Ceux qui s’inquiètent à juste titre de l’immigration de grand remplacement mais qui, par ailleurs, rendent hommage à Simone Veil, feraient bien de lire ce qui suit.
L’historien – de gauche – Patrick Weil mit en évidence en 2014 un fait oublié, à savoir que Valéry Giscard d’Estaing envisagea en 1978 un plan de rémigration de 500.000 immigrés sur cinq ans. Et si ce plan ne fut pas mis à exécution, c’est notamment en raison de l’opposition de Simone Veil et de Raymond Barre.
Pourtant Giscard est par ailleurs associé dans l’esprit de beaucoup au regroupement familial. Alors qu’en est-il ?
Le site institutionnel Vie publique rapporte de façon chronologique quelques dates et quelques faits officiels.
19 mai 1974
Élection de Valéry Giscard d’Estaing à la Présidence de la République.
La politique de Valéry Giscard d’Estaing en matière d’immigration se caractérise par l’arrêt de toute nouvelle immigration, par un contrôle rigoureux des entrées et des séjours (tout un arsenal de circulaires et décrets sont signés pendant cette période ou modifiés), l’encouragement à des retours volontaires des immigrés dans leur pays d’origine et par un programme d’insertion de ceux qui sont établis en France.
5 juillet 1974
5 juillet 1974 – Sur proposition d’André Postel-Vinay, nommé à la tête du Secrétariat d’État aux travailleurs immigrés créé le 7 juin, le gouvernement français décide de suspendre l’immigration des travailleurs et des familles, sauf pour les ressortissants de la Communauté européenne. L’immigration des travailleurs reste suspendue jusqu’en 1977, l’immigration des familles est à nouveau autorisée dès 1975.
9 octobre 1974
Le Conseil des ministres du 9 octobre 1974 précise les orientations du gouvernement en matière d’insertion : l’accent est mis sur les problèmes d’accueil et de logement, d’alphabétisation, de formation professionnelle, de promotion culturelle.
Les conseils des ministres des 21 mai et 6 novembre 1975 réaffirment ces orientations.
10 juillet 1975
La loi du 10 juillet permet aux immigrés d’être élus comme représentants des salariés dans l’entreprise.
1977
Mise en place d’une aide au retour volontaire : une prime de retour de 10 000 francs (le « million Stoléru »).
1978
Mise en place d’un mécanisme de retours organisés et forcés d’une partie de la main d’œuvre étrangère installée jusque-là régulièrement, et parfois depuis longtemps en France. L’objectif affiché est le retour de 500 000 étrangers. Les États du Maghreb sont particulièrement visés par ces mesures étalées sur 5 ans, notamment l’Algérie.
10 janvier 1980
Promulgation de la loi 80-9 (dite Loi Bonnet) relative à la prévention de l’immigration clandestine et portant modification de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers : Elle rend plus strictes les conditions d’entrée sur le territoire ; elle fait de l’entrée ou du séjour irréguliers un motif d’expulsion au même titre que la menace pour l’ordre public ; elle permet donc d’éloigner du territoire les « clandestins » ou ceux dont le titre de séjour n’a pas été renouvelé ; enfin, elle prévoit la reconduite de l’étranger expulsé à la frontière et sa détention dans un établissement pénitentiaire pendant un délai pouvant aller jusqu’à sept jours s’il n’est pas en mesure de quitter immédiatement le territoire.
2-11 avril 1980
Le 2, début d’une grève de la faim illimitée à Lyon (Rhône) par un pasteur protestant, un prêtre catholique et un immigré algérien en sursis d’expulsion pour protester contre les expulsions de travailleurs immigrés et particulièrement les jeunes de la seconde génération.
29 avril 1980
Annonce par M. Christian Bonnet, ministre de l’Intérieur, de la suspension pour trois mois des expulsions de jeunes immigrés, sauf en cas de délits graves. Le 30, fin de la grève de la faim.
10 mai 1980
Marche nationale à Paris, à l’appel d’une dizaine d’organisations de soutien aux travailleurs étrangers en France, du PS, du PSU, de la CFDT, de la LCR et de la Ligue des Droits de l’Homme pour protester contre le projet de loi Stoléru concernant le renouvellement des cartes de séjour et de travail, contre le projet d’Ornano codifiant l’accès aux foyers collectifs, et contre les limitations à l’inscription des étudiants étrangers dans les universités françaises.
7 juin 1980
Manifestations à Paris, Strasbourg, Bordeaux, Marseille contre la politique d’immigration du gouvernement, à l’appel de soixante dix associations anti-racistes, religieuses et familiales, de la CGT, la CFDT, la FEN, le PCF et du PSU.
14 – 15 octobre 1980
Le 14, M. Lionel Stoléru, secrétaire d’État auprès du ministre du Travail et de la Participation (Travailleurs manuels et immigrés) affirme, à Metz (Moselle), qu’ »il n’est plus questions d’accueillir un seul étranger en France » ; le 15, condamnation des propos de M. Stoléru par les syndicats CGT et CFDT et par la Fédération des associations de solidarité avec les travailleurs immigrés (FASTI).
30 novembre – 2 décembre 1980
Voyage au Sénégal de M. Lionel Stoléru, secrétaire d’État aux Travailleurs manuels et immigrés ; le 1er, entretiens avec MM. Abdou Diouf, Premier ministre sénégalais et Moustapha Niasse, ministre des Affaires étrangères sénégalais ; le 2, signature d’un accord sur la formation en vue du retour des travailleurs sénégalais immigrés en France.
10 mai 1981
Élection de François Mitterrand à la Présidence de la République
Qu’en est-il ? À la lecture de ce texte issu d’un site gouvernemental, on voit bien qu’il y a de la marge entre les mots et les actes car l’immigration n’a jamais été arrêtée autrement que sur papier.
Néanmoins, la version officielle confirme donc bien l’existence d’un projet, daté de 1978, de remigration de 500.000 immigrés essentiellement originaires du Maghreb.
Finalement, confronté à l’opposition de son premier ministre Raymond Barre, de Simone Veil, de la plupart des membres du gouvernement et du Conseil d’État, Valéry Giscard d’Estaing mettra un terme à son projet en janvier 1980. L’année suivante, la gauche arrivera au pouvoir en prenant l’exact contre-pied de la politique précédente : 130 000 étrangers seront régularisés et l’aide au retour sera supprimée.
En conclusion, Simone Veil a contribué d’une part à vider les berceaux français en légalisant l’avortement et d’autre part à empêcher un plan de rémigration, œuvrant tout au contraire à ce que la France accueille plus d’immigrés.