Roman Bornstein (qui est juge et partie), de la Fondation Jean-Jaurès, pense avoir démontré dans son étude exhaustive que les principaux meneurs des Gilets jaunes sont par essence d’extrême droite et antisémites. C’est sa vision des choses.
Si l’on admet communément que les Gilets jaunes sont anti-Système, cela veut-il dire que le Système est sioniste et gauchiste ? On vous laisse réfléchir à cette assertion mathématique.
Comment une pétition en ligne et un appel Facebook, semblables à des milliers d’autres, ont-ils pu aboutir en quelques semaines à la constitution du mouvement des "gilets jaunes" ? Que révèle l’analyse des pages Facebook de ses principales figures médiatiques, que sont Maxime Nicolle et Éric Drouet ?
Pour la Fondation Jean-Jaurès, Roman Bornstein s’est plongé dans les groupes Facebook des Gilets jaunes. Un travail qui permet d’éclairer la nature de ce mouvement et l’imaginaire politique de ses principaux meneurs.
Dans cette seconde partie de son analyse, il se penche sur les profils Facebook et les déclarations de deux des principaux leaders : Maxime Nicolle et Éric Drouet. Dans la première, il revenait sur la constitution du mouvement et analysait le rôle des algorithmes de Facebook dans sa constitution.
La note, dont les conclusions politiques appartiennent à la Fondation Jean-Jaurès, a été éditée par la rédaction de l’Obs.
Tous les Gilets jaunes sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres
On a vu et on continue de voir sur tous les plateaux Jacline Mouraud, dont la vidéo Facebook aux 6 millions de vues a contribué à populariser le mouvement. La disponibilité face aux médias de la quinquagénaire a permis de donner un visage à celui-ci. Les chaînes d’information continuent de solliciter ses commentaires et réactions avant et après chaque défilé. En réalité, elle ne représente plus qu’elle-même. Les messages qui mentionnent son nom sur les groupes des Gilets jaunes visent désormais à l’insulter, à dénoncer ses ambitions personnelles, à s’insurger contre sa volonté de calmer les esprits après les violences observées dans les défilés et à critiquer sa mise en avant dans les médias, à présent considérée comme la preuve que ces derniers cherchent à diviser et à circonscrire le mouvement.
Sa parole semble ne plus avoir aucune valeur en interne, et il ne faut donc plus lui en accorder en externe. Il en va de même pour l’ensemble des initiateurs de son collectif « Gilets jaunes libres », qui affiche certes l’ambition de présenter une liste aux élections européennes mais qui ne rassemble que 2.444 personnes sur sa page Facebook : un chiffre qui devrait inciter les programmateurs de débats télévisés à reconsidérer le poids réel de la parole de Jacline Mouraud ou de celle de Benjamin Cauchy, autre « Gilet jaune libre » plébiscité par les médias.
Même s’ils disent en refuser l’étiquette et s’ils sont manifestement aidés dans leur tâche par une petite équipe de modérateurs et de conseillers, il est évident qu’il y a désormais deux chefs des Gilets jaunes : Éric Drouet et Maxime Nicolle, alias Fly Rider. Ils enchaînent les médias, administrent les pages Facebook les plus populaires et les plus actives, animent les vidéos Facebook Live les plus suivies, parfois par des centaines de milliers de personnes. Ils donnent les mots d’ordre et nomment les porte-parole autorisés à s’exprimer au nom du mouvement. Chaque semaine, les messages des membres se multiplient à leur intention depuis toute la France pour savoir s’ils donnent la consigne d’aller manifester le samedi suivant, où, quand, comment, avec quel slogan. Ils font la tournée des ronds-points pour remobiliser les troupes et ce sont eux qui, chaque samedi, se chargent de lire face aux caméras des lettres ouvertes au gouvernement.
S’ils préfèrent se définir comme de simples « messagers des revendications du peuple », ils présentent en réalité tous les attributs des leaders 2.0 : débarrassés d’intermédiaires, non élus, jamais officiellement intronisés, mais légitimés par l’audience engendrée par leurs vidéos. À cet égard, leurs appels répétés à ne pas désigner de chefs sonnent de plus en plus comme une volonté d’empêcher un nom qui ne serait pas le leur d’émerger.
D’où Éric Drouet et Maxime Nicolle parlent-ils ?
Alors que se profile l’Acte 9 des Gilets jaunes [cette analyse a été réalisée avant la mobilisation du 12 janvier, NDLR], il est symptomatique que personne ne soit encore en mesure de répondre à cette question avec certitude. À ce jour, aucune enquête journalistique poussée n’a été publiée sur le passé militant et l’univers idéologique de ces deux individus. Dans la précipitation du direct, plateaux télé et stations radio ont ainsi tendu leurs micros à des invités dont ils ne savaient rien. Ce faisant, ils ont exposé la fragilité de tout un système médiatique qui, dépassé par les réseaux sociaux, a collectivement renoncé à jouer son rôle de filtre journalistique et montré la facilité et la rapidité avec laquelle un petit groupe de parfaits inconnus pouvait désormais s’imposer à l’agenda politique national.
Pour en savoir plus sur les deux leaders, il faut donc là encore se rabattre sur leur activité sur Facebook. Premier constat : ils ont effacé leurs publications antérieures au début de la mobilisation. Si l’on ne peut en tirer de conclusion définitive sur leur appartenance idéologique, on remarquera simplement que ce sont rarement les militants de la gauche républicaine qui sont gênés par leurs prises de position passées. Certains journalistes ont eu le temps de passer en revue quelques-unes de ces publications avant qu’elles ne soient effacées.
Éric Drouet, un « factieux en puissance »
Pour ce qui concerne Éric Drouet, ces journalistes ont pu y découvrir un anti-macronisme virulent et des vidéos anti-migrants. Dans ses vidéos Facebook Live, Drouet fait toujours attention à ne pas livrer le fond de sa pensée, se contentant de relayer des messages et de parler de la stratégie du mouvement. Le calme et la sérénité qu’il dégage sont trompeurs : il le dit d’une façon très douce, presque anodine, mais son but affiché est de renverser un gouvernement élu.
Il s’est ainsi mis plusieurs fois à la faute. Le 3 décembre, en relayant l’intox du pacte de Marrakech sur les migrations. Puis le 5 décembre, en déclarant sur BFMTV « si on arrive devant l’Élysée, on rentre dedans ». Le 24 décembre, il s’attire des critiques en partageant un article qui s’en prend aux « racailles » et à « l’immigration de masse », publié à l’origine sur le site de Vincent Lapierre, un journaliste gravitant entre les sphères antisémites d’Alain Soral et de Dieudonné. Ces dérapages-là ont tous été repris et abondamment commentés. Il a tenté de revenir sur certains de ces commentaires, plaidant l’incompréhension ou l’ignorance.
Un autre dérapage d’Éric Drouet, pourtant révélateur, est cependant passé inaperçu. Le 26 novembre, le chauffeur routier organise depuis la cabine de son camion un Facebook Live dans lequel les membres de « La France en colère !!! » qui le souhaitent peuvent intervenir en vidéo pour poser des questions ou débattre de propositions. Sa retransmission dure depuis déjà deux heures quand il prend l’appel d’un certain Stéphane Colin, qu’il ne tentera jamais d’interrompre ni de contredire. [...]
Voici quelques morceaux choisis, des propos tenus par ce Stéphane Colin :
- « Il faut qu’on se retrouve à 2 millions devant France Télévisions et qu’on attaque nos “merdias” »
« C’est pas Macron notre ennemi, Macron n’est qu’un pleutre, un pion, c’est nos banques qu’il faut attaquer »
« C’est ce qu’on appelle la mafia Khazar, ce sont les sionistes. Ce ne sont pas des juifs ni des sémites, ce sont la mafia Khazar, les sionistes qui sont en train de nous entre-tuer »
« Dans le darknet, il est prouvé que nos maîtres avaient prévu ce que vous êtes en train de faire maintenant. Ils savaient qu’au mois de novembre il y aurait une révolution populiste pour faire une guerre civile »
« Le plus marrant dans les “gilets jaunes” : il n’y a pas de mecs des cités. Il n’y a pas de Blacks. J’ai pas vu toute cette fratrie qui vend de la drogue “h24” qui ont été assimilés par cette matrice sociétale. Ils n’en ont rien à foutre »
« Comment même on peut parler d’un homme politique !? C’est un tique un homme politique, il ne sert à rien ! Il sert simplement à servir la cause de la mafia Khazar, les sionistes ! C’est eux qui tiennent le monde moderne depuis 500 ans »
« C’est pas comme ça qu’il faut agir, c’est attaquer nos “merdias”. Ça j’en démords pas. Dans chaque région de France si vous avez un bureau, une antenne d’Antenne 2, de France 2, de TF1, de BFM, il faut les attaquer. Prendre leur matériel. J’ai pas dit de les frapper, hein ! Tu leur mets des menottes comme nous traitent les CRS. Tu les mets dans une pièce, menottes, et tu leur dis “ferme ta gueule” ! »
« On aurait pas dû aller voter, on aurait dû brûler nos bureaux de votes »
[...]
Maxime Nicolle, des codes complotistes
La même ambiguïté sur ses inclinaisons idéologiques est entretenue, avec moins de talent, par Maxime Nicolle. Le jeune Breton se présente lui aussi comme apolitique, simple messager d’un mouvement citoyen. Malgré sa notoriété naissante et sa position officielle visant à nier toute proximité extrémiste, Maxime Nicolle a pourtant régulièrement adopté les codes complotistes que l’on retrouve habituellement dans les cercles militants gravitant autour des sites d’Alain Soral et des vidéos de Dieudonné.
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