Redevenus des « amis », Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine préfèrent survoler les sujets qui les divisent en Syrie. Lors de leur première rencontre à Moscou depuis un an et demi, les deux leaders russe et turc n’ont fait aucune mention publique de leurs divergences sur le terrain syrien, se contentant de faire preuve d’un « optimisme prudent » quant au respect du cessez-le-feu.
« La situation reste difficile, il reste beaucoup de facteurs d’incertitude, beaucoup de contradictions », a déclaré le chef du Kremlin. L’avant-veille, les forces turques et leurs alliés de l’Armée syrienne libre – opposés à Damas – se sont affrontés avec les forces syriennes, elles-mêmes soutenues militairement par Moscou. L’incident s’est déroulé à Manbij, un gros bourg situé au nord-est d’Alep, où se joue désormais le sort de la coopération militaire.
Cette ville est aujourd’hui contrôlée par les rebelles kurdes du PYD qui avaient repris la ville l’an dernier à l’État islamique. Mais elle est également convoitée par la Turquie, qui refuse catégoriquement que ses ennemis kurdes puissent agrandir et homogénéiser leur territoire sur son flanc sud. Après avoir récemment libéré al-Bab, à l’Ouest, « notre principale cible en Syrie est Manbij, qui appartient aux Arabes », avait prévenu Recep Tayyip Erdogan, sous-entendant que les Kurdes devaient impérativement la quitter. Le chef de l’État assimile le PYD et ses milices à des « terroristes ».
- Poutine accueillant Erdogan au Kremlin vendredi 10 mars 2017
Zone tampon
Cette attitude va-t-en-guerre inquiète Moscou, qui voit dans les Kurdes ses alliés, même s’il n’encourage pas ouvertement leur entreprise séparatiste. Dans l’espoir de décourager les avancées militaires d’Erdogan, la Russie s’était faite, le 3 mars, l’architecte d’un accord qui a abouti au transfert, par le PYD, d’une vingtaine de villages proches de Manbij, aux mains des forces régulières syriennes. De son côté, Washington a aussi déployé ses propres blindés à Manbij, histoire de dissuader Ankara.
Ce projet de constitution d’une zone tampon, destinée à isoler les belligérants sous parapluie russe, a donc connu un sérieux accroc, jeudi 9 février au matin, lorsque des accrochages ont opposé dans ces mêmes villages, les forces turques et syriennes.