Au surlendemain de l’attaque chimique présumée qui a fait des dizaines de morts dans la dernière zone rebelle aux abords de Damas, plusieurs missiles ont frappé une importante base syrienne lundi matin. La Russie et la Syrie accusent l’État hébreu.
Plusieurs missiles vraisemblablement tirés par des avions de chasse israéliens ont frappé une importante base de l’armée de l’air syrienne située entre Homs et Palmyre tôt lundi matin, au surlendemain de l’attaque chimique présumée qui a fait des dizaines de morts dans la dernière zone contrôlée par les rebelles aux abords de Damas. Selon le ministère russe de la Défense, cité par l’agence Interfax, ces frappes ont été conduites entre 3h25 et 3h53 par deux F-15 israéliens opérant depuis l’espace aérien libanais. La même source affirme que cinq des huit missiles téléguidés auraient été interceptés par la défense antiaérienne du régime syrien. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, quatorze personnes, dont plusieurs « combattants étrangers », ont été tuées sur ce site qu’Israël accuse d’héberger un important contingent militaire iranien.
L’État hébreu, bien qu’il ait dans un premier temps choisi de garder le silence, a d’emblée fait figure de principal suspect. Les États-Unis et la France, qui avaient menacé la veille d’engager des représailles après l’attaque chimique imputée à l’armée de Bachar el-Assad, ont en effet démenti être impliquées dans les frappes menées contre la base T-4. Emmanuel Macron et Donald Trump se sont parlé dimanche soir au téléphone, précise un communiqué de l’Élysée, et « ont décidé de coordonner leurs actions et leurs initiatives au sein du Conseil de sécurité de l’ONU qui doit se tenir ce lundi 9 avril à New York, afin de condamner l’emploi répété d’armes chimiques ». « Toutes les responsabilités en la matière, poursuit la présidence française, devront être clairement établies. »
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La mise en cause directe d’Israël par Moscou constitue, à cet égard, un développement nouveau. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a jugé lundi que cette frappe constituait un « développement très dangereux ». Les dirigeants russes, qui interviennent depuis septembre 2015 au secours du régime syrien mais sont en contact étroit avec l’État hébreu, choisissaient jusqu’à présent de détourner le regard chaque fois que celui-ci a jugé nécessaire d’agir militairement. « Le fait que la Russie ait cette fois choisi d’appuyer les accusations du régime syrien alors qu’Israël voulait maintenir une certaine ambiguïté sur ses frappes confirme qu’elle ne pourra pas éternellement éviter de prendre parti », observe l’analyste Ofer Zalzberg. Auteur d’un récent rapport sur l’attitude de l’État hébreu vis-à-vis du conflit syrien, il ajoute : « Pour Moscou, la position d’arbitre au-dessus de la mêlée devient de plus en plus inconfortable à mesure que se renforcent les tensions entre Israël et l’axe Iran-Syrie-Hezbollah. »
Les stratèges israéliens jugent cette évolution d’autant plus préoccupante qu’ils redoutent un retrait prochain des forces spéciales américaines en Syrie. Selon la dixième chaîne de télévision israélienne, Benjamin Netanyahou aurait relayé ces craintes mardi dernier lors d’un entretien téléphonique avec Donald Trump. Mais il aurait échoué à le faire changer d’avis. Pour Ofer Zalzberg, « agir militairement au lendemain de l’attaque chimique imputée au régime syrien est peut-être une façon de mettre en garde l’Administration américaine contre les conséquences d’un éventuel désengagement ».