Face au vote sur le Brexit, Donald Tusk, président de la Commission européenne, vient apporter sa pierre à l’édifice de la propagande, quitte à non pas friser le ridicule mais à le heurter de plein fouet, selon Matthieu Buge, chroniqueur pour RT.
Le 23 juin le peuple britannique s’exprimera quant à sa volonté de quitter l’Union européenne ou d’y rester. Les récents sondages sont éloquents : plus de la moitié des citoyens du Royaume-Uni veulent brûler leur carte de membre de l’UE. Certes, les sondages valent ce qu’ils valent et, pour reprendre les mots de Mark Twain, il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les gros mensonges, et les statistiques. Mais cela suffit pour que les ténors de l’UE soient terrorisés. Il faut donc faire passer la machine propagandiste à la vitesse supérieure.
Apocalypse Now
Les tenants de l’Union européenne ont donc sorti tout l’attirail de persuasion politico-psychologique à disposition. En cas de Brexit : plus de chômage, moins de croissance, des traités plus difficiles à négocier, pas de pitié pour les sortants... bref, toute la panoplie à laquelle on pouvait s’attendre. Récemment, David Cameron, fier européiste à la tête du Royaume-Uni depuis 2010, a réagi en bon père Fouettard à un appel des pêcheurs anglais appelant au Brexit : vous aurez à faire face à plus d’impôts les enfants ! Quelques semaines auparavant, les inconditionnels de Bruxelles ont eu recours au stratagème le plus éculé du soft power : faire en sorte que des acteurs, chanteurs, et autres people (282 d’entre eux) signent une appel en faveur du maintien dans l’UE. L’acteur Benedict Cumberbatch – qui fait pourtant revivre le personnage anglo-anglais de Sherlock Holmes – s’exprime en faveur de l’intégration continentale à l’UE ? Il doit avoir raison. La vérité sort de la bouche des stars, c’est bien connu.
Tout cela ne suffisant manifestement pas, il fallait que le sinistre Donald Tusk, le très américanophile président du Conseil européen, vienne sur le devant de la scène pour faire une sortie digne des plus grands jours de la carrière de tragédienne de Sarah Bernhardt : « En tant qu’historien, je crains qu’un Brexit puisse marquer non seulement le début de la destruction de l’UE mais aussi de la civilisation occidentale » C’est trop, pitié ! On craint la syncope.
Mais qu’on se rassure, Tusk ne sera pas victime d’une crise d’apoplexie. Car il joue la comédie à fond, et ce pour plusieurs raisons.
La Grande Illusion
Un point essentiel, dont notre Donald polonais a bien sûr conscience, est qu’un Brexit, même en cas de vote favorable à la sortie de l’UE du Royaume-Uni, est très peu probable. Les dignes technocrates de Bruxelles ont suffisamment fait comprendre aux peuples d’Europe qu’un référendum ne saurait freiner la bonne marche du processus de digestions de leurs pays – puisque comme le dit avec tant d’éloquence Jean-Claude Juncker : « Il ne peut y avoir de choix démocratiques contre les traités européens ». On passera donc outre la volonté du peuple britannique. Et dans la bien peu crédible hypothèse où on ne passerait pas outre, on les regardera en s’amusant tenter de sortir. Car si l’on en croit Jacques Attali au sujet de la rédaction du traité de Maastricht dont il aurait fait partie : « On s’est bien engagé à faire en sorte que sortir ne soit pas possible. On a soigneusement oublié d’écrire l’article qui permet de sortir ». Il faudra sans doute plus qu’un référendum pour faire sauter le verrou.
Il y a en outre, dans les propos du président du Conseil européen quelque chose de tout à fait absurde. Si un Brexit pourrait éventuellement déclencher un processus de délitement de l’Union européenne, on voit mal comment cela pourrait mener à la fin de la civilisation occidentale alors que l’Union européenne, dans sa forme actuelle, est précisément un des outils de la destruction de ladite civilisation. Comme des autres civilisations d’ailleurs. Le projet de grand marché de San Fransisco à Vladivostok n’est rien d’autre. Peter Sutherland le rappelait ouvertement en estimant que la crise migratoire était un excellent outil pour l’Union européenne qui se doit de saper l’homogénéité des nations : l’organisation politique actuelle de l’Europe n’est rien d’autre qu’une stratégie destinée à mettre fin à chacune de ses cultures spécifiques.
Civilisation occidentale ? Quelle civilisation occidentale ?
On pourrait croire que, dans la bouche de Tusk, le concept de « civilisation occidentale » sonne totalement creux, à l’instar de ces « valeurs occidentales » que l’on aime régulièrement à jeter à la face des « barbares ». C’est un peu le cas, Donald Tusk brasse de l’air. Mais la gesticulation est toujours utile en politique et la raison d’être de cette ténébreuse rhétorique n’aura pas échappé pas à grand monde.