La situation était confuse, ce qui ne veut pas dire grave, ce mardi à Alep. Selon la correspondante du Monde sur place, Florence Aubenas, les rebelles auraient encerclé le siège central des forces police. Mais ils seraient eux-mêmes encerclés dans les quartiers où ils ont réussi à prendre pied dimanche, à savoir Salaheddine, dans le centre, et Soukkari : l’armée en effet, selon les dires de Florence Aubenas, bombardent les secteurs tenus par l’ASL, et notamment les hélicoptères de combat mitraillent les positions rebelles.

Par ailleurs, l’envoyée du Monde affirme que dans la ville même les insurgés n’affrontent pour l’heure que des policiers et des chabihas. Une affirmation quelque peu (auto)démentie par un article de la même dame Aubenas, et du même jour, où elle indique que deux chars ont été détruits par les insurgés et un troisième capturé : une vidéo montre un char effectivement en train de brûler.

D’autre part, Florence Aubenas indique que l’armée a mis fin à une mutinerie située dans la périphérie nord de la ville, ce qui prouve sa présence à Alep.

Attachés de presse de l’ASL

Dans un article publié lui lundi 23, Adrien Jaulmes, envoyé spécial du Figaro à Alep, décrit l’entrée d’une colonne motorisée de l’ASL dans Alep, dans la nuit de dimanche à lundi, affirmant qu’aucune force gouvernementale ne s’est opposée alors à cette percée jusqu’au centre-ville et Salaheddine. Le reporter, répercutant les affirmations de l’ASL, écrit que celle-ci contrôlait lundi, outre Salaheddine, les quartiers de Sahrour et Masaken. La colonne ASL serait partie de villages au nord de la ville. La troupe – forte de plusieurs centaines d’hommes selon Jaulmes – est aux ordres d’un certain « commandant Jaber« , un fermier « simple, sage et courageux ».

À vrai dire tout le papier du Figaro est de cette eau pro-ASL et ne se différencie en rien -comme c’est curieux ! – de l’approche d’Aubenas pour Le Monde. Entre le reporter du Figaro et l’ancienne camarade et collègue de Serge July à Libération, un temps médiatisée par son enlèvement en Irak en 2005, il n’y a aucune différence de vision de la crise syrienne, en noir et blanc, et en désinformation enthousiaste : les ASL sont donc « accueillis à bras ouverts par la population », et s’apprêtent carrément, à lire Adrien Jaulmes, à administrer la deuxième ville et capitale économique du pays ! Jaulmes évoque quand même les possibles réactions des « derniers partisans » du régime, réduits à des chabihas traqués et à des snipers embusqués. Tout ça dans une ville qui n’a, en 17 mois, jamais vraiment bougé, et compte d’importantes minorités favorables au pouvoir.

Tout de même, à la fin de son lénifiant article, Jaulmes indique que dès le dimanche soir, les « forces de Bachar al-Assad commencent à avancer » en force contre Salaheddine : un hélicoptère survole à des fins de repérage le quartier, tandis que des blindés lourds « commencent à se déployer sur l’autoroute de l’aéroport » ; les rebelles armés de RPG montent à leur rencontre ; la suite, c’est selon les médias syriens, de furieux combats qui se sont développés lundi et continuaient ce mardi.

Du reste, dans un article révisé vers 17 heures 30, Le Monde indique que les combats s’intensifient, tout en publiant les vantardises tactiques d’un militant de l’opposition joint par téléphone. Et précise que selon un chef rebelle, les ASL commencent à manquer de munitions.

Faible effectifs et faible impact populaire

Et dans un nouvel envoi, Adrien Jaulmes met un peu d’eau dans son champagne, donnant les éléments suivants :

• Les insurgés « ne sont pas très nombreux et ils manquent d’armes », mais ils sont très mobiles, se déplaçant dans des minibus et des voitures particulières ; ils sont « traqués » par les hélicoptères de l’armée, dont deux auraient été battus ;

• Jaulmes confirme que deux blindés ont été détruits sur la route de l’aéroport, et un troisième capturé après que le mitrailleur du T55 ait été tué.

• Dans les quartiers qu’ils investissent, les rebelles rencontrent un « succès limité » dans la population, ne suscitant l’enthousiasme que de « quelques dizaines de jeunes gens » ; « La plupart des habitants, écrit Jaulmes, restent soigneusement cloîtrés chez eux, jetant des coups d’oeil inquiets depuis leurs balcons drapés d’épais rideaux, ou fuient en hâte vers d’autres parties de la ville » .

• « Depuis les bases militaires qui entourent Alep, l’armée régulière a rassemblé de nouvelles forces » pour attaquer l’ASL.

Bien sûr, au-delà du caractère partial – et partiel – des informations qu’ils donnent, ces articles posent la question de l’entrée sans coup férir d’une importante colonne ASL dans la deuxième capitale du pays. L’armée, qui encercle effectivement les quartiers rebelles comme elle l’a fait à Damas, a-t-elle voulu tendre un piège aux rebelles ? A-t-elle voulu créer un choc psychologique dan la population jusque-là restée assez « périphérique » à la crise ?

En tous cas, et pour les mêmes raisons militaires et sociopolitiques qu’à Damas, il est douteux que l’ASL se maintienne longtemps à Alep…