Les Russes sont sidérés. Le président Trump est tellement hors de lui, après l’affaire Stormy Daniels, qu’il en est à préférer une bonne vieille guerre à une humiliation supplémentaire. Et ceci arrange parfaitement tant ses amis que ses ennemis (ce qui ne veut pas dire ceux qui ont voté pour lui). Il a le choix, il doit faire un geste viril mais difficile, qui requiert tout son courage, oui, mais lequel ? Doit-il mettre en péril le confortable niveau de vie de son pays et braver les missiles russes, ou risquer de déplaire aux élites et chasser le procureur Mueller ? Il est bien tenté par la facilité. Et voilà comment il a été manipulé et entraîné en eaux profondes par une puissante coalition de Britanniques et de juifs, les mêmes qui nous ont gratifiés des deux dernières guerres mondiales.
Sa tentative pour revenir à la raison et refiler à d’autres la patate chaude de la Syrie (« Je souhaite de toutes mes forces le retrait de nos forces de Syrie », avait-il tweeté) a été repoussée par l’indomptable Mr Netanyahou. Ne t’avise surtout pas d’y penser sérieusement, a dit le grand homme de Tel Aviv à Donny dans une conversation tendue au téléphone. Ne quitte pas la Syrie, il faut encore que tu fasses la peau aux Russes et aux Iraniens. Et n’oublie pas les gosses syriens, s’est permis d’ajouter celui qui patauge dans le sang de 2 000 Palestiniens abattus sous ses ordres la semaine dernière. Le Pentagone et les agences de renseignement US prennent directement leurs ordres à Tel Aviv, ou via l’AIPAC ; ils sont déjà en train de se préparer pour un long séjour en Syrie, en dépit des déclarations de Donny.
Les juifs ont piqué une crise quand il ont vu que Trump avait l’intention de lâcher la Syrie. Les scribouillards du Washington Post et du New York Times ont condamné ce pas en avant comme faisant le jeu de la Russie. « Catherine Rampell, qui écrit dans le WaPo et fait ses commentaires sur CNN, a proféré : "Poutine doit être aux anges", avec les instructions de Trump pour commencer à organiser le retrait de la région. Passons sur le fait qu’il serait bizarre pour un président de baser toute sa politique étrangère sur ce qui pourrait ennuyer la Russie ; mais pourquoi Rampell ne se demande-t-elle pas combien cela serait merveilleux pour les soldats américains de retrouver enfin leurs familles, ou bien de se demander comment les ressources que le pays a gaspillées au-delà des mers vont pouvoir être mises à profit maintenant sur le front intérieur » a fait remarquer un journaliste. C’était le signal pour la descente de Mueller dans le bureau de Cohen. Il faut bousculer le vieux fou, s’il ne veut pas y aller de son plein gré, ont-ils décidé.
L’Amérique avec son arrière fond puritain est le seul pays où les mœurs sexuelles sont assez strictes pour suffire à déclencher une guerre. Clinton est parti en guerre contre la Yougoslavie à cause d’un commérage, tandis que Trump va détruire le monde pour une seule nuit piégée.
Une attaque contre la Syrie va entraîner une réponse russe. À tout le moins, ce sera une conflagration locale, une joute, un test de forces et de volontés. Qui sait comment cela finira. Cela avait été reporté en 2013, quand l’armada US s’était massée sur les plages syriennes pour venger une autre attaque chimique supposée. J’ai écrit sur cette rencontre fatale, peut-être avec trop d’optimisme, un article intitulé Notre Cap de Bonne espérance .
« C’était un moment aussi risqué que lors de la crise des missiles à Cuba en 1962. Il y avait de fortes chances de déclencher la guerre totale, dans la mesure où les volontés d’acier de l’Amérique et de l’Eurasie s’étaient mesurées en Méditerranée orientale. [...] Le point de tension culminant, en ce mois de septembre 2013, ce fut la vision, sous le soleil de midi, des cinq destroyers US face aux rivages du Levant, pointant leurs Tomahawks sur Damas, et, leur faisant face, la flotte russe composée de onze navires avec en tête le Moskva, croiseur tueur chargé de missiles, renforcés par des bateaux de guerre chinois. Apparemment, deux missiles avaient bel et bien été lancés vers la côte syrienne, et tous deux avaient échoué à atteindre leur cible. […] Après cet étrange incident, la pétarade n’a pas commencé, parce que le président Obama a gardé son sang-froid et rengainé son colt. Cela fut précédé par un vote inattendu au parlement britannique. Ce corps vénérable déclina l’honneur de se joindre à l’attaque proposée par les US. Pour la première fois depuis deux cents ans, le parlement britannique a alors refusé une offre bien réelle de prendre l’initiative d’une guerre ; d’habitude, ils ne résistent pas à la tentation. […] Cette mésaventure a réglé leur compte à l’hégémonie, à la suprématie et à l’exceptionnalisme américains. Fini, le "destin manifeste" des USA ».
Comme nous le voyons maintenant, l’heure fatale avait juste été retardée de cinq ans, et l’horloge s’est remise en marche. Le Premier ministre Theresa May a décidé qu’elle n’avait aucun besoin de l’approbation du Parlement. Le président Trump a décidé qu’il n’avait aucun besoin de l’approbation du Congrès. Ces obstacles ont donc été écartés.