Egalité et Réconciliation
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Révisons avec Vincent Reynouard – Leçon #1

Vincent Reynouard ayant été chassé de Rivarol à la demande de bigots sans-cœur, nous l’accueillons dans nos colonnes.

Chaque quinzaine, il nous livrera un épisode d’histoire de son cru.

C’est ça, l’esprit chrétien des origines.

La Rédaction d’E&R

 


 

Pourquoi Hitler a-t-il ouvert des camps de concentration ?

Hitler est accusé d’avoir instauré une dictature. Le symbole de cette dictature est le camp de concentration. À peine arrivés au pouvoir, les nationaux-socialistes y auraient interné les opposants politiques. L’histoire vraie est cependant bien différente.

 

1930 : un peuple allemand très divisé

À l’aube des années 30, le peuple Allemand était très divisé. Dans ses vœux du 1er janvier 1931, le président Hindenburg regretta que son espoir « de voir l’esprit d’union se consolider dans le peuple allemand, pour permettre un rassemblement de toutes les activités, ne [se soit] pas réalisé ». Commentant ces propos, un journaliste du Hamburger Fremdenblatt souligna : « Le Président a mis le doigt sur la plaie la plus grave au corps du Reich allemand. » Le constat était juste.

Depuis 1919, politiquement, socialement, spirituellement, l’Allemagne était éclatée en multiples courants opposés. Cette division se reflétait dans la vie politique : en 1930, le pays comptait 17 grands partis, et une multitude de petits mouvements. Treize d’entre ces grand partis étaient représentés dans un Reichstag totalement dispersé. Même lorsqu’ils se groupaient pour former une majorité parlementaire, ces partis se disputaient sur des questions importantes, par exemple les problèmes financiers.

Une instabilité gouvernementale chronique en résultait, qui entraînait la chute de nombreux ministères. Les successeurs étaient eux aussi incapables de trouver une majorité stable. D’où les dissolutions répétées d’assemblées, ce qui contribuait à discréditer le parlementarisme.

 

Un pays qui tend naturellement vers l’autoritarisme

En juillet 1930, suite à une nouvelle dissolution du Reichstag, plusieurs responsables politiques appelèrent à sauver la démocratie. Mais les gens y croyaient de moins en moins. La Deutsche Zeitung lança :

L’appel de détresse que M. Joseph Wirth a fait entendre à la dernière séance du Reichstag dissous en vue de sauver la démocratie et le parlementarisme n’a plus d’écho. Il ne laissera pas non plus dans le pays une impression durable. La démocratie et le parlementarisme, ce Reichstag dans les deux années de son action les a discrédités. La tentative vaine faite par l’entourage de Westarp dans le sens de Wirth pour sauver la démocratie ne changera rien au fait que le sentiment d’allégement causé par la disparition de ce parlement prévaut pour une fois sur toutes les autres considérations.

On le voit, la république parlementaire ne fonctionnait plus. Dans ce contexte, les gouvernements recoururent à l’article 48 de la Constitution qui leur permettait d’agir par décrets-lois. Les lois étaient donc promulguées sans vote du parlement. Autrement dit : le pays glissait dans la dictature ; tout le monde le savait et une grand majorité s’y résignait. Le 1er décembre 1930, suite à la publication de nouveaux décrets-lois, un quotidien de gauche, la Welt am Montag, écrivit : « Toute dictature est un mal inappréciable. Mais si l’on n’a que le choix entre l’article 48 du Dr Brüning et le fascisme de Hitler, aucune hésitation n’est permise, même au républicain le plus à gauche. » Dans le Vorwärts, un socialiste, M. Breitscheid, admit :

Si nous avions le choix entre la « dictature » de Brüning et le retour au parlementarisme véritable, le vote du Parti socialiste ne pourrait être douteux une minute. Mais nous n’avons pas le choix, parce que ceux-là mêmes qui se plaignent le plus énergiquement de ce que l’on ait abandonné les principes de la démocratie, s’efforcent de saboter le travail du Parlement, et qu’il y a grand danger que, si l’on essaie de rétablir le parlementarisme dans son intégrité, cette tentative n’aboutisse à la pire violation de la Constitution, à l’institution d’une dictature caractérisée et à l’élimination du Reichstag. À vrai dire, le dilemme devant lequel nous sommes placés est pénible.

C’est clair : la république de Weimar se trouvait dans un coma profond, voire dépassé. Pourquoi ? Parce qu’elle s’était révélée impuissante à sortir le pays du marasme. Arrivé à ce stade, le sauvetage de l’Allemagne nécessitait un pouvoir fort ; d’où le fait que la majorité acceptait l’idée d’une « dictature ». La dispute portait sur sa nature : certains refusaient qu’elle fût nationale-socialiste. Le 2 février 1931, la Deutsche Allgemeine Zeitung écrivit :

Le relèvement de l’Allemagne ne peut venir que d’un gouvernement résolu à se placer au-dessus des difficultés et des objections qui se dressent devant toute action politique énergique, devant toute réforme sincère, devant toute décision de rebrousser chemin lorsque la voie suivie a été reconnue funeste.

Quatre mois plus tard, le gouvernement refusa de convoquer le Reichstag pour discuter des nouveaux décrets-lois. L’antiparlementarisme se renforçait donc. Tout cela dans une atmosphère de crise grandissante. Car au-delà des baisses conjoncturelles ou dues à des réformes ponctuelles, le chômage poursuivait son ascension : tombé à 2,6 millions en mai 1930, le 31 août 1931, il dépassait les 4 millions. Fin 1931, après la publication de nouveaux décrets-lois l’Acht Uhr Abenblatt se lamenta :

C’est un amer cadeau de Noël qui est fait là au peuple allemand. On ne donne à personne. On prend à tout le monde. En soi, cela ne serait pas nécessairement un mal, si les citoyens recevaient en même temps un titre promettant une amélioration pour l’avenir. Mais ce qui semble le pire, c’est que, comme le gouvernement le fait annoncer, on va épuiser les dernières réserves sans que l’on puisse se faire une idée de ce qui se produira ensuite.

Voilà pourquoi l’Allemagne se dirigeait tout droit vers une forme de gouvernement antiparlementaire. C’était si évident que le 15 juin 1931, un éditorialiste de la Deutsche Allgemeine Zeitung demanda juste une période de transition : « Ce que nous voulons est peut-être la dernière tentative pour empêcher que l’Allemagne ne passe sans transition à cette nouvelle forme de gouvernement. » Les clairvoyants considéraient donc l’arrivée de la dictature comme inéluctable. Début 1932, la crise se renforçant, la démocratie recueillait de moins en moins de suffrages. Alors que Hitler lançait un message à ses troupes, la Hamburger Fremdenblatt nota :

Il n’est plus possible de remédier à la crise intérieure du peuple allemand par des élections. Le caractère critique de l’heure présente semble plutôt inviter à renoncer momentanément aux conceptions purement techniques de la démocratie et à se contenter de satisfaire uniquement aux besoins matériels de gouvernement, en tendant toutes les bonnes volontés, et en tenant compte des considérations psychologiques.

Les 13 et 14 septembre, annonçant une nouvelle dissolution du Reichstag, la presse française parla de la « dictature en Allemagne ». L’Intransigeant titra : « L’Allemagne en pleine dictature » avant d’ajouter : « La république allemande, malade, subit son sort sans réagir ». Deux jours plus tard, cette même presse annonça : « La succession de la république allemande est ouverte ». Le régime de Weimar était donc bien moribond.

Un nouveau Reichstag ayant été élu, dans un discours à Dresde, le chancelier von Papen lança : « Nous voulons écarter le parlementarisme tel qu’il a été imité de la démocratie occidentale. » On ne pouvait être plus clair… Joignant le geste à la parole, le 10 décembre, le Reichstag se mit en sommeil pour une durée indéterminée. C’en était fini du parlementarisme. Début janvier 1933, interrogé par le quotidien L’Intransigeant, l’un des pères de la république de Weimar, M. Scheidemann, concéda : « La démocratie doit être apprise quand on n’y est pas habitué. Il est certain que l’Allemand, par sa nature, n’est pas porté vers le régime démocratique […] Quatorze ans n’ont pas suffi pour lui en faire prendre l’habitude. » Venu d’un des pères fondateurs de la république allemande, ce constat d’échec était terrible. Le 20 janvier 1933, les doyens du Reichstag réunis décidèrent que l’Assemblée resterait en sommeil jusqu’au 31 janvier. En guise de commentaire, l’éditorialiste de L’Intransigeant expliqua :

Osons le dire, l’Allemagne n’est pas républicaine. Les hitlériens sont antiparlementaires, les partisans de Hugenberg sont antiparlementaires. Quant aux députés du centre, ils voudraient bien revenir au vieux Reichstag d’avant-guerre, et accepteront quand on voudra une monarchie constitutionnelle. Restent les socialistes […] Les socialistes allemands accepteraient la dictature comme ils ont accepté la guerre. Et il semble certain que leur pays marche vers un gouvernement autoritaire et militaire.

En résumé : Hitler arriva au pouvoir alors que la république parlementaire était déjà morte… Cette vérité, il faut s’en souvenir si l’on veut juger objectivement son action.

(À suivre)

 

Réflexions de Vincent Reynouard

 






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