La sociologue israélienne Yael Ashiloni Dolev explique l’ampleur du consensus en Israël, pour le diagnostic prénatal le plus sophistiqué, pour l’avortement thérapeutique, pour l’Assistance médicale à la procréation, et pour la GPA. En Israël, un couple sur quatre souffre de stérilité.
Israël a été le premier pays à légaliser la gestation pour autrui, en 1996. Le 27 octobre 2014, la Knesset a voté en première lecture une loi ouvrant la GPA aux couples homosexuel, loi reconnaissant une pratique déjà fort répandue, en particulier par l’agence Tammuz, qui a fait parler d’elle lors du séisme au Népal et qui a été pionnière en Inde [sur la photo, une homosexuelle israélienne manifeste pour que "son" bébé acheté en Thaïlande obtienne un passeport israélien, NDLR], comme en témoigne le film Bébés en kit, diffusé par Arte en 2011. Ci-dessous, le chapitre le plus étonnant du livre de Yaël Ashiloni Dolev, Qu’est-ce qu’une vie « méritant d’être vécue » ?.
La vidéo du documentaire d’Arte est ici. Sinon l’article diffusé sur E&R avec un extrait du documentaire seulement.
Sionisme, judaïsme et le problème de l’interférence avec la création divine
Impossible de comprendre la logique culturelle qui sous-tend les usages de la médecine génétique sans tenir compte de la mentalité scientifique de la société israélienne. Tandis que les autres sociétés post-industrielles sont hantées par le thème du risque [que font courir les innovations sous couvert de science], cette sensibilité est quasiment absente en Israël, et le public a toute confiance dans la science et le ‘progrès’. Ainsi pour ce qui est sujet à controverse partout ailleurs, la recherche sur les cellules-souche, le diagnostic génétique, le clonage. Cette attitude s’explique par le contexte du discours culturel, politique et religieux, qui présente la biotechnologue comme cruciale pour la perpétuation de l’existence juive au Proche Orient ; [il s’agit de contrer la « bombe à retardement » de la démographie palestinienne] et effectivement, la survie même d’Israël dans un environnement aussi hostile dépend de sa modernité, autrement dit, de la supériorité israélienne en matière de science et de technologie.
D’ailleurs, il n’y a eu aucune condamnation rabbinique sur la recherche dans le domaine des cellules souche, du clonage ou des expériences génétiques sur les humains. Au contraire, en tant que gardiens de la loi, les décideurs rabbiniques tendent massivement à considérer ces pratiques comme hautement morales, et ils cherchent des solutions légales pour que les gens puissent exploiter les bénéfices de ces recherches. Tandis que la plupart des enseignements chrétiens insistent sur la subordination des humains à Dieu dans le processus de la création, dans le judaïsme, l’accusation de « se prendre pour Dieu » est hors sujet. Les êtres humains sont encouragés à prendre une part active dans la création divine, en luttant pour l’améliorer constamment, entre autres, dans le domaine du soulagement des souffrances. [L’élimination des handicapés avant la naissance, très courante, se justifie en termes de soulagement de la mère, de l’enfant qui vivrait un calvaire, et du fardeau économique qu’ils représenteraient pour l’Etat].
Traditionnellement les juifs ont le plus grand respect pour la médecine, et les grossesses sont hyper médicalisées en Israël. Et les Judéo-américaines, même si elles ne sont nullement pratiquantes, sont nettement plus ouvertes aux interventions médicales que les autres femmes, elles considèrent la médecine moderne comme une bénédiction, en particulier en matière de reproduction assistée. Cette foi dans la science se vérifie aussi dans le rapport à l’eugénisme.