Lucien Cerise, chercheur en ingénierie sociale, répond aux questions d’Observateur Continental à propos du discours d’Emmanuel Macron sur la lutte contre le séparatisme. Le président français a en effet annoncé à cette occasion un « plan de combat » contre la radicalisation, l’islamisme radical et le séparatisme islamiste ; ce qui constitue une notion nouvelle dans la bouche du président français.
Quelles sont les mesures évoquées par le président français qui vous paraissent efficaces pour lutter contre le séparatisme ?
Lucien Cerise : En résumé, Macron annonce dans son discours de Mulhouse qu’il veut couper l’islam de France de ses soutiens étrangers. L’injection de sommes d’argent importantes par l’État dans les « quartiers sensibles » est également mentionnée bien que l’on sache depuis les années 80 que cela ne sert à rien. Le processus d’éclatement qui anime la société française ne sera pas endigué avec ces mesures. Le séparatisme n’est que la conséquence d’une démographie hétérogène qui morcelle le territoire. Pour lutter efficacement contre ce mouvement centrifuge, il faudrait donc s’attaquer aux causes : arrêter totalement l’immigration, en finir avec le multiculturalisme – alors que Macron en fait l’apologie – et rétablir une certaine homogénéité identitaire en contrôlant la démographie et la natalité. Mais si Macron parlait ainsi, il se ferait traiter de « nazi ». Les mesures qu’il a annoncées visent les effets et pas les causes et n’ont qu’une fonction électoraliste. Nous sommes en période de campagne pour les municipales, avec des résultats qui s’annoncent très bons pour le Rassemblement national. L’islamisation et l’immigration sont des facteurs d’anxiété pour de nombreux Français, y compris musulmans, d’où la progression constante du RN depuis quelques années. Macron doit impérativement concurrencer ce parti sur ses thématiques sécuritaires classiques s’il veut essayer d’exister en face et éviter la débâcle de son propre parti. En se positionnant comme garant de l’ordre et de la sécurité, face aux Gilets jaunes mais aussi face à l’islam, Macron peut espérer attirer à lui les suffrages de la droite libérale-conservatrice, qui aujourd’hui tend à délaisser son parti historique, en pleine crise d’identité, j’ai nommé Les Républicains (LR). Cette stratégie a plutôt bien marché aux dernières élections européennes, Macron compte la répéter en musclant encore son discours dans un sens que l’on pourrait qualifier de « sarkozyste ».
Quelles sont les mesures évoquées par le président français qui vous paraissent négatives pour lutter contre le séparatisme ?
Ces mesures ne sont pas négatives mais superficielles et contradictoires. Comme de nombreux autres pays, la France pratique le terrorisme d’État, et en particulier le djihadisme d’État, en soutenant des paramilitaires islamistes comme supplétifs et forces de procuration en Syrie ou ailleurs. L’État profond français a donc besoin de maintenir des foyers de radicalisation islamiste pour ses opérations spéciales et sa stratégie de la tension. Cependant, en même temps – comme dirait Macron – l’islam ne doit pas échapper au progressisme républicain. Il y a un travail en cours pour faire émerger un « islam inclusif », tolérant, féministe et ouvert au LGBT. Le résultat de cette hybridation est totalement incohérent, et c’est le signe de notre époque postmoderne.
Est-ce que la déformation du contenu d’une religion, comme le dit le président français, est réellement le problème ?
Pour déformer le contenu d’une religion, encore faudrait-il que son contenu ait une forme originale. Or, les textes sacrés donnent toujours naissance à des interprétations divergentes qui vont des plus extrémistes aux plus modérées, et chaque interprétation revendique naturellement être la seule authentique. Le seul juge arbitre légitime, Dieu lui-même, ne se manifeste jamais pour départager qui comprend vraiment sa parole et qui la trahit. On se retrouve donc avec une multitude d’interprétations humaines qui s’accusent toutes mutuellement de déformer le contenu de leur religion, d’où les schismes et les querelles d’écoles sans fin.
Faut-il, comme le dit Emmanuel Macron, ne pas stigmatiser l’islam ?
Toutes les religions sont ambivalentes et peuvent avoir des effets positifs et/ou négatifs en fonction du contexte. L’islam en soi n’est pas forcément à stigmatiser, mais en l’état actuel des choses, l’islamisation de la France sous l’impulsion de musulmans prosélytes ainsi que de non-musulmans issus du capitalisme international a un effet négatif de déstabilisation de la société. Je ne vois pas comment interpréter autrement le soutien de George Soros et Jacques Attali à l’islamisation de l’Europe. Le pouvoir suprême veille donc à islamiser la France pour la déstabiliser mais aussi à interdire la critique de cette islamisation en faisant la chasse à « l’islamophobie ». Une initiative gouvernementale parmi d’autres : le bureau « Diversité, égalité et prévention des discriminations » du ministère de la Culture a diffusé une brochure dans laquelle il s’engage à lutter contre l’islamophobie, dont la définition est ainsi formulée en écriture inclusive, page 8 : « Islamophobie : Attitude d’hostilité systématique envers les musulmanes, les personnes perçues comme telles ou l’islam. » [1]
Pensez-vous que ce séparatisme est une construction de l’ingénierie sociale ?
L’ingénierie sociale, c’est la démolition contrôlée des sociétés. Cela consiste à démembrer la société furtivement en prenant le contrôle des relations de confiance et de méfiance pour monter des conflits triangulés en faisant monter la méfiance entre certaines parties de la société afin qu’elles se séparent, mais tout en prétextant rétablir la confiance. Autrement dit, on favorise le séparatisme en criant bien fort qu’on lutte contre lui. On provoque de l’entropie sociale, du désordre, de la division, en luttant contre le séparatisme islamique mais sans lutter contre l’islamisation. On s’attaque aux effets sans s’attaquer aux causes. C’est donc un outil d’ingénierie sociale négative, c’est-à-dire de gouvernance par le chaos, mais camouflée.
Emmanuel Macron utilise-t-il ce séparatisme pour atteindre des objectifs ?
La méthode du pompier pyromane est un classique de l’ingénierie sociale. Vous créez un problème, ou vous le laissez se créer, puis vous apportez votre solution, qui ne résout rien sur le fond mais qui vous permet d’accroître votre contrôle de la situation. Quand Macron dit « Je ne laisserai aucun pays étranger nourrir, sur le sol de la République, un séparatisme, qu’il soit religieux, politique ou identitaire », il se prépare en fait à attaquer non pas l’immigration ou l’islamisation, mais plutôt Génération identitaire ou le Rassemblement national, au prétexte que ce parti a emprunté de l’argent à la Russie, par exemple. Macron a aussi accusé récemment la Russie de chercher à déstabiliser les « démocraties occidentales ». On discerne ainsi le montage narratif qui doit permettre de frapper une cible sous couvert d’en frapper une autre.
Pourquoi faut-il encore financer les zones qui quittent la république ?
Parce qu’il faut financer l’immigration et l’islamisation sans que cela n’échappe à la république.
Est-ce que la lutte contre le séparatisme passe par la ségrégation positive dont une aide absolue à l’emploi pour les populations qui menacent la France de séparatisme ?
La ségrégation, ou discrimination positive renforce le séparatisme puisque cela avantage certaines catégories de la population sur les autres, qui sont dès lors discriminées négativement. C’est un stratagème qui permet d’en finir avec l’égalité républicaine au prétexte de la renforcer.
Est-ce que ce séparatisme ne serait pas finalement une bonne chose ?
François Hollande déplorait ce qu’il appelait la partition territoriale. De toute façon, elle est en cours et irréversible, trop de gens ne veulent plus vivre ensemble dans ce pays. Nous sommes dans une guerre civile, avec des morts et des blessés tous les jours, même si elle n’est pas reconnue officiellement comme telle. Cependant, si l’on regarde la carte du vote au premier tour des présidentielles 2017, on voit une France quasiment coupée en deux. Il y a d’une part les électeurs de Macron, ceux qui profitent de la mondialisation ou qui n’y voient pas d’objection, à Paris et dans l’ouest du pays, et d’autre part les électeurs de Marine Le Pen, ceux qui souffrent de la mondialisation, regroupés dans un croissant s’étalant du nord-est au pourtour méditerranéen. Le besoin de se séparer entre ces deux parties du pays va encore augmenter, peut-être jusqu’à former deux entités juridiques distinctes, et sur la base d’un clivage non pas religieux mais politique. [2]
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