Alors que la sixième édition du Marrakech du rire s’est terminée dimanche 5 juin, Jamel Debbouze revient sur ce festival, sur le rôle de « haut-parleur » des humoristes en ces temps de peur, mais aussi sur ses projets et la polémique liée à ses déclarations sur la composition de l’équipe de France de football.
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Le gala de clôture s’est terminé cette année sur un sketch parodiant le film Retour vers le futur, et imaginant un monde où « il n’y a plus d’Arabes ». Pourquoi ce choix ?
Il s’est quasiment imposé à nous. On essaie de lier l’humour à l’utile. Les Arabes aujourd’hui, c’est un vrai sujet ! Puisque tout le monde en parle de travers, nous avions envie d’en parler en allant droit au but !
Lors de ce gala de clôture, pour la première fois, des drapeaux français et marocains étaient posés sur chaque siège afin que les spectateurs les agitent au début du spectacle, comme cela peut se faire dans les stades. Pourquoi ?
Pour appuyer encore davantage sur le fait qu’on est ensemble, et qu’on ne peut pas faire autrement. Nous, les humoristes, avons un haut-parleur à notre disposition. Essayons de l’utiliser à bon escient, en disant : ne nous faisons pas avoir par ce mauvais marketing, par cette peur outrancière qu’on essaie de nous vendre. Évidemment, tout est flippant. On peut mourir de tout : d’un cancer, d’une grippe, d’une noyade dans la Seine ou d’un acte terroriste. En attendant, vivons de toutes nos forces.
Vous voulez dire : « Arrêtons de chercher un bouc émissaire » ?
Cela fait quinze ans qu’on a ce sentiment. Depuis le 11 septembre 2001, j’ai vu nos rapports s’affaisser, et ressenti le besoin de rassurer. Ce qui me fait le plus mal, et me vexe le plus, est qu’on soit encore et encore obligé de montrer patte blanche. Mais notre patte est marron ! Regardez Houda Benyamina, la réalisatrice qui a remporté la Caméra d’or à Cannes avec son film Divines. Je la connais depuis trois ans, je la trouve incroyable. Sa petite sœur vient d’être admise au Conservatoire national d’art dramatique : c’était une victoire, une fête. Cela m’a touché. Pourquoi c’est si exceptionnel ? Pourquoi faut-il toujours qu’on en fasse quinze fois plus que les autres pour entrer dans les grandes écoles, pour accéder à l’élite ?
« La bienveillance existe, mais on préfère flipper, donner la parole aux extrêmes. « Jean-Marine Le Pen » a une tribune quand elle veut. Alors, évidemment, cela fait peur. »
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Vous militez depuis longtemps en faveur du développement d’ateliers d’improvisation théâtral dans les établissements scolaires. François Hollande est venu par deux fois vous soutenir, à Trappes et lors du trophée national en 2014. Qu’est-ce que cela a changé ?
Rien. Absolument rien. J’ai même eu le sentiment, à un moment, de me faire manipuler. Mais les choses vont bouger, le ministère de l’Éducation nationale me l’a garanti. J’ai envie d’y croire, parce que je crois encore à la politique, à son rôle. Mais si rien ne se passe, je vais sérieusement déchanter.
Votre parole a du poids, on l’a vu ces derniers jours avec les réactions suscitées par vos déclarations dans France Football sur l’absence de Benzema et Ben Arfa dans l’équipe de France pour l’Euro. Comment l’avez-vous vécu ?
Mal. J’ai été triste de voir les proportions que cela a pris. La vérité est qu’il s’agit d’un malheureux concours de circonstances. J’ai fait une interview au mauvais moment, davantage pour rendre service à un ami de France Football que par envie de m’exprimer. Mais je n’ai pas l’habitude d’esquiver les questions. Quand le gamin de France Football m’a interrogé, j’ai répondu spontanément, sans me soucier du moment où je le faisais. Je n’aurais jamais pensé que Cantona et Benzema fassent une sortie, je me suis retrouvé au milieu dans un mauvais timing. Mais je ne cherche pas d’excuses, j’assume.