La Nouvelle République : Vous avez effectué depuis 2001 près d’une quarantaine de séjours à Gaza, pouvez-vous nous décrire brièvement la situation humanitaire de ses habitants ?
Christophe Oberlin : La situation est globalement très défavorable, essentiellement depuis le coup d’État en Égypte qui a coupé les ressources de l’administration pour payer les fonctionnaires (par l’intermédiaire des taxes sur les importations d’Égypte) et détruit l’emploi privé. Néanmoins aujourd’hui 40% des salaires des fonctionnaires sont versés régulièrement. Et une très légère autorisation d’Israël de faire entrer des matériaux de construction a permis de créer 70 000 emplois. Le taux de chômage a ainsi très légèrement diminué passant de 43 à 40%. Les problèmes de santé demeurent énormes, notamment avec la détérioration continue de la qualité de l’eau et la pénurie en certains médicaments et comme les produits anti-cancéreux.
Israël utilise des armes prohibées par le droit international humanitaire ; plusieurs rapports évoquent leurs graves séquelles notamment chez les enfants, les nouveau-nés, etc. Lors de vos nombreuses missions humanitaires avez-vous été témoins de ce genre de cas ?
Il est très difficile devant une malformation congénitale de faire le lien avec telle ou telle cause. Par contre une étude très solide a été faite par le Dr Khamis Elessy, qui a montré une augmentation significative des malformations neuf mois après la guerre de l’hiver 2008-2009. Cette augmentation est allée jusqu’à 20% dans certains quartiers de Gaza.
Les crimes israéliens s’enchaînent, la « communauté internationale » fait la sourde oreille, comment expliquer ce « laxisme » de la CPI ?
Je ne suis pas tout à fait d’accord. Il y a plusieurs dossiers qui avancent au niveau de la CPI, et c’est la première fois qu’un État occidental est menacé par la CPI. Le dossier le plus avancé est celui de l’affaire du Mavi Marmara, affaire pour laquelle viennent d’ailleurs d’être délivrés des mandats d’arrêt… par la justice espagnole ! L’Espagne a en effet la « compétence universelle », c’est-à-dire que des crimes de guerre peuvent être poursuivis en droit espagnol. À la CPI il va ya avoir un jugement dans les mois qui viennent concernant la même affaire. Bien entendu l’affaire du Mavi Marmara est une « petite » affaire par rapport aux crimes commis à Gaza, mais à la décharge de la procureure de la CPI, il faut savoir qu’à l’heure qu’il est le nouvel État palestinien n’a déposé AUCUNE plainte à la CPI !