Il y a (2016 – 1944 =) 72 ans, l’armada américano-britannique envahissait la France par les plages de Normandie au nez et à la moustache des Allemands. Depuis, la France ne s’appartient plus, et dans les centres-villes, il n’y a plus un magasin qui porte un nom purement français. Ce ne sont que « shop », « lounge », et autres « coffee ». La victoire de l’Amérique est écrasante, totale. La France éternelle a plié genou, et plié bagages : les Français se cassent par centaines de milliers à l’étranger, et pas pour aller bosser dans les pétroles du Gabon, comme dans les années 70. La fuite est plus grave, et c’est pas de la faute des Américains, enfin, pas directement.
Les GI’s qui ont laissé leur vie sur Omaha Beach pensaient mourir pour la Liberté, la Démocratie, ou au moins les États-Unis, pas pour le commerce, qui n’est pas très noble, et qui sent toujours un peu l’arnaque. En effet, il s’agit de vendre le plus cher possible au plus grand nombre de gens possible un produit de la qualité la plus basse possible, réalisant la marge la plus grande possible. Ainsi défini, le capitalisme n’est pas très ragoûtant, mais c’est la vérité. La notion de don, d’échange, d’équilibre, de respect, de bénéfice mutuel, de connaissance, d’amour, toutes ces salades « chrétiennes » – et pourtant l’Amérique se dit chrétienne, lol –, l’Empire s’en fout. Le bulldozer commercial roule sur toutes les traditions, différences, particularités, il formate tout, rend tout égal, plat, droit. L’Empire géométrise le monde.
Heureusement que les dessinateurs de presse sont là pour ramener un peu d’humanité dans la vie et l’actu. Par humanité, on entend espoir, humour, tendresse, recul, intelligence, finesse, tout ce qui fait un peu la grandeur de l’homme. Oui mais voilà, de la même façon que l’Amérique façonne le monde à son image, les as du crayon refont le monde... selon un catéchisme de gauche sociétale, un cocktail fait de 5% de colère, 5% d’imagination, 5% de vérité, et 85% de démagogie cucul la praline.
Il y a 50 ans, les dessinateurs d’Hara-Kiri régnaient sur la France. Sinon c’était Faizant, la purge du Figaro. On schématise, pour la démonstration. Aujourd’hui que les thèmes subversifs de l’époque sont archi-éculés (les trucs cochons, se moquer du pouvoir visible, se moquer des trucs cochons du pouvoir visible), le moindre petit ambitieux doté d’un minimum de technique peut s’y mettre. Ça donne une batterie de poules pondeuses de platitudes, avec toujours les mêmes méchants – Assad, Poutine, Hitler, les riches (l’or des nazis) – et les mêmes gentils – les femmes, les homos, les juifs, les pauvres (les pauvres juifs) –, et ça devient extrêmement lassant. Des bataillons d’ouvriers du marqueur ou de la palette graphique se battent pour faire le même dessin. Ces révoltés en chambre en retard d’une guerre n’imaginent même pas que chaque époque génère sa propre subversion. La subversion 2016, ils n’y touchent pas, ils n’y pensent même pas. Sauf pour dénoncer ceux qui la pratiquent de la pointe de leur crayon.
Cette émission repoussante à tous les niveaux (conceptuel, spirituel, esthétique) constitue un excellent résumé de l’esprit de soumission sus-nommé : la présentatrice, piquée par un essaim de mouches tsé-tsé, va jusqu’à évoquer le problème des dessins « utilisés par des gens peut-être peu recommandables » ! Seigneur, d’où elle sort celle-là ? En ce qui concerne les deux invités, on préférera rester polis (la pauvreté des dessins post-attentats), et passer à la troisième partie de ce Jour en France. Tout le monde a le droit de manger.
C’est Macron, encore lui, qui fait parler de lui. Sauf que là, c’était pas prévu. En bon homme de gauche, le ministre du Libéralisme se rend à Montreuil, fief communiste et siège de la CGT, pour y « dévoiler un timbre célébrant le 80e anniversaire du Front populaire ». Il a été reçu par des « casse-toi » et des œufs. La même mésaventure était arrivée à Laurent Fabius à la Fête de l’Huma, le 10 septembre 2005. La France a vachement avancé, en 10 ans.
La démagogie (celle des dessinateurs majoritaires) voudrait que l’on applaudisse les courageux lanceurs de projectiles antilibéraux ; oui mais voilà, le combat politique, c’est pas ça. Si l’on ne prend pas le pouvoir avec le fusil (option possible mais compliquée, car ça peut tirer en face aussi), ce sont des arguments qu’il faut lui lancer, au fils prodigue de l’accouplement entre la République et la Banque (Rothschild). On nous dira « ouais mais l’gars il les entend pas ducon », ce qui n’est pas faux. Cependant, le bombardement d’insultes et d’œufs ne change rien à la donne. Tout n’est pas irrémédiablement impur chez Macron, et pur chez les communistes.
Des œufs sur la gueule d’un ministre, c’est tout ce qui reste du Front populaire. « Ah ouais, et comment que tu luttes contre le libéralisme qui détruit la France à petit feu ducon ? »
Eh bien déjà, on améliore le diagnostic. Parce que la gauche internationaliste, dans son élan humanitaire (pas perdu pour tout le monde), a détruit les frontières et mis en danger le tissu social et économique du pays. C’est donc qu’il y a un problème au niveau des principes, et le fait de s’y arc-bouter, a fait couler la gauche : d’abord le Parti communiste, puis le Parti socialiste. C’est pour cela que Mélenchon, avec 30 ans de retard sur le FN, commence à tourner casaque sur l’immigration et la Nation. Et qu’il y avait plus de presse et de monde à son premier meeting de campagne place Stalingrad (le clin d’œil à Staline) qu’au 37e Congrès du Parti communiste français, qui se terminait le même jour à Aubervilliers, cette vitrine cassée de la gauche.
6 juin 1944, Rothschild, Stalingrad... dis papa, c’est quand qu’on sort de la Seconde Guerre mondiale ?