Le plus révoltant, dans le drame palestinien, c’est, bien sûr, la brutalité de l’occupant, sa morgue coloniale, son mépris pour la vie des autres, son aplomb dans le meurtre, son arrogance de vainqueur à la victoire facile, sa bonne conscience lorsqu’il appuie sur la gâchette, sa lâcheté lorsqu’il assassine des civils, son accoutumance au crime. Mais c’est aussi cette mauvaise foi abyssale, cette hypocrisie de l’agresseur qui joue à l’agressé, ce mensonge qui sort de sa bouche lorsqu’il prétend se défendre, lorsqu’il condamne le terrorisme, lorsqu’il ose invoquer la légitime défense, lorsqu’il parle d’antisémitisme.
Des terroristes, les combattants palestiniens ? Non, ce sont des résistants, des vrais, de ceux qui se battent pour la patrie, pour la terre de leurs ancêtres, pour vivre en paix, un jour, dans cette Palestine dont l’envahisseur veut les spolier, pour cette Palestine dont l’État-colon se croit dépositaire, alors qu’il n’est qu’un occupant illégitime, un usurpateur. La légitime défense d’Israël ? Soyons sérieux : la seule légitime défense qui vaille, c’est celle du peuple palestinien, pas celle de la soldatesque coloniale ; celle de l’occupé qui résiste, pas celle de l’occupant qui opprime. Des résistants qui ont raison de se battre, et qui savent que si l’honneur est de leur côté, le déshonneur est dans le camp adverse.
On nous raconte que l’affrontement actuel est dû à l’intransigeance des extrémistes des deux camps. Mais ce renvoi dos-à-dos de l’occupant et de l’occupé est grotesque, c’est une supercherie. Depuis quand la résistance est-elle extrémiste ? C’est l’occupation qui est extrémiste, avec sa violence de tous les instants, cette humiliation permanente infligée aux populations, cette domination structurelle, cette insupportable chape de plomb qui pèse sur un peuple meurtri, et dont les sursauts de révolte, heureusement, montrent qu’il n’est pas vaincu. Non, la responsabilité ultime de la violence, en Palestine, n’est pas partagée, ce n’est pas 50/50, car cette violence est le fruit de l’occupation et de la colonisation, et les Palestiniens ne sont pas responsables de l’injustice qu’on leur fait subir.
Il y a des morts des deux côtés, oui, et aucune victime civile n’est justifiée. Mais lorsque le rapport des victimes est de 1 à 30, il est scandaleux de faire comme s’il s’agissait d’une guerre classique opposant deux armées dans une bataille rangée. Car cette guerre n’a pas commencé aujourd’hui, c’est un ethnocide, une tentative d’effacement des Palestiniens que l’on veut parquer dans les bantoustans de l’apartheid sioniste. Cette guerre n’est pas une guerre ordinaire, c’est la lutte entre une puissance occupante et une résistance armée, et il ne suffira pas d’appeler à la cessation des violences pour y mettre fin. Ce qui est à la fois odieux et ridicule, dans les déclamations de la diplomatie occidentale, c’est cet appel implicite au désarmement des Palestiniens. On leur demande de baisser les bras, de se résigner, d’accepter le joug, en feignant d’ignorer les raisons pour lesquelles ils ne le feront pas, ni aujourd’hui ni demain.
Reste, bien sûr, cette accusation d’antisémitisme, indéfiniment reconduite, pavlovienne, pathétique de bêtise et répugnante d’hypocrisie, que l’on jette à la figure de tous ceux qui soutiennent la lutte des Palestiniens. Et pourtant, s’ils savaient, ces imposteurs, à quel point l’antisionisme nous suffit, à quel point il exprime avec assez de clarté ce qu’il s’agit de défendre. L’antisémitisme, lorsqu’il est avéré, est une souillure pour celui qui l’éprouve. Mais lorsqu’il sert à accuser l’antisionisme, c’est une souillure pour celui qui profère cette accusation mensongère. Vous pouvez toujours brandir cette calomnie, mais prenez garde, elle risque de vous revenir un jour sur la figure.
Force incoercible de la propagande, lorsqu’elle provoque le passage insidieux d’un terme à l’autre, qu’elle génère l’inversion maligne par laquelle le bourreau se fait victime, et l’antisionisme est qualifié d’antisémitisme. Cette accusation, on l’a compris, est une arme d’intimidation massive, qui permet à des gouvernements serviles, tout heureux de servir l’impérialisme et le sionisme, de s’acheter une pseudo-bonne conscience. Pitoyable diplomatie, complicité avec le crime qui se pare de toutes les vertus, et qui n’en finit plus de toucher le fond. Les Palestiniens, eux, ont compris depuis longtemps qu’ils n’avaient rien à attendre de ces Européens qu’étouffera un jour leur lâcheté.