Egalité et Réconciliation
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Des dangers de l’Histoire

Selon Dimitri Casali, spécialiste du 1er Empire, publié sur le blog d’Eric Brunet, journaliste à France télévision, « les 116 pages des nouvelles instructions officielles pour les programmes scolaires » envisagent de facto la suppression ou la marginalisation de certaines périodes de l’Histoire de France, dont les règnes de François Ier, Henri IV, Louis XIV et Napoléon.

Les astuces programmatiques pour éluder l’évocation de ces grands noms, avec toute la gloire nationale qui y est attachée, n’apparaît nullement incompatible avec la philosophie, ou pour mieux dire, avec l’idéologie, qui régit maintenant l’éducation de moins en moins nationale (et que l’on devrait nommer maintenant « l’endoctrinement mondialiste »).

Car sa finalité avouée consiste à favoriser le « vivre ensemble » (entendez l’occultation de tout ce qui pourrait fâcher dans notre passé), l’intégration dans la dimension « globalisée » du nouvel ordre mondial (de là le lycée du « XXIe siècle ») et l’approche compassionnelle des problèmes (droits de l’homme, des femmes, antiracisme, etc.), en lieu et place de la réalité sociale et politique telle qu’en elle-même, c’est-à-dire parcourue par des heurts, des violences, des « intolérances », des intérêts plus ou moins bien compris et lestés de toute l’épaisseur de l’humaine condition.

Cette décision sournoise, hypocrite (par exemple l’étude du Roi soleil est cantonnée, dans la classe de 5ème, … à la fin du mois de juin !) n’est guère surprenante, et renvoie à sa juste place, c’est-à-dire à une opération de com., tous les faux débats autour de l’ « Identité nationale ».

En vérité, quand on aura compris une fois pour toutes que la caste oligarchique qui gère le pays a définitivement coupé les liens non seulement avec le peuple de France, mais aussi avec son Histoire, on aura gagné un temps précieux, et on pourra songer concrètement à l’envoyer dans les poubelles de cette même Histoire. Quand on voit ces faces de clowns tristes à la télévision, l’idée qu’on est dans un pays occupé, avec des marionnettes bouffonnes préposées à la basse besogne, vient tout de suite à l’esprit.

Cette façon de traiter l’Histoire (qui est pourtant l’un des points forts de l’Université française) n’est pas nouvelle. Certains thèmes, comme la citoyenneté à Athènes et au IIe siècle de l’Empire romain ne sont pas dus au hasard, dans la mesure même où leur approche est singulièrement pipée par la charge idéologique qui l’accompagne, par la déformation qui en découle et l’absence complète de mise en perspective. De plus en plus, le découpage didactique s’effectue au profit de grands sujets de société (lutte des femmes, traite négrière, génocide juif, fusillés de 17, droits civiques, etc.), et non par rapport aux problématiques intrinsèques de la réalité historique.

Certes, tout historien sait que la vision du passé dépend des questions qu’on lui pose. Depuis longtemps la démarche naïve du positivisme, qui postule une vérité à partir d’un amoncellement de connaissances, est considérée comme une erreur heuristique. L’Histoire à la Mallet et Isaac ou à la Lavisse est tributaire d’une Histoire nationale fondée sur le mythe républicain et sur la vision d’une France conçue comme un bloc mémoriel. Plutôt que de se lamenter, il faut s’interroger sur les questions actuelles qui sont posées à notre Histoire.

Deux objectifs sont visés semble-t-il. D’abord, éradiquer le plus possible les références « contre-productives ». Ce but est le plus politique, au sens littéral du mot, car il cherche à neutraliser toute espèce de conflit, surtout celui qui pourrait mettre en cause le système. Or, la nature des périodes mises sur la touche par le nouveau tricotage (détricotage ?) programmatique de l’enseignement de l’Histoire est significative : ce sont des moments où le pays s’est manifesté, d’une façon ou d’une autre, par le sentiment que, collectivement ou individuellement, les Français avaient atteint la grandeur (sentiment que notre « élite » a oublié depuis belle lurette !).

Et il ne s’agit pas seulement de gloire militaire, mais aussi d’un sens de l’Etat dont l’assise repose sur une contrainte acceptée par la collectivité, une gestion virile de l’économie et de la société, une intelligence pratique des hommes, qui ne se laisse pas berner par des rêveries humanitaristes (les hommes d’Etat susnommés possédant tous une sensibilité « machiavélienne »), un souci des arts et des lettres conçu comme l’héritage de la Rome antique. On voit ce qui peut fâcher une classe politique libérale, protestantisée, jansénisée, partageant les haines des « exclus de l’Histoire », réglant ses compte avec cette dernière en prenant une revanche posthume, détestant toutes les dépenses « inutiles » visant à la seule gloire (il faut que l’art rapporte), méprisant celle octroyée sur le champ de bataille au risque de son sang (le seul combat justifié étant celui qu’on mène à la bourse). L’éviction de nos gloires passées relève donc du réflexe de boutiquier, et d’une peur panique que le peuple endormi ne se réveille à leur souvenir.

Le second objectif consiste à remplacer les référents historiques considérés comme obsolètes par d’autres désignés comme positifs. La vulgate idéologique actuelle, dans sa douce stupidité, considère qu’au fond l’homme est bon, et qu’il a été abusé par une minorité perverse assoiffée de pouvoir et animée par une rage sadique. Les tromperies sur la « fausse gloire » (militaire, politique etc.) ont occulté la véritable finalité de toute société humaine, à savoir la chute de toutes les frontières qui séparent (la ronde des peuples ! embrassons-nous !), la communication tous azimuts, qui remplace le conflit, l’adoption d’une novlangue en lieu et place d’un langage politiquement incorrect, le « vivre ensemble » de type disneylien, qui nous convainc qu’on vit dans le meilleur des mondes, et l’égalité de tous en matière sociétale (mais pas économique), de façon à éliminer toutes les discriminations (dont la liste, à y regarder de près, est infinie). De quoi produire des générations d’abrutis et de « citoyens » sans caractère.

Il est inutile de vouloir corriger cette dérive en criant à l’erreur. Ceux qui ont réalisé cette infamie savent ce qu’ils font. Toutes les lois mémorielles, la criminalisation de certaines pensées, et tout simplement la rhétorique écœurante de connerie qui se déverse dans les médias quotidiennement sont là pour nous rappeler aux réalités d’un système de plus en plus totalitaire (1984 et le Brave New World d’Huxley ayant commencé par la révision de l’Histoire).

Que faire donc, au lieu de geindre ?

Au fond, les choses sont plus claires comme cela, et l’ennemi est maintenant démasqué. Inutile donc de vouloir réformer, de trouver, à droite et à gauche, dans la secte mondialisée qui veut nous déraciner une quelconque bonne volonté, sinon un minimum d’honnêteté. Elle a l’intelligence de ses intérêts, ce que nous n’avons pas.

L’état catastrophique de l’enseignement peut d’ailleurs nous apporter un grand bienfait. En effet, toute réalité censurée devient de ce fait désirable, révolutionnaire. On se refilera bientôt l’Histoire de Napoléon sous le manteau. Et l’épopée de la commune sera lue d’une main, avec dans l’autre le cocktail Molotov.