelles bases. En ce qui concerne la France il est clair que ni le départ de Fabius (néanmoins indispensable sans délais) ni celui de Hollande (au plus tard en 2017 ce qui paraît un peu lointain au regard de la nécessité d’un changement radical de politique immédiatement) ne seraient des conditions suffisantes pour rétablir un dialogue constructif entre les deux pays. C’est en effet toute la classe politique UMPS qui s’est déconsidérée dans cette crise syrienne, tant vis-à-vis de la Syrie dont elle a souhaité la disparition (car ce n’est bien évidemment pas que Bachar qui était visé) que vis-à-vis de sa capacité à défendre les intérêts propres de la France. Elle doit être balayée dès que possible sinon notre pays pourrait bien être parmi les grands perdants et pour longtemps de cet oubli de nos intérêts au profit de la défense de ceux des américano-sionistes.

     

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  • #1113218
    Le 7 février 2015 à 13:19 par giles
    Bouleversement des intérêts états-uniens au Levant

    les STATES et encore les STATES qui mettent un pays à feu et à sang, des pays aveugles du monde qui les suivent et au final cette bande d’aveugles qui nous gouvernent fait marche arrière et soutenant désormais le régime Syrien !

     

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  • #1114699
    Le 9 février 2015 à 01:44 par Tonton Christobal
    Bouleversement des intérêts états-uniens au Levant

    Depuis trois jours l’aviation du roi de Jordanie bombarde sans relâche les positions de DAECH (transports,blindés,zones d’habitations des jihadistes et même les camps d’entrainements à la frontière israélienne) et serait en train de porter des coups décisifs à DAECH en Syrie et en Irak (Plus de 7000 morts en trois jours et 20 % de sa capacité de combat selon certaines sources) et ce n’est pas avec ses trois avions et sa dizaine de pilotes que l’E.I serait en mesure de riposter !!!
    La mise à mort barbare de son pilote est resté en travers de la gorge du peuple jordanien et des dirigeants...
    Rendez-vous compte qu’en trois jours de pilonnage intense l’armée jordanienne a fait plus de mort du coté des terroristes salafistes que l’aviation de la coalition en plus d’un mois de frappes,il faut dire que les chasseurs israéliens préféraient jusqu’à présent frapper les positions de l’armée syrienne et que les chasseurs US ne faisaient pas beaucoup de zèle...
    L’analyse de Messan me semble la bonne,DAECH a commis trop d’exactions en Syrie et en Irak où il est aujourd’hui sérieusement détesté,même parmi l’immense majorité de ceux les avaient accueilli au départ comme des libérateurs mais qui commencent à vivre l’enfer et à comprendre petit à petit au fil des arrestations arbitraires et des exécutions et mutilations de civils innocents qu’ils sont encore plus sanguinaires et malades dans leurs têtes que les talibans afghans d’il y a 15 ans.
    Le but des ricains semble être de maintenir un noyau dans le Nord de l’Irak pour continuer à diviser le pays et d’envoyer le gros des troupes combattre Poutine et son allié Kadyrov en Tchétchènie,au Daguestan et dans les autres républiques musulmanes du Caucase...

     

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