Depuis l’intervention de la coalition arabe sous commandement saoudien en mars 2015, le Yémen est plongé dans une crise humanitaire sans précédent. Si la France s’en émeut, elle n’a pas pour autant stoppé ses livraisons d’armes aux Saoudiens.
Prompts à dénoncer la situation catastrophique dans laquelle le Yémen est plongé, les pays occidentaux, la France en tête, ne tiendraient-ils pas un double discours permanent ?
Alors que l’Organisation des Nations unies (ONU) dénonce une guerre qui a provoqué la pire crise humanitaire actuelle dans le monde, l’Arabie saoudite et ses alliés poursuivent leurs bombardements qui complexifient davantage les opérations humanitaires dans le pays. S’indigner des 10 000 morts et plus de 53 000 blessés tout en continuant de vendre les armes qui en sont à l’origine : la politique diplomatique menée par Paris en déroute plus d’un.
La France complice de crimes de guerre ?
Pis encore, certaines organisations accusent la France de complicité de guerre au Yémen. C’est le cas d’Amnesty International, qui dans un récent rapport a mis en cause les livraisons d’armes françaises à l’Arabie saoudite, à l’origine de graves violations des droits de l’homme dans le cadre de ce conflit.
« De nombreuses preuves attestent que les flux d’armes irresponsables vers la coalition dirigée par l’Arabie saoudite ont causé d’énormes préjudices aux civils yéménites », a déclaré dans un communiqué le 23 mars, Lynn Maalouf, directrice de recherche sur le Moyen-Orient à Amnesty International.
Même son de cloche, au sein de l’ONG Action sécurité éthique républicaine (Aser). Lors de son passage sur RT France le 21 mars, son président, Benoît Muracciole, avait annoncé qu’il n’hésiterait pas à saisir le Conseil d’État le 1er mai si Paris ne répondait pas favorablement à sa « demande de suspension des armes en direction des pays de la coalition [arabe qui bombarde le Yémen], pas seulement l’Arabie saoudite ». Par ailleurs, d’après Joseph Breham, avocat du cabinet français Ancile, les ventes d’armes à l’Arabie saoudite ou aux Émirats arabes unis, mettent la France en position de violer le traité sur le commerce des armes (TCA).
Le silence radio de la ministre des Armées
Face à ces dénonciations, le gouvernement français demeure bien silencieux. La gêne exprimée par le ministre français des Armées Florence Parly en février dernier face à un journaliste de Quotidien en est une preuve concrète. Alors que ce dernier lui demandait si la France pouvait continuer à livrer des armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis au regard de la situation au Yémen, la ministre s’était contentée de dire que ce conflit était « un drame humain ». Et d’ajouter que si de nouveaux contrats devaient être passés avec ces pays, ils seraient passés au crible, sans plus de précision. En attendant, Paris continue de sceller de juteux contrats avec Riyad. Selon un rapport parlementaire de 2017 sur les exportations d’armement de la France, on apprend que le royaume saoudien était entre 2007 et 2016 le second client des fabricants d’armes français.
Longtemps peu médiatisé, le conflit au Yémen constitue pourtant une sérieuse menace pour la stabilité de la région du golfe Persique. Le pays est en proie depuis 2014 à une guerre civile qui oppose les rebelles chiites houthis initialement proches de l’ancien président Ali Abdallah Saleh (qu’ils ont fini par tuer le 4 décembre 2017 après un retournement d’alliance de celui-ci), aux partisans d’Abd Rabbo Mansour Hadi, le président actuel du pays, qui vit depuis 2015 en exil en Arabie saoudite. À maintes reprises, les ONG humanitaires ont dénoncé les effets dramatiques sur les populations civiles de l’intervention la coalition arabe dirigée par l’Arabie saoudite.