Sur son blog, nommé « Je te fais un dessin », qu’il tient sur la plateforme Internet du Monde, le dessinateur Plantu a publié le 2 avril un dessin négationniste et sexiste d’une rare obscénité. Il s’agit selon lui de dénoncer le marketing de l’anorexie.
La scène représente le viol d’une prisonnière des camps nazis par un SS. La déportée tient dans les mains un magazine de mode, et le SS lui intime : « Tourne les pages salope. » En arrière fond, le portail d’Auschwitz, avec l’inscription « Marketing macht frei ».
Que dit ce dessin de Plantu ? Qu’être vouée à l’extermination, la sienne en tant qu’individu, et celle aussi de toute sa communauté, avec la culture, l’histoire, les langues qui en sont parties intégrantes, c’est équivalent à être obsédée par la minceur voire la maigreur, conçue comme idéale dans certains milieux. Que finalement les camps, ça ne devait pas être si terrible que ça, parce qu’aujourd’hui, les survivantes squelettiques seraient sur les podiums des défilés de mode. Et puis ce dessin dit aussi qu’une femme, c’est toujours bon à violer, quel que soit l’état dans lequel elle se trouve.
Le négationnisme prend deux formes principales. Il s’agit d’une part de la négation, clairement affirmée ou sous-entendue via le doute systématique de faits et d’autre part de la banalisation, via notamment des comparaisons qui permettent de minimiser l’horreur de la « solution finale ».
C’est dans cette deuxième catégorie que se place le dessin de Plantu. Les phénomènes à dénoncer ne manquent pas en ce monde, mais on se doit de les dénoncer pour ce qu’ils sont, tout simplement. Quel besoin, si ce n’est en raison de cette imprégnation antisémite, de toujours comparer à la Shoah ?
Ce relativisme n’est pas nouveau, il peut même être issu d’une « ultra-gauche » dégénérée. Ce dessin de Plantu rappelle en effet la comparaison ignoble faite par le journal La Banquise dans les années 1980, entre le numéro tatoué sur le bras des déportés de certains camps et le numéro de Sécurité sociale (voir cet article à propos des racines et excroissance du négationnisme pour la citation exacte)
Plantu est un récidiviste dans ce domaine.
En janvier 2014, à un moment où l’interdiction de spectacles de Dieudonné faisait la une de l’actualité, Plantu avait sur i>Télé fait part de ses positions. Il affirmait son soutien à Dieudonné, au nom de la « liberté d’expression ». On comprend dans l’entretien que Plantu va voir ses spectacles, et qui ne ferait « que critiquer la religion, toutes les religions », avec parfois quelques « provocations ».
Dans cette émission, Plantu reprenait ainsi mot pour mot les arguments des avocats de Dieudonné, selon lesquels celui-ci critiquerait « toutes » les religions, sans évidemment fournir le moindre exemple de critique autre que celle ciblant le judaïsme.
Deux questions se posaient déjà à ce moment-là : Plantu se trouvait-il sur la pente du dessinateur Konk, qui lui aussi dessinait à la une du Monde pendant de nombreuses années et qui, devenu négationniste et fasciste, publie maintenant dans Minute et Rivarol ?
Autre question, comment allait réagir le journal Le Monde, alors que son éditorialiste dessinateur se plaçait à ce point aux côtés de Dieudonné ?
Sans doute Plantu rejettera-t-il sa caractérisation comme antisémite, bien que certains de ses propos dans cette émission de 2014 font [sic] percevoir une hostilité à l’égard de la communauté juive et de l’organisation qui, à ses yeux, en constitue le symbole. Mais, au-delà de l’individu et de ses convictions et positions, nous interrogeons le contenu qu’il produit, avec ses paroles, ses dessins, sa manière d’aborder les sujets et les effets de ce qu’il produit. Et indéniablement, ce dessin de Plantu alimente le négationnisme, banalise la Shoah, à travers le relativisme et les fantasmes pornographiques autour des relations entre SS et déportéEs dans les camps.
On peut donc se reposer les questions déjà évoquées : dans quelle dynamique Plantu se place-t-il ? Et qu’a à dire Le Monde des productions de son dessinateur-vedette, publiées sur le site du journal ?