Hillary Clinton, alors secrétaire d’État américaine, a été tenue informée de la situation en Libye en 2011 et 2012. Il en ressort que Nicolas Sarkozy a préparé et voulu cette guerre pour des raisons militaires et économiques, que la DGSE a activement participé sur le terrain à la création du gouvernement de transition et que BHL a joué les VRP de l’Élysée.
L’homme a finalement rejoint la fondation Clinton et, au moment de la révolution libyenne, il s’est associé avec quelques businessmen américains pour tenter de se tailler des marchés dans la Libye post-Kadhafi (nous avons déjà raconté cette histoire sur Mediapart). Sidney Blumenthal s’est donc mis à inonder son amie Hillary Clinton de mémos sur la situation en Libye à partir de février 2011, et il a continué jusqu’en décembre 2012. [...]
Surtout, comme il l’a admis depuis, Sidney Blumenthal envoie à Hillary Clinton des mails qui sont en grande partie des “copier/coller” de messages qu’il a reçus de Tyler Drumheller, un vétéran de la CIA qui a quitté l’agence en 2005 parce qu’il s’opposait à la manipulation des renseignements par l’administration Bush sur l’Irak. Drumheller, qui a passé 25 ans à la CIA jusqu’à devenir le responsable des opérations en Europe, travaille depuis comme consultant privé, mais il est resté très connecté avec le monde du renseignement. Il informe donc Blumenthal, qui répercute à Hillary Clinton, qui elle même fait circuler ces informations dans le département d’État. Au milieu de cette cinquantaine de mémos, qui comprennent parfois des contresens et des erreurs factuelles, car ils sont rédigés « en temps réel », alors que la situation évolue chaque jour en Libye depuis le déclenchement de la rébellion à Benghazi le 17 février 2011, on trouve une lecture alternative du rôle de la France dans ce conflit. [...]
3. Sarkozy, inquiet de l’influence des islamistes, mandate BHL pour évaluer ladite influence
Le 27 mars 2011, Blumenthal avertit d’un possible effondrement de l’armée libyenne. Il note :
« … il y a des rapports indiquant la mort de plusieurs officiers de sécurité de Kadhafi, et que le leader lui-même aurait des ennuis de santé. Malheureusement les services de renseignement européens sont incapables de confirmer ou d’infirmer ces rapports. Cette situation est de plus en plus frustrante pour le président français Nicolas Sarkozy qui, selon des personnes en mesure de savoir, fait pression pour que la France émerge de cette crise comme le principal allié de n’importe quel nouveau gouvernement qui prendra le pouvoir. [...] Sarkozy est aussi inquiet à propos des rapports indiquant que des groupes radicaux/terroristes comme Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) infiltrent le CNT et son commandement militaire. Par conséquent, il a demandé au sociologue [sic] Bernard-Henri Lévy, qui a de vieux liens avec Israël, la Syrie et d’autres pays du Moyen-Orient, d’utiliser ses contacts pour déterminer le niveau d’influence d’AQMI et des autres groupes terroristes au sein du CNT. »
4. Des forces spéciales françaises entraînent les rebelles
Toujours dans le même mémo du 27 mars 2011, Blumenthal fait l’état des lieux des armes dont disposent les rebelles :
« des stocks apparemment inépuisables d’AK47 et de leurs munitions. Les forces spéciales françaises, britanniques et égyptiennes entraînent les rebelles en Égypte occidentale et, dans une moindre mesure, dans la banlieue ouest de Benghazi »
6. La DGSE proche des rebelles
Le 19 avril 2011, Blumenthal parle de l’arrivée de conseillers militaires britanniques, qui permettront à la France et à la Grande-Bretagne de bénéficier de meilleurs renseignements. Mais les Libyens du CNT s’inquiètent du fait que ni les Français ni les Britanniques ne semblent prêts à fournir une aide suffisante pour faire la différence. Il ajoute : les Libyens « sont particulièrement amers à propos de la position française, d’autant qu’au début de la rébellion, des officiers du service action de la DGSE avaient rencontré les dirigeants rebelles et les avaient encouragés à se soulever contre Mouammar Kadhafi, tout en promettant de l’aide quand les combats commenceraient ». « Dans le même temps, poursuit Blumenthal, ces individus indiquent que les officiers de la DGSE continuent de maintenir une relation étroite avec le commandant rebelle, le général Younès, en l’encourageant à soutenir les plans diplomatiques et économiques des Britanniques et des Français pour la Libye post-Kadhafi. » [...]
8. BHL en VRP de Sarkozy
Toujours dans le mémo du 5 mai 2011, Blumenthal rapporte le rôle de Bernard-Henri Lévy :
« Lévy est de nouveau arrivé à Benghazi le 22 avril et il a obtenu la signature des dirigeants du CNT sur un Memorandum établissant le fait que les entreprises françaises recevront un traitement favorable dans les affaires futures. Selon des personnes en mesure de savoir, Lévy, parlant en termes polis, a clairement dit aux dirigeants du CNT qu’ils avaient une dette à l’égard de la France en raison de son soutien initial et que Sarkozy avait besoin de quelque chose de tangible en retour à montrer aux dirigeants économiques et politiques français. […] Lévy a conclu en disant à un petit groupe de dirigeants rebelles que Sarkozy était critiqué en privé par des leaders de la communauté juive française pour son soutien aux rebelles avant de connaître leur position vis-à-vis d’Israël, et que ce Memorandum l’aiderait à écarter ces plaintes. »