Avec des combats qui se durcissent, comme on a pu le voir en Afghanistan et au Mali, la préparation opérationnelle des forces appelées à être projetées sur un théâtre extérieur est d’une importance cruciale. L’expérience des militaires ne fait pas tout – et avec les déflations d’effectifs, c’est un capital qui s’amenuise. L’aguerrissement et l’entraînement sont donc nécessaires afin de permettre aux soldats français de garder un avantage tactique sur leurs adversaires.
Or, avec des budgets sans cesse contraints, les crédits vont généralement là où est l’urgence. Et l’entraînement des troupes en pâtit. Pour le moment, l’on ne s’en rend pas forcément compte : les militaires français ont su répondre présent quand il s’est agi d’aller chasser les jihadistes dans l’Adrar des Ifoghas, au Mali, ou encore de s’interposer entre miliciens anti-balaka et combattants de l’ex-Séléka en Centrafrique.
Mais, lors de son audition devant les sénateurs de la commission des Affaires étrangères et des forces armées, le général Jean-Pierre Bosser, le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), a mis en lumière un « paradoxe auquel nous devons prendre garde ».
« En effet, a-t-il expliqué, c’est le capital d’expérience constitué en opération qui permet de compenser, pour le moment, des insuffisances de ressources destinées à l’instruction et à l’entraînement. »
La Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 a fixé comme objectifs 90 jours de préparation opérationnelle (JPO) et 180 heures de vol, hors simulation, pour les pilotes d’hélicoptère de l’Aviation légère de l’armée de Terre (ALAT).
Or, comme l’a indiqué le CEMAT, ces niveaux « ne sont pas atteints ». Par exemple, les troupes aéroportées ne sont plus en mesure d’effecturer leurs 6 sauts annuels, ce qui est le minimum requis. « Concrètement, ces insuffisances se traduisent par des renoncements en termes de capacités opérationnelles », a-t-il déploré.
S’agissant des pilotes de l’ALAT, la solution a été de les diviser en 3 catégories pour remédier au nombre insuffisant d’heures de vol. Ainsi, il existe désormais un « premier cercle » (60 % des équipages), à qui l’on donne les moyens de s’entraîner correctement afin qu’ils puissent être immédiatement opérationnels. Quant à ceux relégués aux 2e et 3e rangs, ils auront besoin d’une remise à niveau de 6 mois à 1 an pour être aptes à être engagés en mission opérationnelle.
Outre le nombre de jours insuffisants de préparation opérationnelle, les moyens pour les entraînements font aussi défaut. « Environ 25 % de nos unités s’entraînent dans nos centres de préparation sur des structures incomplètes, avec des matériels manquants ou des capacités qui ne sont pas totalement réalisées, dégradant donc la qualité de leur préparation opérationnelle », a expliqué le général Bosser. « Il s’agit d’un enjeu capital puisqu’au combat le niveau d’entraînement du soldat participe autant que son casque et que son gilet de protection à sa sauvegarde », a-t-il conclu.