Qui aurait pu imaginer qu’à la fin 2013, en France, un bateleur d’estrade aurait fondé son succès sur un explicite discours de haine des juifs ? Qui aurait pu imaginer qu’il y aurait eu un public pour apprécier ce type de spectacle ? Qui aurait pu imaginer que Roland Dumas, ancien président du Conseil constitutionnel après avoir été ministre des affaires étrangères d’un gouvernement de gauche soit venu en 2006 l’applaudir aux côtés de Bruno Gollnisch et de Jany Le Pen ? Qui aurait pu imaginer que cet humoriste patenté soit devenu le porte drapeau sinon le porte parole d’une fusion des extrêmes droites et des extrêmes gauches unies dans un même ressentiment haineux ? Qui aurait pu imaginer qu’une partie de la jeunesse déboussolée des banlieues s’y retrouve ? C’est tout le talent de Dieudonné d’avoir réussi à fédérer ces composantes éparses.
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Le défi que nous posent tous les Dieudonnés réside dans notre capacité à en comprendre la finalité autant que la stratégie. Ne pas percevoir l’enjeu de cette imposture consiste à reconduire le dénigrement stalinien face à la lucidité d’Orwell, Koestler ou Camus. Ne pas comprendre que ce sont nos libertés qui sont visées à travers Israël, consiste à reconduire le même aveuglement devant les vertus pacifiques d’Hitler. Ne pas comprendre que c’est l’identité européenne qui est visée à travers les juifs, consiste à reconduire l’esprit de Munich. Plus loin à l’Est dans ce fond de Méditerranée, la ligne de front qui nous protège se nomme Israël, seul État membre de l’ONU menacé ouvertement de destruction par un autre État membre de l’ONU. Qui massacre qui au Proche-Orient ou dans le monde arabe aujourd’hui ?
En Europe c’est autour du nom juif que se situe la ligne de front. Elle incarne une résistance symbolique que beaucoup s’acharnent à détruire. La portée de ce mot dépasse de très loin son seul signifiant. C’est bien la raison pour laquelle certains s’ingénient à l’attaquer pour lui ôter toute légitimité à être. Si le nom « juif » venait à être illégitime en tant que catégorie vide de sens, l’idée de peuple qui rassemble les noms qui le constituent deviendrait elle aussi illégitime. Qu’est ce qu’un peuple sinon le rassemblement des « noms » qui se reconnaissent en lui ? En délégitimant le peuple c’est bien la légitimité de l’État qui le protège qui est mise en cause. Ce processus de destruction symbolique est devenu l’arme ultime d’un effacement déjà tenté dans l’histoire.
Quand Dieudonné et ses amis s’attaquent aux juifs, au signifié Juif, à la légitimité de l’État d’Israël, c’est au statut de l’homme libre, acteur de sa vie, maitre de son destin qu’ils s’attaquent.
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