Egalité et Réconciliation
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Grève générale en Espagne : "La précarité est devenue la norme"

* La grève à l’espagnole, par Julien D.

Je suis actuellement étudiant à l’université polytechnique de Madrid. Dans la cité universitaire, les affiches sauvages, les autocollants et les tags ont fait leurs apparitions sur les murs depuis une bonne semaine. Des prospectus jonchent le sol un peu partout. Cependant dans ma fac, la grève n’a pas l’air de susciter beaucoup de débats. Si je m’en tiens aux paroles de mon professeur, j’ai cours normalement demain matin. Je pense néanmoins que j’assisterai à la manifestation. D’abord par curiosité mais aussi et surtout parce que la réforme proposée par un gouvernement "socialiste" est inacceptable pour une société qui, bien plus qu’en France, souffre de la crise et du chômage !

* "Maintenant le débat sur la retraite à 62 ans en France me fait bien rigoler", par Colin Poutiers

Je vis et travaille à Barcelone depuis mainteant cinq ans. Ayant grandi en région parisienne, je suis assez habitué aux grèves et autres manifestations sans me sentir vraiment impliqué. En revanche ici, il faut apparement s’attendre au pire. Dur de faire le tri entre les racontars et la vérité, mais cette grève promet d’être beaucoup plus intense, voire violente que les manif-merguez-chansons parisiennes. Tous les magasins du centre-ville ferment en prévision des casseurs, et il est dit que les "jaunes" peuvent être "rappellés à l’ordre" sur le chemin du bureau.

Je me suis renseigné sur les principales revendications et je peux vous dire que maintenant le débat sur la retraite à 62 ans en France me fait bien rigoler. Ici on travaille jusqu’à 65 ans, bientôt 67, 40 heures par semaine et avec bien moins de congés payés. Les licenciements vont être facilités, les retraites gelées, le tout en sachant que le chômage avoisine les 20 %... Donc oui, demain je vais faire grève. Ce pays qui m’a accueilli est socialement à des années-lumière de la France, et j’ai peur que l’écart ne se creuse encore.

* Pour une moblisation massive, par Aina P

Je travaille dans une école de commerce, mais ma situation est identique à celle de plusieurs copains à moi : on travaille avec des limitations. Je bosse comme sous-traitante sans les droits qu’ont mes copains de travail : beaucoup moins de jours feriés, pas syndiquée, moindre salaire (avec le même travail à faire)... et je peux être heureuse ! Parce que en Espagne ils sont des milliers de jeunes qui ne trouvent rien, même si t’as des bonnes études universitaires.

Je ne peux pas participer, parce que je risquerais de perdre une partie de mon salaire et d’avoir une mauvaise réputation (je ne travaille que depuis 3 mois). Par contre je suis pour une mobilisation massive. Si je ne peux pas y aller, au moins qu’il y ait le plus de gens possible.

* "Une simple grippe pourra devenir un motif de licenciement !", par Matthieu Huet

Je prépare le concours pour devenir professeur de français en Espagne. C’est compliqué. Il y a peu de postes, un concours tous les deux ans et un barème favorisant les remplaçants. La situation est encore plus désastreuse dans le privé : smic à 600 euros par mois, semaines de 40 heures, travail au noir omniprésent. Ma compagne, fonctionnaire, s’est fait retirer presque 3 000 euros de salaire annuel, mais elle ne fait même pas grève, même si elle n’approuve en rien ces mesures. Moi, sans travail, sans aide au logement, j’irai dans la manifestation en espérant que les socialo-libéraux arrêtent un peu le désastre. Leurs mesures d’austérité n’ont rien changé et ils démantèlent encore plus le droit des travailleurs. Par exemple, ils sont en train de faciliter le licenciement : une simple grippe pourra devenir un motif valable ! La solidarité ne doit pas seulement être supportée par les fonctionnaire et les bas salaires !

* "La précarité est devenue la norme", par Thierry

Je me joindrai à la grève générale par solidarité avec la personne avec qui je vis. En Espagne, les barrières à l’emploi sont nombreuses. Quand on a déjà la chance d’en trouver un précaire (contrats d’un mois, travail temporaire, etc.) payé moins de 1 000 euros, on saute dessus. Si le président n’est pas bling-bling ici (c’est déjà quelque chose), la précarité est devenue la norme. Il est temps ici aussi de montrer que le peuple vote pour qu’on le représente, pas pour qu’on l’utilise.