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Pierre de Villiers : se servir...

L’ex-chef d’État-Major rejoint un groupe américain de conseil en management...

Ainsi, huit mois après sa fracassante démission du poste de chef d’État-Major des armées (CEMA) – une première dans l’histoire de la Vème République – Pierre de Villiers rejoint le groupe américain Boston Consulting Group (BCG). L’ancien CEMA occupe – s’il vous plaît ! – les fonctions de « Senior Advisor » du géant du conseil en stratégie depuis le 3 avril dernier.

 

Selon un article des Échos publié la semaine dernière, celui qui fut général cinq étoiles et le plus haut responsable de la défense et de la sécurité de la France, apportera désormais au cabinet américain « sa riche expérience en matière d’analyse des situations et des risques, de transformation des organisations et d’efficacité opérationnelle », souligne le BCG dans un communiqué publié jeudi dernier. BCG est un cabinet de conseil en management qui se présente comme le leader mondial du conseil en stratégie d’entreprise. Fondée en 1963, cette structure compte 90 bureaux dans 50 pays, œuvrant essentiellement à la réussite des entreprises américaines !

Après un rappel à l’ordre brutal du président Emmanuel Macron pour avoir vivement contesté, devant une commission parlementaire, le serrage de vis budgétaire imposé aux armées, Pierre de Villiers avait démissionné le 19 juillet 2017 ; un geste sans précédent qui a marqué la première crise ouverte du quinquennat. Collègues de la même promotion de l’IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale), nous avions été parmi les premiers à lui apporter un amical soutien, saluant son panache, son courage et un sens certain de l’honneur.

Toutefois, un grand doute nous avait parcouru à la lecture de son livre Servir, aussitôt publié aux éditions Fayard. Revenant sur les conditions de son départ, il s’y montrait tellement consensuel et respectueux des cercles de pouvoirs, visiblement ne voulant froisser personne, disant les choses sans les dire, en commettant parfois approximations et contresens, notamment sur les grands dossiers de notre politique étrangère. Le doute s’est confirmé en début d’année lors du dîner annuel de notre session de l’IHEDN, lorsque l’ex-général se félicitait ouvertement d’avoir « vendu » plus de… 150 000 exemplaires de son ouvrage. Beau succès de librairie, en effet ! On attend la traduction en anglais…

Par conséquent, si elle ne constitue pas – à proprement parler – une surprise (mauvaise surprise néanmoins), la nouvelle de l’embauche de Pierre de Villiers par le BCG est emblématique – et ce –, à triple titres.

Premièrement : il existe pour ce genre de cas – touchant la défense et la sécurité de notre pays – une commission de déontologie auprès du Premier ministre, censée fixer les lignes rouges du recyclage de nos hauts fonctionnaires dans le privé, notamment pour les militaires haut gradés. Celle-ci n’a que rarement murmuré, notamment lors du passage spectaculaire (du jour au lendemain) de Gérard Errera – ancien secrétaire général du Quai d’Orsay – au « board » de Blackstone, un fonds d’investissements américain pour l’Europe. Gerard Errera est devenu entretemps président de Blackstone-France ! Ne parlons pas de Jean-David Levitte (ancien conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy) ou de François Bujon de l’Estang (ancien ambassadeur de France à Washington), ayant intégré, eux-aussi, sans problème des grands groupes américains. Ensuite, on s’étonnera de l’alignement de la diplomatie française sur les orientations fixées par la Maison-Blanche… de nos pertes de souveraineté et d’indépendance nationale ! Tous ces hauts représentants de l’élite française soit disant au service de l’État feraient bien de lire ou de relire L’Ami américain de l’historien Eric Branca [1].

Deuxièmement : cette nouvelle affaire De Villiers confirme, si besoin était, la toute-puissance de l’argent – l’argent – devenue la seule valeur suprême de notre mondialisation contemporaine ; comme si la « course au fric » était désormais le seul impératif catégorique de toute espèce d’être humain, quelles que soient ses fonctions, sa famille et son éducation. Emmanuel Kant revu et tragiquement corrigé : « Le ciel étoilé au-dessus de moi, la loi de l’argent en moi… » Au-delà de la question du Sujet et de sa responsabilité morale et citoyenne, l’argent-roi s’est imposé comme l’un – sinon le critère – dominant des relations internationales ; comme si la « trumpisation » des esprits – « l’argent d’abord » – était désormais l’unique mode de régulation d’un monde où règne « la guerre de tous contre tous », où tous les coups sont permis, où l’orwellisation générale inverse toutes nos valeurs fondatrices : « La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force ».

Troisièmement : enfin, l’arrivée de l’ex-général au BCG donne non seulement raison rétrospectivement à celles et ceux – au premier rang desquels le Président de la République – qui estimaient qu’il fallait recadrer le CEMA, à la suite de ses manquements répétés au devoir de réserve, mais elle fracasse l’une des notions cardinales que l’on essaie d’enseigner à nos enfants : le sens de l’honneur ! Finalement, et la jeunesse de France l’a déjà compris : tout s’achète et tout se vend, à condition d’y mettre le prix. Quelle tristesse néanmoins de voir ainsi nos plus hautes élites céder à la loi de l’offre et de la demande, comme si aucune, plus aucune parcelle de notre être le plus profond ne pouvait échapper à la fièvre de l’appât du gain…

En trahissant, oui en trahissant – et le mot n’est pas exagéré – nombre de tes amis, proches et autres soutiens, ta décision de vendre ton expertise à un grand groupe américain – mon cher Pierre – est proprement lamentable, car elle piétine Une certaine idée de la France que nous avons cru partager avec toi… Bon vent, comme disent les marins, et surtout, fais de l’argent, beaucoup, beaucoup d’argent…

Notes

[1] Eric Branca : L’Ami américain – Washington contre de Gaulle (1940-1969). Editions Perrin, août 2017.

Voir aussi, sur E&R :

Approfondir le sujet avec Kontre Kulture :

 






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68 Commentaires

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  • #1940369
    Le 10 avril 2018 à 09:09 par Gardénia
    Pierre de Villiers : se servir...

    Excellent ! Comme quoi, l’honneur n’est pas perdu puisqu’il existe encore dans le cœur de certains...
    De toutes façons, avoir servi si longtemps toutes les saloperies du pouvoir (Lybie etc...) n’était pas de très bon augure ! C’était bien avant qu’il fallait démissionner !

     

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  • #1940385
    Le 10 avril 2018 à 10:01 par Adolfo Stalini
    Pierre de Villiers : se servir...

    "l’arrivée de l’ex-général au BCG donne non seulement raison rétrospectivement à celles et ceux" :

    Le "celles et ceux" est de trop. Il ne manque que le "en même temps". Ce genre de tic langagier indique une inféodation au système et plus particulièrement à Macron. Donc, méfiance... "Le diable est dans les détails" comme disent les Anglais ou bien le fameux "sigillum diabolicum" de l’Eglise catholique. Parfois, les méthodes simples fonctionnent mieux que les méthodes complexes pour déceler l’imposture. Personnellement, j’aime bien utiliser la méthode de l’analyse linguistique (le vocabulaire qu’on utilise n’est pas innocent).

     

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  • #1940457
    Le 10 avril 2018 à 12:05 par Palm Beach Post : "Cult !"
    Pierre de Villiers : se servir...

    Je ne connais pas l’historique de ce mec, mais constate que certains parlent de "traître à la nation".

    Le problème, c’est que si la nation NE VEUT PAS de « sa riche expérience en matière d’analyse des situations et des risques, de transformation des organisations et d’efficacité opérationnelle », il fait quoi, il se retire en ermite dans le désert, pour satisfaire les caprices "moraux" des branleurs sur Internet ?

    D’autant qu’on ne sait rien des batailles de Pouvoir, de tous ces conflits opaques à couches multiples, et du sens de leurs superpositions, qui échappe même à la plupart de ceux qui y sont pourtant impliqués.

    Quelqu’un qui a des talents dans des domaines précis doit-il attendre le bon vouloir de la nation ?
    Attendre, attendre... mourir d’attendre, et c’est plié ?

     

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    • #1944736
      Le Avril 2018 à 14:22 par Alderic-dit-le-microbe
      Pierre de Villiers : se servir...

      Un type qui tient ses compétences de la nation, et qui part les mettre au service d’autres nations, ben, oui, c’est un traitre à la nation.
      Vos propos relèvent de l’escroquerie comme le débat sémantique entre "optimisation fiscale" et "mécanisme d’évitement de l’impot".
      Ce type n’est pas non plus à la rue ... est-ce judicieux de nous prendre pour des bulots ?

       
  • #1940563
    Le 10 avril 2018 à 13:57 par Paul
    Pierre de Villiers : se servir...

    Je ferais remarquer que bosser pour la France et bosser pour les USA
    C’est pareil aujourd’hui
    Une trahison aurait été de bosser pour la Russie ou la Chine
    ou l’Iran
    La trahison si il y avait ce serait d’avoir accepté de rester au service d’une nation vendue
    et soumise pendant 40 ans
    Il a juste changé de poste dans l’empire...

     

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  • #1940575
    Le 10 avril 2018 à 14:12 par Montparnasse
    Pierre de Villiers : se servir...

    Beaucoup de nos grands géneraux sont sincères dans la défense de la France tout en étant infeodés consciemment aux USA ( OTAN, presidence de la République ... ) . Ils en sont conscient et s’en accomodent ce qui en dit long sur une possibe revolte par le militaire .

     

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  • #1940616
    Le 10 avril 2018 à 14:47 par DUMAS
    Pierre de Villiers : se servir...

    Bonjour, tous ces généraux rebelles de pacotille dès que la retraite sonne, se couchent vite dès que la hiérarchie hausse le ton à moins qu’ils ne se sentent investi d’une mission à remplir mais pour leur intérêt. De Gaulle à éliminé depuis le putsch de 1961 toute véléité de rébéllion chez les haut gradés.C’est pour cela que le coup de Maurras sera dur à mettre en place et surtout que Marine ne devra rien attendre d’eux.

     

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  • #1940627
    Le 10 avril 2018 à 15:00 par patrice
    Pierre de Villiers : se servir...

    A tous les statèges psychologues de pacotilles : où voyez vous une quelconque stratégie internationale de l’occident otanisé jusqu’à la moelle quand tout tourne autout de la coercition des esprits zombifiés et vérolés par le pognon ?! Je repense au célèbre bouquin de Brezinsky, grand mamamouchi de la coercition par le pognon et la canonière des us-raels, le grand échiquier que l’on devrait renommer : les deux tréteaux et le carton du jeu de bonnetau de l’immonde géopolitique internationale ... les Russes joueurs d’échecs et les Chinois joueurs de go vont enfin donner une bonne leçon de stratégie et de tactique à toute cette côterie de butors et d’imposteurs joueurs de pokers menteurs, car au final nous vivons les derniers moments du règne du mal, la vérité ne saurait tarder à éclater à la face de ces esprIts tordus qui ne sauraient finir dans la fosse séptique de l’Histoire... Les historiens du futur diront de l’ère du matérialisme qu"elle fut un passage obligé, une leçon d’humanité à l’homme qui voulut être dieu ou satan !

     

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  • #1941014
    Le 10 avril 2018 à 21:22 par Georges 4bitbol
    Pierre de Villiers : se servir...

    Ce qui est pénible avec les franc-maçons, c’est la double imposture du nom, pas plus maçons que francs.
    Ça étonne encore quelqu’un ? L’armée est vérolée par la franc-maçonnerie. On ne comprend rien à la Fronce si on méconnaît les méfaits de cette société secrète cloisonnée en grades initiatiques par cérémonie aussi grotesques que cabalistes.

     

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  • #1941408
    Le 11 avril 2018 à 14:00 par Pouet
    Pierre de Villiers : se servir...

    Déchéance de nationalité pour ce personnages et autres traites au pays !

     

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  • #1941650
    Le 11 avril 2018 à 19:04 par Marc
    Pierre de Villiers : se servir...

    Nul doute que Pierre de Villiers, après avoir servi avec brio la Défense Nationale et démissionné avec panache de sa fonction de CEMA, retrouve là sa vraie dimension atlantiste décomplexée et au fond, très ordinaire...

    "La véritable école du commandement est celle de la culture générale. Par elle, la pensée est mise à même de s’exercer avec ordre, de discerner dans les choses l’essentiel de l’accessoire, (...) de s’élever à ce degré où les ensembles apparaissent sans préjudice des nuances. Pas un illustre capitaine qui n’eût le goût et le sentiment du patrimoine et de l’esprit humain. Au fond des victoires d’Alexandre, on retrouve toujours Aristote..."

    Le fil de l’épée, Charles de Gaulle

     

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