Profitant de sa réputation d’intégrité, Pino Maniaci usait et abusait de son influence depuis des années. Il vient d’être mis en examen pour extorsion.
Certains ont encore du mal à y croire. Pour les nombreuses associations anti-Mafia de Sicile, il était un héros. Par l’intermédiaire de sa petite télévision locale, Telejato, qu’il avait rachetée et dirigeait depuis 1999, Pino Maniaci, un entrepreneur, était devenu leur porte-parole, la face visible de leur combat.
Avec ses moustaches fournies, ses lunettes, son bagout, sa manière de livrer sans détour dans ses journaux télévisés le nom des personnes soupçonnées de collusion avec le crime organisé, il passait même, à 63 ans, pour l’héritier de Peppino Impastato, un autre journaliste qui en savait trop, assassiné le 9 mai 1978. L’association Reporters sans frontières le comptait parmi sa liste des « héros mondiaux de l’information ».
Le 4 mai, tout s’est effondré. Depuis cette date, Maniaci est « mis en examen pour extorsion » et interdit de séjour dans les provinces de Palerme, Trapani et Messine. Depuis cette date, il se tait. À la suite d’une enquête ouverte en 2014 par les carabiniers de l’île sur des complicités entre élus et membres de Cosa Nostra, le masque de Pino Maniaci est tombé.
Amère comédie
Grâce à une caméra-espion dissimulée dans le bureau du maire d’une petite commune, on peut voir et entendre le journaliste réclamer à son hôte la somme précise de 466 euros pour le prix de son silence. Il avait, disait-il, des informations capables de « faire sauter » toute l’administration municipale. L’élu fouille ses poches et règle sans discuter la somme exigée.
Dans une autre écoute, il se fait fort de trouver un emploi à sa maîtresse. « Ne t’inquiète pas, j’en fais mon affaire. Tu n’as pas encore compris la puissance de Pino Maniaci », lui lance-t-il. La dame rêvant d’un CDI dans une administration, il la rassure de nouveau. « Sois tranquille, lui dit Maniaci, je te ferai gagner le concours ». Sa compagne est aux anges : « Toi, vraiment, avec cette télévision, tu fais trembler tout le monde ». On se croirait dans une comédie italienne, pourtant elle est amère.