On connaît les trois conséquences des « Lumières » (la Haskala) au 18ème siècle sur les juifs qui sortaient des portes du ghetto en Europe : réforme, assimilation et nationalisme laïc. Ces trois options ont, certes, contribué à un affaiblissement de l’intensité de la vie juive selon la Torah, mais elles s’inscrivaient assurément dans une laïcisation de la société contemporaine. L’assimilation a, certes, été l’élément le plus pernicieux de cette dégradation, ce qui n’a pas empêché l’hostilité des nations au peuple juif : l’affaire Dreyfus – condamnation d’un innocent, parce que juif, aura été, à la fin d’un 19esiècle totalement assimilationniste, la preuve de l’inutilité de l’assimilation.
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Le cas d’Éric Zemmour est significatif, mais s’il mérite une réflexion spéciale, c’est d’abord, à cause de l’impact médiatique de ce personnage. Peu de journalistes, ou même d’écrivains, peuvent se flatter d’avoir écrit un best-seller, vendu à 400 000 exemplaires ! Son Livre Le Suicide français exprime toutes sortes d’opinions paradoxales, qui ont fait son succès, malgré leur singularité. Il se situe dans une frange ultra-droitière, en reprochant à la société sa destruction de toutes les valeurs, qui l’ont conduite à un véritable suicide. Entre autres opinions paradoxales, il tente d’excuser le pétainisme, en prétendant qu’il a sauvé des juifs français poursuivis par la Gestapo. Ailleurs, les jeunes qui s’engagent pour devenir des combattants djihadistes ne sont pas différents, à son avis,des jeunes juifs qui quittent la France pour s’enrôler dans Tsahal, l’armée israélienne. Il pourfend aussi l’influence, néfaste à ses yeux, des options religieuses. Il vient d’être condamné pour ses propos islamophobes jugés, comme provocant à la haine religieuse. Dans un autre opuscule, il dénonce l’influence, exagérée à ses yeux,du rôle des femmes dans la société.
En quoi le judaïsme se sent-il concerné par un tel personnage, connu, certes, comme juif « séfarade », mais qui occulte ses origines, sans les nier ? Ses positions « réactionnaires », tout d’abord, indisposent le lecteur, plus habitué à recevoir des opinions plus conformistes. Mais il y a un autre aspect déplaisant : une nécessité de se mouler dans un patriotisme, qui semble vouloir effacer son identité personnelle. Certes, il est entouré de journalistes d’origine juive. Sa femme née Chicheportiche est également d’origine nord-africaine. Cependant, tout, dans la carrière de ce journaliste, tend à donner l’impression qu’il veut s’affranchir de son passé, et donc des idées reçues.
À toute époque, les juifs qui s’assimilaient ou acceptaient la religion dominante en se convertissant éprouvaient le besoin d’affirmer leur intégration dans le nouveau cadre choisi. Le cas d’Éric Zemmour est un peu paradoxal, mais manifeste un réel danger : l’esprit du judaïsme – dont parle B.-H. Lévy, certes ne l’habite plus, mais il y une sorte de refus d’un certain conformisme social qui le distingue des autres journalistes, et lui donne sa notoriété.