Ça y est, Cécile (de France, si c’est pas un nom de reine, ça) nous fait son auschwitzade. L’auschwitzade, c’est quoi ? C’est un pèlerinage, un examen, un rite de passage, une conversion pour les nuls. C’est le baccalauréat des acteurs et des people en général : sans auschwitzade, tu ne peux pas faire partie complètement de la grande famille du show-biz qui s’aime et qui aime tout le monde.
Sauf que faire son auschwitzade, c’est pas facile : il faut savoir se plier à quelques règles douloureuses, s’agenouiller, ramper parfois, et débiter de grosses salades apprises par cœur sans trébucher. Mais ça, les comédiens savent faire. Après, on peut exhiber fièrement sa petite médaille brillante, sur la poitrine. On est alors intouchable et ça donne le droit d’embêter qui on veut, à condition que ces derniers n’aient pas fait leur auschwitzade. Oui ? Oui, on entend un truc très juste au fond de la classe : « C’est exactement comme les Affranchis », bien vu, Stéphane. Après ton auschwitzade, tu t’affranchis des lois des communs des mortels. Tu deviens immortel. Et tu peux tuer les autres.
Le voyage pas funny
L’auschwitzade, c’est surtout pour revenir dans le métier quand tu viens d’enchaîner quelques flops comme Möbius (17M d’euros de budget, un million d’entrées, donc 6M de pertes, six millions !), diront les mauvais esprits. C’est pour faire le bien autour de soi et rappeler l’inénarrable souffrance des juifs, rétorqueront les bons esprits, élevés au lait de la louve aux trois pis Valls-Cazeneuve-Clavreul. Cécile reprend le flambeau de Mélanie Laurent, qui nous avait déjà scotchés d’émotion hollywoodienne sioniste pleurnichardesque en incarnant une infirmière antinazie dans La Rafle, le tire-larmes loupé de Rose Bosch. Un film où les gendarmes français écrasaient sous leurs lourdes bottes les visages innocents des enfants juifs du Vel d’Hiv. Quand les propagandistes lourdauds ridiculisent leur propre Shoah…
Quand l’inspiration vient à Rose Bosch :
L’entreprise de culpabilisation nationale sera logiquement reçue comme une gifle par le pays, et le petit Bedos, courageusement, rentrera dans le lard de la Bosch en se foutant de la torture gratuite imposée aux enfants des écoles. C’est bien que des fois des people s’y collent parce que nous ça nous allège du boulot et eux ils risquent pas la prison alors que nous, si. Sinon, à propos des films qui font pleurer sur le lobby, il faut faire attention parce que trop de larmes tue les larmes : nous les Français on n’en a plus beaucoup pour les autres causes, il faut partager ! Le lobby pourrait être un peu plus chrétien, merde quand même.
Et les Noirs avec les esclavagistes ? Et les Arméniens avec les Turcs ? Et les scarabées avec les oiseaux ? Quelqu’un a-t-il déjà vu, en forêt, une fois par an, autour du mois de juin, une tuerie massive de scarabées par les oiseaux, qui ne picorent que leur abdomen (bourré de protéines), et qui laissent troncs et têtes gésir à terre ? On marche alors sur des centaines, sur des milliers de semi-scarabées qui bougent encore. Un spectacle dantesque à l’échelle des insectes. La pitié n’est pas dans la Nature. Elle est en revanche dans la nature humaine, sauf que ce sont toujours les mêmes qui ont pitié.
La bande-annonce du Voyage de Fanny :
Bon en même temps on va vous dire la vérité, on n’a pas vu le film, et on n’a rien compris à la bande-annonce. Ça se trouve peut-être que la Fanny elle est pour les Boches, on sait jamais, un changement de paradigme dans le cinéma français, une surprise, un contre-pied, une ouverture… Cependant, l’interview de Cécile pour Actualité Juive laisse peu de place au doute :
Cécile de France : Lola Doillon s’est inspirée de l’enfance de l’Israélienne Fanny Ben-Ami racontée dans son livre. Cette directrice d’école que j’incarne était une personne complètement dévouée à la cause de ces enfants juifs. Ils n’étaient pas en colonie de vacances, ils avaient froid et faim. D’où un gros enjeu pour moi de retransmettre au plus près cette responsabilité historique, mais aussi cet investissement personnel et magnifique.
A.J. : Qu’est-ce qui vous a motivé[e, motivé-e, féminin, NDLR] pour accepter ce rôle ?
C.D.F. : La beauté du scénario et la grande émotion, allant jusqu’aux larmes que j’ai eue[s, eue-s, pluriel, NDLR] en le lisant. Et l’envie de raconter à nos enfants pour ne pas que cela se reproduise, tout comme l’hommage à tous ceux qui n’ont jamais revu leurs parents ou qui sont morts dans les camps. J’aime beaucoup aussi Lola Doillon que j’ai connue sur un film de Cédric Klapish [Klapisch, prend un « c », NDLR].
- (Capture de la une du site réalisée sans trucage)
On reviendra une autre fois sur Lola Doillon, la flle de qui vous savez. Là, on reste sur Cécile, et ses larmes. Les questions du journaliste sont savoureuses. Pour un peu, il évoquerait les massacres de villages entiers de colons juifs par des Palestiniens armés de couteaux de cuisine… Mais reprenons le fil de cet entretien remarquable, qui fera date dans l’histoire du cinéma sioniste français :
A.J. : Ce film peut-il avoir un impact au-delà de la communauté juive ?
C.D.F. : Au niveau des migrants par exemple. Nous, les artistes sommes là pour ouvrir les esprits, briser les barrières de mentalité, et surtout changer notre regard d’humanité sur l’autre. Comme nous sommes en guerre, ce film peut avoir une résonance réelle.
A.J. : Alors un mot sur la recrudescence de l’antisémitisme qui va jusqu’à tuer dans une école juive ?
C.D.F. : C’est un grand étonnement, comme si rien ne s’était passé, comme si toutes ces vies sacrifiées n’avaient pas fait avancer la progression de l’être humain. Par la parole et le travail des historiens, des artistes, des journalistes, et des anciens qui vont bientôt disparaître, on doit éviter l’oubli. La culture est importante. L’antisémitisme d’aujourd’hui est dû à l’inculture.
Ah, « faire avancer la progression de l’être humain », « briser les barrières de mentalité »...
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