Ah, Bougnoulie ! Pays de mes meilleurs rêves… brisés et contrée de mes pires cauchemars… matérialisés. Comment ne pas échapper à ton magnétisme maléfique que tu exerces sur moi depuis que je suis né ? Comme un trou noir tapi dans l’espace intersidéral, tu m’as attiré dans ton vortex central dans lequel je tournoie sans espoir de m’y échapper.
Quand je regarde mon passeport, la couleur de sa couverture me rappelle que je suis un Bougnoule, ma photo d’identité me rappelle que je suis un Bougnoule et mon état civil me rappelle que je suis un Bougnoule. D’ailleurs mon diminutif est « Bouboune ». Laissez-moi vous présenter mon cher pays, la Bougnoulie.
Sur le plan géographique, la Bougnoulie ne se situe pas dans un continent spécifique. Elle peut se situer dans l’hémisphère nord ou l’hémisphère sud, sa superficie peut aller de quelques milliers à quelques millions de kilomètres carrés. La Bougnoulie peut être côtière, désertique ou avoir une forêt luxuriante.
Sur le plan des ressources naturelles, elle peut indifféremment être pauvre et dépourvue de toute richesse naturelle ou au contraire être riche de minerais, de pétrole, de gaz, de café, de cacao, de bananes, d’oliviers, de bétail divers et varié allant du mouton au dromadaire, etc. Là n’est pas le problème, car sa géographie est l’œuvre du Bon Dieu et ne peut donc souffrir de lacune ou de vice caché.
Sur le plan démographique et comme son nom l’indique, la Bougnoulie est peuplée de Bougnoules. Ce peuple n’a pas de caractéristiques physiques propres à lui : sa peau peut être blanche, jaune, bronzée de type mauresque, rouge ou noire. Le Bougnoule peut aussi être grand ou petit, gros ou mince, flasque ou musclé. En résumé, le Bougnoule ne présente pas de défaut sur le plan physique car c’est aussi l’œuvre du Bon Dieu.
C’est plutôt sur le plan du comportement que le Bougnoule se différencie de l’Homme civilisé et moderne comme nous le concevons dans notre idéal. N’ayant cure du civisme, le Bougnoule a développé une éthique comportementale de substitution : le Bougnoulisme. Par opposition à l’Homme civilisé, le Bougnoule bougnoulisé est le plus souvent impoli et manque cruellement d’éducation. Un manque qu’il s’acharne à transmettre à ses enfants en leur donnant l’exemple dans tout ce qu’un être normal ne devrait pas faire. Il gueule au lieu de parler, il impose son avis au lieu de discuter, il frappe avant d’écouter et il s’ingénie à demeurer borné et à ne pas accepter l’avis des autres Bougnoules.
Durant ses études, il fait le minimum et essaie, quand c’est possible, de tricher. Armé d’un diplôme qui ne vaut rien car en Bougnoulie les diplômes s‘achètent, il pourrit pendant des années en tant que chômeur. Si le Bougnoule a un piston et arrive à décrocher un travail, il fait encore moins que pendant ses études et use de toutes les ruses pour « booster » sa carrière quitte à monter sur le dos de ses collègues. Quand le Bougnoule est fonctionnaire, il est presque payé à se tourner les pouces et n’est jamais au service du citoyen Bougnoule comme lui.
Si on se penche sur le comportement du Bougnoule dans le quotidien, nous remarquons qu’il se caractérise par son égoïsme, son arrivisme et le manque total du sens de l’intérêt général chez lui. Il conduit sa voiture comme un gladiateur conduirait son char : il grille le feu rouge, refuse la priorité, multiplie les queues de poisson, use du klaxon d’une manière hystérique, enrhume les radars, double par la droite, insulte les autres Bougnoules au volant et leur fait des gestes obscènes. Si par malheur il se fait arrêter par un policier Bougnoule, il lui glisse illico presto un billet dans la carte grise et reprend sa partie de rodéo.
Dans un autre registre comportemental, le Bougnoule ne fait jamais la queue et n’attend jamais son tour. Il adore court-circuiter tout ce qui est d’usage pour se targuer du fait qu’il est plus rusé que les autres Bougnoules. De plus, le Bougnoule n’a pas de respect pour ses voisins et vivre en communauté avec lui est un calvaire sauf pour les Bougnoules comme lui. Pour ce qui est des services payants, le Bougnoule essaie toujours de trouver un moyen pour ne pas payer : ce qui est normal pour lui c’est de resquiller dans le bus ou dans le train et de pirater les chaînes télévisées au lieu de souscrire un abonnement en bonne et due forme.
En outre, le Bougnoule se croit tout permis et drague les Bougnoulettes avec peu de tact et beaucoup de goujaterie. Quand il est jeune, il considère la Bougnoulette comme un trophée de chasse et multiplie les conquêtes sans lendemain et une fois qu’il se marie il devient le plus jaloux des maris Bougnoules frôlant même la psychopathie.
Enfin, le Bougnoule est très excessif dans tout ce qu’il entreprend : s’il boit de l’alcool c’est jusqu’à en vomir, s’il mange c’est jusqu’à en chier, s’il baise c’est jusqu’à en attraper la syphilis, s’il prie c’est jusqu’à en emmerder les autres avec sa piété ostentatoire, s’il mendie c’est jusqu’à en perdre tout amour-propre et s’il s’enrichit c’est jusqu’à en arriver à vouloir acheter la Tour Eiffel.
Dans le domaine économique, plusieurs traits caractérisent la Bougnoulie. Primo, ce pays ne fabrique aucun produit à fort contenu technologique et n’invente rien. Généralement, les usines bougnoules fabriquent des biscuits, des yaourts, du papier hygiénique, des textiles, etc. Quelques unes fabriquent des produits sous licence mais toujours en copiant ce qui a été déjà inventé et fabriqué ailleurs.
Secundo, quand la Bougnoulie est riche de ses ressources naturelles comme le pétrole par exemple, on n’y fabrique alors rien du tout et on se contente de tout importer. On n’y travaille même pas puisque les Bougnoules riches font venir des Bougnoules pauvres d’autres Bougnoulies pour faire le sale boulot. Les Bougnoules riches passent alors leur temps à déambuler dans des centres commerciaux et à claquer leur argent dans de grosses voitures allemandes, des bijoux, des montres suisses et des yachts.
Tertio, l’économie de la Bougnoulie est très souvent gangrenée par une corruption généralisée où les pots de vin et autres dessous de table circulent à tous les niveaux de la pyramide hiérarchique. La concurrence déloyale y fait fureur et le népotisme tue dans l’œuf toute tentative de réussite individuelle en dehors du cercle restreint des grands caïds qui tiennent les rennes de l’activité économique.
Quarto, les banques bougnoules ne sont pas du tout fiables et octroient les crédits à la tête du client. Il arrive très souvent qu’elles participent activement à des opérations de blanchiment d’argent sale. De mèche avec la Banque Centrale bougnoule, celles-ci contribuent à l’appauvrissement de la Bougnoulie en autorisant des transferts de devises vers l’extérieur pour permettre aux potentats bougnoules de faire des affaires juteuses dans les pays industrialisés.
Quinto, le fisc bougnoule ne joue absolument pas son rôle de renfloueur des caisses de l’Etat en ponctionnant d’une manière juste et modérée tous les acteurs de l’Economie qu’ils soient sociétés ou personnes. En Bougnoulie, le fisc est une épée de Damoclès au-dessus de la tête de tout Bougnoule récalcitrant ce qui incite les Bougnoules à ne pas trop investir ralentissant ainsi l’activité économique et favorisant un chômage déjà galopant.
Sexto, les ménages bougnoules sont surendettés et continuellement poussés à la consommation car aguichés par des publicités sans fin à la télévision et sur les panneaux publicitaires qui trônent sur les bords des routes.
Pour ce qui est du registre ayant trait à la culture et au divertissement, la Bougnoulie se caractérise par un vide intersidéral. Les cinémas y périclitent à cause du téléchargement massif et aveugle sur internet et le théâtre y est muselé et souvent trop compliqué pour être compris d’un public bougnoule très limité intellectuellement parlant. Les auteurs bougnoules ont arrêté d’écrire des livres depuis fort longtemps faute de clients car incultes et ne lisant pas plus que l’horoscope et les journaux bougnoules sont uniformes avec la même une, les mêmes articles et la même politique de léchage de bottes et d’autocensure.
Pour se divertir, les Bougnoules arpentent les festivals estivaux et sont prêts à danser même sur une musique de fanfare. Quand on les voit se déhancher sourire aux lèvres, on se dit qu’il ne faut pas se fouler les neurones pour divertir un public bougnoule. Quant à la télévision bougnoule, elle ne produit que des stupidités et des émissions superficielles et pour le reste elle achète des feuilletons à l’eau de rose doublés en langue bougnoule qui ne correspond pas du tout aux mouvements des lèvres des vrais acteurs.
Côté sport, les Bougnoules adorent le football même si le niveau de leur championnat est à en gerber : les joueurs sont mauvais, les arbitres sont achetés et les présidents de clubs sont pratiquement tous des hommes d’affaires pourris jusqu’à la moelle. Les supporters bougnoules ne ratent pas une occasion pour déverser des flots de mots grossiers et d’insultes et finissent souvent par envahir le terrain ou se bastonner à peine sortis du stade.
La société bougnoule, de son côté, est généralement liberticide. Elle vit depuis des siècles dans un carcan soit religieux soit de coutumes d’un autre âge soit les deux combinées. Chez les Bougnoules, on n’est pas très large d’esprit et on n’aime pas celui qui dénote et qui sort de la norme. Le Bougnoule adore imposer ses convictions aux autres et ne rate pas une occasion pour dénoncer le racisme contre les Bougnoules alors qu’au fond il est lui-même profondément raciste.
Souvent, le Bougnoule est très fier de ce qu’il est, de sa religion, de son niveau culturel et intellectuel, de son pays qu’il trouve le plus beau de la Planète et de son Histoire. Ce qui est frappant est que même si le Bougnoule est conscient de la décadence dans laquelle végète sa Bougnoulie, il trouvera toujours le moyen de dire que son pays a vécu un passé glorieux et qu’il a rayonné pendant des siècles sur l’Humanité toute entière. En outre, si la Bougnoulie est peuplée de plusieurs ethnies, ces dernières trouvent plus simple de se faire la guerre et de s’entretuer que de s’entendre et de vivre en paix. Le but étant de s’imposer en tant qu’ethnie supérieure à toutes les autres et de pomper ainsi toutes les richesses disponibles.
La cerise sur le gâteau est l’arène politique bougnoule. En Bougnoulie, la dictature est de mise qu’elle soit l’œuvre d’un tyran ou d’une junte militaire. Président, monarque ou généralissime, l’homme fort bougnoule a souvent les cheveux teints et est issu de la filière militaire. Sa légitimité vient d’un passé de résistant souvent fabriqué, d’une descendance royale ou d’un coup d’état. Il gouverne en potentat absolu et confond l’argent public avec ses deniers propres.
Entouré d’une meute de lèche-culs et de courtisans qui ne pensent qu’à s’enrichir et vider les caisses de l’Etat, il devient au bout de quelques années autiste et complètement déconnecté de la réalité que vit son peuple. S’il n’est pas roi, il joue les apprentis-sorciers avec la pseudo-constitution bougnoule qui n’est respectée de personne afin de rester à vie cloué à son poste et se faire succéder ensuite par un membre de sa famille proche. Selon le cas, son Excellence Bougnoule Suprême s’appuie sur une armée aux ordres ou une police pourrie pour assoir son autorité et museler toute voix discordante.
Dans le cas d’une Bougnoulie policière, le Ministère de l’Intérieur devient le point névralgique du pouvoir : il héberge pêle-mêle police politique, renseignements généraux, organe de surveillance et de censure d’internet, police anti-émeute, maréchaussée, etc. Les agents sont dans leur majorité dénués de toute humanité et c’est pour cela qu’on les recrute. Ils font du zèle pour racketter, frapper, arrêter sans discernement, torturer, faire avouer à quiconque n’importe quel crime et accessoirement servir le citoyen bougnoule quand il sait allonger le billet qu’il faut.
Dans tous les cas, le Bougnoule Suprême est à la botte d’une puissance étrangère qui l’a aidé à prendre le pouvoir et devient son toutou adoré prêt à tout faire pour se faire bien voir et pérenniser ainsi son règne. En Bougnoulie, les Ministres sont des fantoches corrompus à leur tour et souvent nommés et débarqués par la Première Dame bougnoule. Il arrive que les Bougnoules en aient ras-le-bol et se soulèvent. Très vite les sbires du régime entrent alors en action et tirent sur la foule à balles réelles. Beaucoup tombent alors comme des mouches mais finissent par faire fuir leur tortionnaire en chef. Malheureusement, les Bougnoules profitent rarement de cette occasion unique pour sortir leur Bougnoulie du bougnoulisme et se mettre dans le sillage des nations développées, paisibles et civilisées.
En fait, dès que le champ de liberté du Bougnoule s’élargit d’un coup, ce dernier est frappé d’une hystérie faite de chaos et de gabegie et commence à faire n’importe quoi tout en ne perdant jamais de vue son intérêt propre. Il ne travaille plus, il ne respecte plus rien et se croit tout permis. Pendant ce temps, des partis opprimés et interdits de se manifester à l’époque de l’absolutisme du Bougnoule Suprême débarqué, sortent de l’ombre et entament une propagande tous azimuts pour rallier à leur cause le plus de Bougnoules en vue d’élections anticipées.
De son côté, la police déserte les rues et laisse des Bougnoules malfrats terroriser les gentils Bougnoules qui ne demandent qu’à vivre. Dans d’autres Bougnoulies, le Bougnoule Suprême qu’on veut virer s’acharne à rester et décime sans aucun remord tout son peuple bougnoule utilisant toutes sortes d’armes et de bombes. Enfin, les révolutions dans certaines Bougnoulies se font mater par la police d’une Bougnoulie plus puissante craignant une contagion chez elle.
Voilà donc une petite étude sur les Bougnoulies à travers le Monde en espérant avoir été clair dans mes explications. Cela étant dit, je n’oublie pas que je suis moi-même un Bougnoule et que mon destin est fait de telle sorte que je le resterai toute ma vie.