Le président des États-Unis va bientôt tirer sa révérence. Mais avant de rejoindre le club des conférenciers à 100 000 dollars, il aura commis un nouveau forfait en Syrie.
Le 17 septembre, pour la première fois, son aviation a tué entre 60 et 80 soldats de l’armée arabe syrienne à Deir Ezzor. Loin d’être fortuite, cette attaque a eu lieu au moment même où l’armée nationale affrontait une offensive de Daech.
Le Pentagone a déclaré qu’il s’agissait d’une erreur, mais qui peut croire un tel mensonge ? Cette version officielle a d’ailleurs reçu sa première entaille de la part de l’ambassadrice US à l’ONU. Elle a admis devant le conseil de sécurité que les USA étaient à l’origine de cette frappe, mais elle en a minimisé l’importance, en comparant cette bavure « non intentionnelle » avec les « attaques intentionnelles » de Damas contre des civils. Curieuse explication !
La thèse de l’accident, en réalité, ne tient pas la route. Il suffit de considérer les faits pour s’en rendre compte.
Premièrement, le modus operandi de l’attaque. Menée à quatre reprises par plusieurs appareils de combat au sol, elle a duré selon les témoins près de 45 minutes. Il ne peut donc s’agir de l’opération erratique d’un pilote isolé qui aurait mal compris les ordres reçus.
Deuxièmement, le lieu de l’attaque. La position ciblée est Jebel Thardeh, à 4 kilomètres au sud de l’aéroport de la ville. Il s’agit d’une colline-clé pour la défense de toute la zone, où 100 000 habitants sont encerclés par Daech. C’est une position statique, occupée par l’armée syrienne au su et au vu de tous depuis des mois.
Troisièmement, le communiqué de victoire de Daech. L’agence de propagande « Amaq », en effet, a affirmé que le groupe djihadiste avait pris le contrôle de la colline où a eu lieu la frappe aérienne de la coalition prétendument antiterroriste. Cette belle coordination entre les USA et leurs mercenaires officieux mérite d’être soulignée !
Quatrièmement, l’invraisemblance totale d’un appui aérien US à l’armée syrienne. C’est la seule explication possible s’il s’agit d’une « bavure », mais elle est absurde. L’aviation occidentale n’a jamais prêté main forte à l’armée syrienne, pourquoi le ferait-elle ? C’est la question que l’ambassadeur de Russie vient de poser à l’ONU. La réponse est évidente : il ne s’agissait pas d’aider l’armée syrienne, mais d’aider Daech.
Frapper l’armée syrienne au profit de Daech, en effet, permet d’atteindre trois objectifs. En soulageant le front d’Alep, ce contre-feu allumé à l’extrémité Est du pays brise le rêve d’une reconquête du territoire national. Il fragilise l’État syrien. Mais il envoie aussi un message explicite à la nébuleuse takfirie en mauvaise posture depuis la reprise des quartiers Sud d’Alep. Enfin, il conforte les alliés régionaux de Washington dans la poursuite de leur politique mortifère du « chaos constructif » au moment où la fin de mandat de Barack Obama pouvait laisser craindre un certain ramollissement de Washington.
On savait le cynisme US sans limite, mais il vient de faire un saut qualitatif. C’est la première fois que les USA agressent frontalement l’armée syrienne. Cette nouvelle transgression a valeur de test, et la réplique de l’axe Moscou-Damas ne devrait pas se faire attendre. Cette main tendue à l’organisation terroriste montre que les néocons n’entendent pas lâcher prise au Moyen-Orient. La coïncidence de cette attaque avec l’octroi de 38 milliards de dollars à Israël est significative.
Contrairement à ce qu’on lit parfois, Washington ne se désengage pas de la région. Il continuera, demain, d’y semer le chaos en armant le bras des tueurs en tout genre.