Un indic Claude Hermant, arrêté dans l’affaire de l’attentat du 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo, implique à présent l’État dans la préparation de l’attentat. Hermant, qui aurait vendu les armes qui ont ensuite servi à Amédy Coulibaly et aux frères Kouachi pour commettre les attentats, accuse trois gendarmes et deux douaniers d’avoir été impliqués, ainsi que le milieu du grand banditisme.
Ce dossier fait voler en éclats le récit officiel, selon lequel des islamistes ont préparé seuls les attentats qui ont ensanglanté la France, la Belgique et l’Allemagne depuis 2015.
L’avocat de Hermant, Me Maxime Moulin, ne dispute pas le fait que des armes passées entre les mains de Hermant, qui agissait sous couvert du service de renseignement des douanes jusqu’en 2013 avant de travailler pour le compte de la gendarmerie, sont parvenues à Coulibaly. Les médias et les partis politiques établis ont étouffé ce fait, ainsi que l’arrestation de Hermant à cause de ses relations avec Coulibaly après les attentats. Le ministre de l’Intérieur en juin 2015, Bernard Cazeneuve, a même opposé le secret défense aux investigations des liens entre Hermant et les islamistes.
Me Moulin a déposé une plainte au bureau du procureur de la République de Lille le 2 mai accusant le ministère de l’Intérieur de « mise en danger de la vie d’autrui ». Il explique au nom de son client :
« Nous réclamons la fin du secret défense. Les rôles sont inversés, c’est la solution que nous avons trouvée pour avoir la vérité. (...) On veut avoir accès à ces infos. On demande de manière officielle que le ministère de l’Intérieur lève le secret défense sur l’intégralité des rapports de contact [entre les gendarmes et Claude Hermant]. Ils doivent rendre des comptes. On veut savoir ce qui a été traité, transmis, ce qui n’a pas été traité, et pourquoi ».
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Selon Libération, Moulin justifie la plainte de son client en s’appuyant « sur un article de Médiapart publié en mars 2017 : Claude Hermant avait prévenu la gendarmerie qu’un convoi d’armes était de passage à un péage d’autoroute entre Lille et Paris, mais la gendarmerie n’aurait réussi à intercepter qu’un véhicule sur deux. Le second convoi, prévenu que les gendarmes étaient sur le coup, a réussi à les éviter. Or ces armes ont servi à Coulibaly. ».
La Voix du Nord a publié quelques extraits de mails échangés entre Hermant et un gendarme en novembre 2014 : « Salut Claude, nous avons vu avec notre hiérarchie… Nous sommes partant(s) pour les deux dossiers que tu nous as présentés (armes-Charleroi…)… ».
Ces mails laissent supposer que Hermant aurait pu recevoir l’aval d’un service de renseignement pour ses actions dans l’affaire des livraisons d’armes à Coulibaly ou à d’autres islamistes. La Voix du Nord poursuit : « Imaginons que vous tombiez sur ce type de message (parmi une dizaine) qui aurait été envoyé par un gendarme à Claude Hermant, le 21 novembre 2014 à 8 h 47. Qu’un proche du prévenu certifie que “Claude Hermant a assuré ses arrières…” ».
Il est clair que des forces beaucoup plus larges que les seuls islamistes étaient mouillées dans les agissements qui ont préparé les attentats. Le recours par l’État au secret défense et le silence assourdissant des grands médias servent à façonner un récit partiel et faux sur les attentats, qui incite le racisme antimusulman et qui lave le rôle de l’État et de l’extrême-droite.
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Les attentats de 2015 ont été perpétrés par des réseaux islamistes connus des services de renseignement français, à qui ils servaient de troupes à la guerre de l’OTAN en Syrie. Les frères Kouachi, Coulibaly, et le chef du commando du 13 novembre, Abdelhamid Abaaoud, étaient tous connus des services de renseignement pour leurs liens avec Al Qaïda ou l’État islamique.
Les frères Kouachi ont été surveillés de près entre 2010 et 2015 et considérés comme extrêmement dangereux en raison de leurs contacts directs avec les dirigeants d’Al Qaïda dans la Péninsule Arabe. Chérif Kouachi et Amédy Coulibaly se sont rendus à plusieurs reprises chez Djamel Beghal, membre d’Al Qaïda en Algérie, assigné à résidence en France.
Abaaoud, membre dirigeant de l’EI largement connu sur Facebook, a pu se déplacer librement à travers l’Europe et préparer les attentats du 13 novembre 2015, sans être inquiété.
Salah Abdeslam, l’un des survivants du commando du 13 novembre, homme soit disant le plus recherché d’Europe, avait été repéré depuis décembre 2015 par un policier de la commune de Malines. Son rapport d’enquête a toutefois été perdu par ses supérieurs, et la police n’a arrêté Abdeslam qu’en en mars 2016.
Quant aux terroristes qui ont ensuite mené les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, ils ont pu se organiser les attentats alors que les services turcs, israéliens et russes avaient averti leurs homologues européens de leur identité ainsi que des cibles qu’ils avaient choisies.
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Les révélations de Hermant ont eu lieu en plein milieu des élections présidentielles, quelques jours après le meurtre d’un policier par Karim C. sympathisant de l’EI. Karim C. avait fait de la prison pour tentative de meurtre sur policiers au début des années 2000 et était connu des services de police et de la police antiterroriste. Comme l’annonce la presse, il était maintenu en détention jusqu’à il y a peu, et à sa sortie de prison il avant recommencé à menacer la police.
Il est impossible de concevoir comment les agences de sécurité et du renseignement auraient laissé une personne en liberté, si ce n’était par une décision consciente, sachant qu’il allait commettre un crime qui allait leur être utile politiquement.
Le meurtre du policier, Xavier Jugelé, a déclenché une hystérie sécuritaire de la part des médias et des partis politiques alors qu’un sentiment anti-guerre et anti-austérité se développait parmi de large sections de jeunes et de travailleurs à la suite des frappes américaines du 7 mai en Syrie. Macron, le candidat préféré de la bourgeoisie, baissait dans les sondages au profit de Mélenchon. Cet attentat a recentré les élections présidentielles à droite, permettant de stabiliser Le Pen et Macron dans les sondages.
L’état d’urgence n’est pas dirigé contre les terroristes mais sert à suspendre les droits démocratiques, afin de prolonger l’austérité par la répression, comme lors des manifestations contre la loi travail ou les perquisitions arbitraires dans les banlieues.
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Parmi les silences qui se sont abattus sur l’enquête qui a suivi les tueries de janvier 2015, celui sur le commissaire « suicidé » n’a toujours pas été brisé par les médias dominants :