Juin 2013, Paris affirme détenir la preuve que les forces de Bachar Al-Assad ont utilisé du gaz sarin contre les civils syriens. Deux envoyés spéciaux du Monde déclarent avoir rapporté des échantillons recueillis sur le terrain. Dans leur livre Les Chemins de Damas, les journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot avancent la thèse d’une manipulation des services français.
Nous sommes au tout début du mois de juin 2013. Un journaliste du quotidien Le Monde, Jean-Philippe Rémy [photo], et un photographe, Laurent Van der Stockt, font la Une de tous les médias français. Ils seraient sur le point de regagner la France depuis la Syrie avec dans leurs bagages la preuve que les forces de Bachar Al-Assad ont gazé des civils.
L’épisode reste, juqu’à aujourd’hui, gravé dans les mémoires tant il a failli précipiter une guerre occidentale en Syrie. Paris et Londres, encore plus va-t-en guerre que Washington, se lancent alors dans une rhétorique guerrière et plaident pour une intervention militaire. Finalement l’emballement médiatique s’arrêtera là. Refroidis par leurs opinions publiques et le rechignement de la Maison Blanche, les Européens renoncent à leurs projet.
Affaire classée
L’affaire est alors enterrée. Pourtant, à la lecture du dernier ouvrage des journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot, on s’étonne du peu de bruit de leurs révélations. Dans leur excellent livre Les Chemins de Damas (Robert Laffont), ils livrent une tout autre version que celle de Jean-Philippe Rémy. Ce dernier avait en effet affirmé avoir proposé de son propre chef de transporter les échantillons. Mais selon Chesnot et Malbrunot, qui citent une source au ministère français des Affaires étrangères, « c’est un médecin syrien proche des services français qui a dit aux deux journalistes : “Prenez ces échantillons et remettez-les à l’ambassade de France à Amman” ».
La DGSE a également aidé les journalistes du Monde à sortir de Syrie, et quand ils sont arrivés de l’autre côté de la frontière en Jordanie, ils ont brandi les échantillons. La vraie histoire, selon Chesnot et Malbrunot, serait donc la suivante : il s’agissait d’un matériel dont on ignore la véritable origine, matériel qui appartient aux services, alors que ces derniers ont chargé les journalistes d’en assurer le transport, donc utilisés comme des « mules. »