La candidature de M. Emmanuel Macron prend aujourd’hui une certaine ampleur, voire une ampleur certaine. Il est donné actuellement en seconde position pour le premier tour de l’élection présidentielle d’avril prochain, étant crédité d’environ 20 % des suffrages. Mais, cette candidature, portée à grand bruits, à sons de trompes et de cymbales, par une partie de la presse interroge, et suscite de nombreuses questions. Il est frappant que pour M. Emmanuel Macron et ses partisans ces questions ne soient vues que comme des attaques possibles, et si possible – cela fait tellement mieux aujourd’hui – téléguidées par une « puissance étrangère ». Pourtant, ces questions sont parfaitement légitimes, et le candidat devra y répondre.
Monsieur Macron et ses mystérieux soutiens financiers
Ces questions sont tout autant de forme que de fond. Pour ce qui est de la forme, il est légitime de s’interroger sur qui soutient le candidat. Monsieur Macron refuse de révéler la liste de ses contributeurs. Étrange pudeur pour un homme qui n’hésite pas à s’afficher avec sa compagne en première page des magazines. Aurait-il donc quelque chose à cacher ? Il s’offusque, et avec juste raison, des attaques sur sa vie privée. Mais, les sources de financement d’une campagne politique ne relèvent nullement de la « vie privée ». Elles sont un élément important d’information des citoyens. Imaginons un instant que la campagne de M. Macron soit financée par de grands banquiers américains ou par des émirs d’Arabie. Ne serait-il pas intéressant que le citoyen français, auquel M. Macron demandera son suffrage, le sache ? Et, s’il n’y a rien de politiquement répréhensible, de scandaleux, dans les sources de son financement, pourquoi M. Macron s’obstine-t-il à ne pas les révéler ? C’est une question certes de forme, mais où l’on touche au fond. La transparence sur le financement de la campagne est un impératif dans toute démocratie qui se respecte. Même si l’on convient que rien n’est moins sûr que nous soyons toujours, dans la France de 2017, dans une démocratie. Car, nous en sommes là, et M. Macron est justement un symptôme de cet état des choses. Bref, on aimerait savoir qui finance cette équipe que l’on devine derrière le candidat, qui paye ces « nombreux » experts dont se réclame M. Macron. Est-ce donc M. Drahi, ou l’un des quelconques oligarques français ?
De même, M. Macron a-t-il utilisé les moyens du gouvernement, l’argent du ministère, pour organiser les premiers pas de son « mouvement » politique, qui s’avère n’être qu’un très banal parti ? On dira que c’est là péché véniel. Et, encore une fois on veut bien en convenir. Comparé aux scandales qui frappent la campagne de François Fillon, ce que la presse appelle le « Pénélope Gate », il n’y a rien de comparable. Il n’est nullement question d’enrichissement personnel en la matière. Mais, M. Macron aimant à se présenter comme un candidat « anti-système », il serait bon que l’on sache s’il a bénéficié des moyens financiers du dit système pour lancer sa campagne et pour soutenir ses premiers pas en politique. Il y aurait là une plaisante contradiction. Une contradiction qui mettrait au grand jour la nature en fait profondément démagogique de la campagne de M. Macron.
Le candidat « anti-système » ?
Car, ce n’est pas rien que de se présenter comme un candidat « anti-système » quand on a le pédigrée d’Emmanuel Macron. Brillant étudiant, jeune banquier d’affaires, conseiller d’un Président de la République : M. Macron fait indubitablement partie du système politique, de ce que Jean-Pierre Chevènement appelait l’établissement. Il ne peut impunément se prétendre dans un rapport d’extériorité avec ce dernier. Quand je fus invité à l’Élysée à l’été 2012, et quand M. Macron me reçut, il avait un bureau mitoyen à celui de François Hollande. D’ailleurs, ce dernier passa une tête et se joignit à la discussion que nous avions avec celui qui était, très officiellement, le conseiller économique du Président.
Ce n’est donc pas rien que de se présenter comme « anti-système » quand on a eu ce genre de fonctions officielles, et quand on a été Ministre, comme le fut Emmanuel Macron. Il est possible qu’il ait trouvé son chemin de Damas, entre la cantine de l’Élysée et le salon où l’on sert le café et les cigares. Il n’y a rien d’impossible. Mais, avouons que l’on aimerait en savoir un peu plus sur ce qui aurait motivé la rupture de M. Emmanuel Macron avec un « système » dont il a largement profité et qui l’a bien aidé, voire qui l’aide encore. Si l’on ne veut pas croire que ce soit la seule ambition, le gout du pouvoir pour le pouvoir et non pour en faire quelque chose, il doit nous en dire plus sur ce point. Or, on remarquera à quel point il est, sur cette question, d’un étrange silence. Ce n’est plus un ancien ministre, mais c’est un poisson rouge tournant dans son bocal.
Résumons nous : le point ici litigieux n’est pas que M. Macron se donne pour un candidat anti-système, mais qu’il ne fournisse aucun élément qui nous permette de juger de son éloignement avec le dit système. S’il est rupture avec ce qu’il appelle le « système » il doit impérativement nous dire pourquoi. M. Jean-Luc Mélenchon fut sénateur et ministre socialiste, dans le gouvernement de Lionel Jospin. Il s’est clairement exprimé à ce sujet et il a fourni d’amples informations sur ce qui l’a conduit à rompre avec ce parti. Il est donc parfaitement crédible en représentant de cette gauche en révolte, « insoumise » comme il aime à le dire, face aux dérives dont le P « s » s’est rendu coupable de puis vingt ans. Il n’en va nullement de même avec M. Emmanuel Macron. Ses mots sentent trop la posture, et celle-ci révèle l’imposture.
C’est le fond qui manque le plus…
Tout ceci met au grand jour ce qu’est la candidature d’Emmanuel Macron. Une pièce montée, avec ce gout un peu douceâtre et écœurant des pâtisseries de supermarché qui ont le sucre et les lipides en excès. C’est une candidature qui précède le programme, alors que la logique imposerait l’inverse. Car, se présenter à l’élection présidentielle, ce n’est pas rien, même si ce n’est que pour briguer le poste de gouverneur d’une France soumise à l’Allemagne. On attend d’un candidat un programme et une vision, qui ne se limite pas à des effets de manche dans des salles de réunions et devant des auditoires conquis d’avance. On attend du fond ; et le fond ici, contrairement à la fable du laboureur et de ses enfants, c’est bien ce qui manque le plus.
On ne doute pas que les dizaines et les dizaines de petites mains qui travaillent inlassablement sous la houlette de M. Jean Pisani-Ferri, ancien conseiller de Jacques Delors, ancien directeur du Conseil de politique économique, n’arrivent à produire un « programme », qui soit à la fois détaillé, chiffré, et absolument inopérant. Ce n’est pas cela faire de la politique. C’est dire quelle doit être la position de la France dans les temps troublés qui nous attendent, que propose-t-on face à la menace terroriste, comment entend-on séparer l’islam de l’islamisme pour garantir l’exercice des droits des femmes et des minorités, et garantir la laïcité. Mais, de cela, ni Emmanuel Macron, ni les gens qui le conseillent n’en sont capables. Car ces gens, cet entourage issu des divers couloirs et officines du pouvoir depuis plus de vingt-cinq ans, cet entourage donc si représentatif du « système » contre lequel tonne Emmanuel Macron, ne fait plus de politique depuis longtemps. Il n’en fait plus car il a renoncé à la souveraineté. Il se contente de vivoter dans la technique.
Il est possible que M. Macron en soit conscient. L’homme ne manque pas ni de finesse ni d’intelligence. Mais, pour retrouver le sens de la politique, il devrait rompre avec justement avec cet entourage, et avec les soutiens que celui-ci lui apporte. Or, que serait-il sans ces soutiens, sans cet argent, sans ces moyens ? Il n’aurait certes pas la majorité de la presse française en train de l’encenser.
Qui est M. Emmanuel Macron ?
Qui donc est Emmanuel Macron ? Qui donc se cache derrière cette image de gendre idéal, que nous vend la presse à grand spectacle ? Quelle est donc la réalité de sa candidature ? Il se présente comme un homme venu de nul part, ce qui à tout prendre est mieux qu’un homme de je suis partout. Mais ce nul part, cette « société civile » dont il aime tant à parler, n’existe pas. On vient toujours en réalité de quelque part, que l’on s’en réclame ou que l’on soit en rupture par rapport avec son milieu. À vouloir cacher l’origine de sa candidature, Emmanuel Macron ne se rend pas compte qu’il en révèle le sens de la manière la plus éclatante qui soit. Il est le candidat des oligarques, du MEDEF, de ces affairistes qui confondent l’industrie avec un immense jeu de Monopoly, mais tout en évitant soigneusement la case « prison ».
Mais il sent bien que cette vérité ne peut être dite. Elle serait une insulte pour l’immense majorité des français, pour ceux qui ont un emploi comme pour les 4,5 millions qui en sont privés, pour tous ces gens qui ne rêvent pas de devenir milliardaire mais tout simplement d’avoir une vie digne et normale, d’élever leurs enfants dans un pays qui a un système éducatif qui fonctionne, un système de santé qui soigne également riches et pauvre, un pays dans lequel on ne regarde pas à la couleur ni la religion de l’autre, mais on lui demande d’être français et d’aimer la France.
Alors, Monsieur Macron se cache tout en se mettant en scène. D’où le malaise qui aujourd’hui grandit à son égard. Même ceux qui le soutiennent, ceux qui assistent à ses réunions publiques, à ces messes à grand spectacle, en sont gênés. La fluidité de son électorat potentiel indique bien que les français ne sont pas dupes. Il nous vend un personnage de théâtre, l’arriviste qui crache dans la soupe qui l’a longtemps nourrie. Il se veut en Rastignac du XXIème siècle, mais ceux qui ont imaginé le scénario qu’il nous interprète n’ont pas le quart de la moitié du talent d’Honoré de Balzac. Il prétend aux premiers rôles mais, comme un autre « gendre idéal » avant lui, il ne sait pas que l’histoire est tragique. Il finira tel un comparse de Splendeur et Misère des Courtisanes. Il espère que l’on gobera les mensonges qu’il nous sert. Mais il ne saurait être question d’acheter cette marchandise avariée.
On ne votera pas pour Monsieur Macron, ni au premier tour, ni au second.