Dans la bande de Gaza, le site était considéré comme le temple des livres. C’était le lieu où les lycéens pouvaient trouver un manuel scolaire, les plus pratiquants leur coran et les esprits bohèmes des traductions de Dostoïevski en arabe. Mais mardi dernier, 18 mai, la librairie al-Mansour a été réduite en poussière.
« Il y a 100 000 livres sous ces ruines »
Vers 5H00 du matin, Samir al-Mansour, son propriétaire, était chez lui et regardait les chaînes d’info arabes lorsqu’il a appris qu’un avertissement avait été donné par l’armée israélienne pour détruire l’immeuble. Le libraire et éditeur de Gaza, territoire palestinien plus connu à l’étranger pour ses guerres que ses maisons d’édition et sa littérature, s’est précipité sur place. Mais Samir, cinquantenaire aux cheveux poivre et sel en brosse, s’est arrêté à environ 200 mètres.
Adolescent, à 14 ans, au début des années 80, Samir avait commencé à travailler avec son père à la librairie, pour ensuite en prendre les rênes et mettre sur pied, en 2000, une maison d’édition. Mardi 18 mai, il a donc vu la frappe israélienne foudroyer ce qu’il lui a pris une vie à construire. « Quarante années de ma vie se sont écroulées en une fraction de seconde », confie-t-il à l’AFP en marchant, sa cigarette coincée entre l’index et le majeur, au pied d’une montagne de blocs de ciments entremêlés de bout de papier et de chaises en plastique écrasées.
Et à l’heure où les secouristes cherchent encore des corps ou des miraculés dans les décombres d’une guerre éclair entre le Hamas et Israël qui a fait plus de 240 morts parmi les Palestiniens en à peine 11 jours, Samir al-Mansour devine une étrange fosse sous ses yeux. « Il y a 100.000 livres sous ces ruines », lance-t-il, évoquant ces « best-sellers » comme le Coran, les manuels pour apprendre les langues étrangères comme le français, des livres pour enfants et des coups de cœur comme les Frères Karamazov de Dostoïevski, désormais ensevelis dans ce cimetière de livres.
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« Avec la destruction d’Al-Mansour, Gaza perd l’une de ses principales ressources culturelles », estime Mossab Abu Toha, poète et fondateur de la bibliothèque Edward Saïd, créée après la guerre de Gaza en 2014. « Al-Mansour c’est plus qu’une librairie, c’est aussi une maison d’édition qui publiait des auteurs de Gaza. Les manuscrits étaient imprimés en Égypte, des livres retournaient à Gaza mais d’autres restaient en Egypte et circulaient dans le monde arabe. Ça permettait de lever le siège de Gaza par la littérature. »
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L’interview du propriétaire de la libraire (en anglais non sous-titré en français), qui raconte qu’il a sacrifié ses nuits, sa santé, pour cette librairie :
« C’était mon rêve. Bien sûr, un rêve. Honnêtement, ça me coûte énormément. »