L’équipementier télécoms Alcatel-Lucent, qui a subi une lourde perte au deuxième trimestre et a abandonné son objectif de rentabilité pour 2012, a annoncé jeudi la suppression de 5.000 postes dans le monde pour remonter la pente et retrouver la confiance des marchés financiers.
Même si le groupe, qui emploie 76.000 personnes, n’a pas dévoilé quels sites seront touchés, cette annonce est venue allonger la liste des potentielles coupes sociales en France, après les dossiers PSA, Air France ou encore Sanofi.
Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, s’est d’ailleurs déclaré "très préoccupé" par ce projet.
Les difficultés d’Alcatel-Lucent étaient prévisibles. Le groupe avait, en effet, annoncé dès le 17 juillet qu’il avait essuyé une perte au deuxième trimestre et qu’il abandonnait son objectif de rentabilité pour l’année. Il a précisé jeudi que sa perte nette s’était élevée à 254 millions d’euros au deuxième trimestre, contre un bénéfice de 43 millions d’euros au même trimestre de 2011.
Le chiffre d’affaires a chuté de 7,1%, par rapport au deuxième trimestre 2011, tombant à 3,545 milliards d’euros. Il est cependant en hausse de 10,6% par rapport au premier trimestre 2012, a souligné le groupe.
"Au regard du contexte macro-économique qui se détériore et de la concurrence qui règne sur les prix dans de nombreuses régions du monde, et qui pèse sur notre rentabilité, nous devons amorcer une transformation plus ambitieuse" que celle déjà réalisée, a déclaré le directeur général d’Alcatel-Lucent, Ben Verwaayen.
Le groupe a donc décidé de réaliser 750 millions d’euros supplémentaires d’économies, d’ici à fin 2013, avec son Programme Performance, "pour accélérer cette transformation et réduire (ses) coûts de 1,25 milliard d’euros d’ici la fin de l’année prochaine", selon M. Verwaayen.
Le directeur général a assuré à l’AFP qu’il "s’attendait à ce que la seconde moitié de l’année 2012 se présente mieux que la première".
Les investisseurs ont toutefois sanctionné la perte enregistrée au deuxième trimestre. A la Bourse de Paris, l’action Alcatel-Lucent a signé la plus forte chute du CAC 40 (-6,06%, à 0,82 euro).
"Les opérateurs s’attendaient à une mauvaise nouvelle, mais la perte est encore plus forte que prévu. Alcatel est affecté par le ralentissement des investissements de l’ensemble des opérateurs téléphoniques", a commenté Yves Marçais chez Global Equities.
CCE fin août ou début septembre
"Nous ne croyons plus tellement à ces plans qui se sont succédé ces dernières années. On ne voit pas comment l’entreprise peut s’en sortir alors que le ralentissement économique mondial s’accentue", relève l’analyste.
La direction n’a pas souhaité donner plus de détails sur l’impact social pour le groupe, de droit français, que l’on devrait connaître d’ici cinq à six semaines, mais a souligné que ces suppressions d’emplois n’affecteraient pas les capacités de recherche et développement (R&D) du groupe.
Le directeur général a toutefois déclaré que si le secteur des télécoms est un marché mondial, l’entreprise "doit tout de même tenir compte de l’endroit où elle est basée", c’est-à-dire la France.
Le centre de Villarceaux (à Nozay, dans l’Essonne), principal pôle R&D du groupe, "est un gros investissement tant pour Alcatel-Lucent que pour le gouvernement français qui a permis à ce genre d’activité de se développer à cet endroit. Même si nous allons diminuer nos activités dans d’autres zones, la R&D restera une aire de croissance", a-t-il affirmé.
Pour leur part, les syndicats français d’Alcatel-Lucent ont indiqué à l’AFP avoir découvert jeudi ces suppressions de poste et n’avoir "aucune visibilité" à ce stade. Ils s’attendent à ne pas avoir plus d’éléments avant un comité central d’entreprise (CCE) qui pourrait, selon eux, avoir lieu fin août, début septembre.
Pour Stéphane Dubled (CGT), l’impact de ces annonces est difficile à prévoir en France, où le groupe emploie quelque 9.000 salariés, parce que la direction n’a pas "donné de répartition mondiale".
Mais, a-t-il dit, "si l’on se fie aux fois précédentes, ils sont généreux en termes de suppressions d’emplois sur l’Europe".
Selon Hervé Lassalle (CFDT), "on est sûrs que la zone Europe va être touchée". "C’est là que, commercialement, on est moins bien", a-t-il expliqué.
Depuis la fusion du groupe français Alcatel avec l’américain Lucent en 2006, quelque 20.000 postes ont été supprimés, selon le syndicaliste. Il y a eu notamment 12.500 suppressions dans le monde en 2007, 4.000 en 2008, 1.000 en 2009 et de nouvelles suppressions en 2009-2010, a rappelé M. Lassalle, relevant que les effectifs totaux avaient peu diminué malgré cela, en raison de rachats d’activités.