Ce récit est la synthèse de révélations tirées des archives des services de renseignements irakiens, complétées par les mémoires du proconsul américain en Irak Zalmay Khalil Zadeh parues dans la presse arabe, notamment deux articles de Jamil Yassine, dans le site électronique « Ar Rai Al Yom », propriété de l’influent journaliste Abdel Bari Atwane.
Le défilé du 6 Janvier 1990
Les préparatifs allaient bon train et la répétition générale se passait dans des conditions satisfaisantes... dans les deux camps. Les tenants du pouvoir baasiste et les conjurés anti-baasistes.
Le premier défilé suivant la victoire sur l’Iran se devait d’être grandiose à la mesure de l’événement. Fixé au 6 Janvier 1990, le jour anniversaire de la fondation de l’armée irakienne, il prévoyait que les soldats défileraient devant la tribune présidentielle rendant, de vive voix, un hommage à leur président Saddam Hussein en lui souhaitant longue vie.
Sauf que le jour J, Saddam Hussein était absent de la tribune officielle et le spectacle surréaliste : des soldats défilant au pas cadencé devant la tribune présidentielle criant à tue-tête leur hommage à un président au siège vacant.
L’absence, inhabituelle en pareille circonstance, était de mauvais augure. Elle plongea dans la plus grande perplexité les services de renseignements et de sécurité irakiens.
Le Clan Jouboury à la manœuvre
Le 6 Janvier 1990 est une date qui ne dit rien à grand monde. Ce jour-là, pourtant, l’histoire de l’Irak et vraisemblablement du Moyen-Orient aurait changé si la conjuration avait été menée à bien. Un groupe d’officiers de la garde présidentielle irakienne, l’épine dorsale du régime baasiste, avait arrêté cette date pour abattre leur chef Saddam Hussein.
Des conjurés majoritairement issus de la tribu sunnite d’Al Jouboury, menés par le capitaine Sattam Ghannam Al Jouboury, assisté d’Abed Mohammad Jerro Al Jouboury, qui faisait office du Secrétaire général du « Mouvement du 6 janvier 1990 ». Ils devaient procéder à un coup d’État et éliminer Saddam Hussein depuis la tribune présidentielle.
Le Général Mohammad Jassam Al Jouboury devait se substituer à Saddam à la tête de l’État Irakien, alors que l’écrivain Hassan Moutlaq Roudane Al Rami devait prendre en charge le secteur de la propagande (Communication, information, radio, télévision, édition).
Le schéma empruntait au modèle de l’émule égyptien de Saddam Hussein, Anouar El Sadate, assassiné le 6 Octobre 1981 à l’occasion du « défilé de la victoire » célébrant le 8ème anniversaire de la destruction de Ligne Bar Lev et du franchissement du Canal de Suez, le 6 Octobre 1973.
Une opération combinée des blindés et de l’aviation
L’assaut de la tribune présidentielle a été programmé pour intervenir en pleine retransmission en direct du défilé militaire par les chaînes de télévision afin de donner un grand retentissement à l’événement.
Toutes les précautions avaient été prises pour que le raid soit meurtrier et concluant : les forces blindées et l’aviation devaient se charger de la besogne par une opération combinée et synchronisée. Un détachement de chars devait papillonner la tribune présidentielle tandis qu’une escadrille de la chasse irakienne devait la cibler par des missiles.
Parallèlement, la brigade affectée à la protection du palais présidentiel était celle-là même qui avait été désignée pour s’en emparer et exterminer toute la hiérarchie baasiste. Dans chaque division, une compagnie était chargée de la neutraliser, de même que la division chargée de protéger l’imposant bâtiment de la radio-télévision irakienne devait prendre le contrôle de l’édifice, prélude à la proclamation du « Communiqué N°1 », annonciateur de la réussite du coup d’État et de l’avènement d’un nouveau régime.
Des instructions avaient été données pour maintenir la retransmission du défilé en direct pendant toute la durée de l’assaut, tant pour susciter un sentiment de crainte au sein de la population et l’inciter à la prudence que pour lui annoncer dans l’ordre subliminal la fin du régime baasiste, au pouvoir depuis 22 ans.
Les confidences fatales d’un frère putschiste à son frère…, un faux frère, « indic » des services de renseignements
En Égypte, l’assassinat de Sadate visait juste le président égyptien. Une opération d’élimination physique de l’artisan du premier traité de paix entre Israël et le plus grand État arabe.
En Irak, les putschistes anti-baasistes voulaient se débarrasser non seulement de Saddam Hussein, mais éradiquer la totalité du régime baasiste. « Nous ne sommes pas disposés à sacrifier nos vies pour paver la voie à la venue d’un autre dictateur », assurera l’un des conjurés.
Le putsch était parfaitement planifié. Un mutisme total a été imposé à tous les membres de la conspiration de crainte que l’affaire ne s’ébruite. Sauf que…
Sauf que l’un des conjurés s’est confié à son frère lui demandant son aide. Or le frère s’est révélé être un faux frère, un « indic » des services de renseignement. Effet d’une panique intériorisée ou Routine bureaucratique ?... Le fait est que le frère a rédigé un rapport aux services de sécurité sur les confidences de son propre frère. Il lui fut intimé l’ordre d’observer un mutisme complet sur cette affaire dans l’attente que soient dévoilées les ramifications du complot.
13 officiers passés par le peloton d’exécution
Les services de renseignements finirent par démasquer les meneurs. Treize officiers, tous appartenant à la tribu Al Jouboury, seront passés par les armes devant un peloton d’exécution. Deux d’entre eux appartenaient à la sécurité personnelle du président irakien.
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Les images et le JT de l’époque :
Un documentaire relativement mainstream sur l’Irak après 2003